La notion de communautarisme n'est ni une notion sociologique* ni un terme clairement défini et circonscrit.
*Dans le sens où ce serait une notion couramment travaillée et employée dans la recherche sociologique, qui serait placé au coeur de travaux ou de questionnements structurants.
"Communautarisme" fait partie d'un vocabulaire politique. De ce point de vue, on ne sait pas trop ce qu'elle désigne : un phénomène ? un courant idéologique ? une tendance ? Tout ça à la fois ?
Les gens qui l'utilisent ne prennent jamais la peine d'en donner une définition précise, encore moins des indicateurs, des mesures ou des vérifications empiriques.
Je précise cela avant que quelqu'un ne débarque en hurlant que le fait que le terme ne soit pas utilisé par les sociologues montre l'échec de la sociologie et blablabla. Si vous pensez que le terme est pertinent, la charge de la preuve vous revient.
En attendant, je m'en tiendrais à une règle de scepticisme : ce qui s'affirme sans preuve se réfute sans preuve.
Concernant l'existence de quartiers différenciés dans les villes, les concepts de "ségrégation" ou éventuellement de "séparatisme" sont pertinents. Ils permettent de souligner que c'est un phénomène ancien (dès le début des villes en fait...) et qui se fait surtout "par le haut".
C'est-à-dire qui est la résultante de stratégie d'évitement et d'éloignement des groupes favorisés vis-à-vis des groupes défavorisés et non d'une dynamique d'enfermement volontaire de ces derniers.
Sur le plan d'une idéologie "communautarisme", les choses sont encore plus floues. On renvoie la chose généralement aux USA. Or, le terme n'y existe pas, pas plus qu'un courant qui serait formé sur les bases supposées.
Il existe bien une philosophie communautarienne qui (les philosophes, corrigez moi si je me trompe) consiste à dire que dans une société il existe différentes conceptions du bien que l'on ne peut réconcilier par des principes de justice uniques (Walzer est un exemple).
C'est une discussion assez technique en philosophie de la justice. Inutile de dire que les débats des médias français sont assez éloignée de tout ça, et qu'il est permis de douter que ceux qui utilisent le terme sache que ça existe.
La prévalence des "communautés" sur l'individu n'existe pas plus dans le "modèle américain" que dans le "modèle français". L'opposition entre une "intégration par les communautés" aux USA et une "assimilation des individus" en France est une caricature de cours de culture G de L1
Pas une description réaliste ou même intéressante de l'intégration (voir les travaux d'Abdelmalek Sayad ou cet article de Mirna Safi cairn.info/revue-sociolog…)
Bref, je pourrais continuer longtemps : le terme est un véritable poison pour tout débat sérieux. Il masque la réalité au lieu de la révéler, oblige à lutter contre des ombres plutôt qu'à s'intéresser aux données ou aux discours réellement tenus.
Mon conseil : ne l'utilisez pas. Si vous pensez qu'il y a bien un problème à dénoncer, commencez par en faire la preuve.
Pour en savoir plus :
L'ouvrage de M. Mohammed et J. Talpin, Communautarisme ? laviedesidees.fr/Communautarism…
L'ouvrage de Frabriche Dhume, Communautarisme, enquête sur une chimère du nationalisme français contretemps.eu/communautarism…
L'ouvrage de M. Mohammed et J. Talpin, Communautarisme ? laviedesidees.fr/Communautarism…
L'ouvrage de Frabriche Dhume, Communautarisme, enquête sur une chimère du nationalisme français contretemps.eu/communautarism…
Aussi, cet article de Fabrice Dhume : laviedesidees.fr/Communautarism…
Ce thread est incroyablement bordélique. En même temps, c'est une notion et un débat qui est incroyablement bordélique. Un jour j'en ferais un billet de blog.
