My Authors
Read all threads
[#THREAD] Chutes des ventes, recettes publicitaires en berne, éditeurs déficitaires, stratégies numériques balbutiantes, le passage au scanner des chiffres de la presse dépeint un tableau noir, alors que l’année 2020 s’annonce déjà comme l’une des pires de son histoire (1/60)
La baisse des ventes des journaux ne date pas d’hier. C’est un mouvement qui prend racine au début des années 2000. La démocratisation d’Internet, et son flot d’informations gratuites, donne le coup d’envoi d’une chute qui ne semble plus vouloir s’arrêter (2/60)
Un nouveau cap est franchi après la crise financière de 2008. La chute des ventes de la presse payante grand public s’accélère à vitesse grand V jusqu’en 2016, date des derniers chiffres publiés par le ministère de la Culture (3/60)
Pour suivre l’évolution plus récente de la diffusion de la presse payante, il faut se référer aux chiffres publiés par l’ACPM, l’association professionnelle chargée de certifier la diffusion de la plupart des journaux et des magazines (4/60)
Les graphiques qui suivent s’appuient sur les indicateurs clés publiés dans les tableaux de l’ACPM :
• les abonnements postaux et portés qui correspondent aux abonnements papiers
• les ventes au N° payées par l’acheteur qui correspondent aux ventes en kiosque
(5/60)
• la diffusion des versions numériques individuelles qui correspond pour l’essentiel aux abonnements exclusivement numériques, à condition que ces abonnements donnent un accès aux journaux en version pdf
(6/60)
En matière de ventes papier (abonnés + kiosque), les quotidiens nationaux suivent tous une trajectoire fortement baissière. Les chutes sont particulièrement sévères pour Aujourd’hui en France (l’édition nationale du Parisien) et Libération (7/60)
Entre les mois de décembre 2015 et 2019, Libération a perdu 40% de son lectorat papier (-19 000 journaux vendus par jour) et Aujourd’hui en France a chuté de 38% (-48 000 journaux vendus par jour) (8/60)
Les journaux qui enregistrent les moins fortes baisses (La Croix et L’Humanité) sont également ceux dont l’essentiel des ventes se font par abonnement (9/60)
Du côté de la presse quotidienne régionale, la tendance est aussi à la baisse. L’ensemble des 8 plus gros titres du secteur voient leurs ventes s’effriter. La chute est particulièrement marquée pour Le Parisien et Sud-Ouest (10/60)
Le Parisien a perdu 31% de son lectorat en quatre ans seulement (-61 000 journaux vendus par jour). Sur la même période, Sud-Ouest chute de 21% (-48 000 journaux vendus par jour) (11/60)
Comme pour les quotidiens nationaux, les journaux régionaux qui enregistrent les plus faibles baisses (Le Télégramme, La Nouvelle République et La Voix du Nord) sont ceux qui reposent le moins sur les ventes en kiosque (12/60)
Dans la famille des News mag et du Journal du Dimanche, la baisse est particulièrement soutenue pour l’ensemble des titres. L’Express et L’Obs sont les plus impactés (13/60)
Entre décembre 2015 et décembre 2019, L’Obs perd 166 000 lecteurs (- 48%). Sur la même période, L’Express voit ses ventes fondre de 53% (-121 000 magazines vendus par semaine) (14/60)
Contrairement aux quotidiens nationaux et régionaux, les deux magazines dont les ventes reposent le plus sur l’abonnement (L’Express et L’Obs) sont également ceux qui enregistrent les plus fortes baisses (15/60)
Dans la presse féminine et bien-être, les 8 plus gros titres enregistrent tous des ventes à la baisse. Femme Actuelle et Avantages suivent les trajectoires les plus tendues (16/60)
Femme Actuelle perd 193 000 lecteurs en quatre ans (- 34%). Avantages voit ses ventes papier baisser de 26% (-91 000 magazines par semaine). Elle, le titre du groupe Lagardère, vend 50 000 magazines de moins par semaine (-20%) sur la même période (17/60)
À l’exception de Elle, la presse féminine et bien-être se vend surtout en kiosque : à plus de 70% pour Prima et Marie Claire (18/60)
Les paparazzi n’échappent pas à la baisse. La presse people fait de moins en moins recette. À commencer par Public et Closer dont les ventes fléchissent plus rapidement que les autres (19/60)
Entre décembre 2015 et décembre 2019, les ventes de Public chutent de 40% (-49 000 numéros par semaine). Celles de Closer fondent de 35% (-73 000 numéros par semaine). France Dimanche perd 72 000 lecteurs par semaine (-26%) (20/60)
La presse people se vend presque exclusivement en kiosque : à 80% pour France Dimanche et Public, à plus de 70% pour Voici et Gala (21/60)
Du côté des magazines société, toujours la même tendance baissière. Lancé en mars 2015, Society voit ses ventes fondre année après année. Les ventes des Inrocks chutent brutalement (22/60)
En décembre 2019, Society ne compte plus que 17 000 lecteurs, presqu’autant que Les Inrockuptibles (16 000 lecteurs). Society a perdu 65% de son lectorat en quatre ans. Les Inrocks en a perdu 52% sur la même période (23/60)
Télérama, qui se vend à 90% par abonnement, se montre plus résiliant. Avec une baisse des ventes de seulement 16%, le magazine a tout de même perdu 86 000 lecteurs entre les mois de décembre 2015 et 2019 (24/60)
La presse culturelle semble globalement plus résistante, à l’exception notable du magazine bimestriel de cinéma Première qui accuse une forte baisse de ses ventes (25/60)
Entre les mois d’octobre 2015 et 2019, Première perd 20% de son lectorat (-10 000 journaux vendus par mois). Le Magazine Littéraire, devenu Le Nouveau Magazine Littéraire en 2017, se distingue comme le seul titre dont les ventes ont augmenté sur la même période (26/60)
Les titres qui enregistrent les plus faibles baisses (Beaux Arts Magazine -7% et Connaissance des Arts -2%) sont également ceux qui ont les plus fortes proportions d’abonnés : entre 70 et 90% (27/60)
La presse jeunesse fait figure d’exception dans le monde des périodiques. Hormis Le Journal de Mickey, les plus gros titres du secteur suivent tous des tendances à la hausse (28/60)
J’aime Lire, le mensuel littéraire des 7-10 ans, gagne 23 000 jeunes lecteurs (+18%) entre octobre 2015 et octobre 2019. Les Belles Histoires, un mensuel destiné aux 4-7 ans, voit ses ventes grimper de 24% (+11 000 numéros) (29/60)
La presse jeunesse se vend essentiellement par abonnement : autour de 95% pour Astrapi qui a gagné 14 000 lecteurs entre octobre 2015 et octobre 2019 (30/60)
Face à la chute quasi-généralisée des ventes papiers, l’un des principaux enjeux pour la presse est de se constituer un lectorat d’abonnés numériques. Or, à l’exception de la presse quotidienne nationale, les proportions d’abonnements web peinent à décoller (31/60)
En décembre 2019, 65% du lectorat payant du Monde est composé d’abonnés numériques. Le journal du soir avait franchi le cap des 50% au printemps 2018. Des titres comme La Croix (23%) ou L’Humanité (17%) sont en revanche plus en retard (32/60)
Le Monde compte plus de 208 000 abonnés purement numériques au mois décembre 2019. La Croix et L’Humanité n’en comptent que près de 18 000 pour le premier et 5 000 pour le second (33/60)
Dans la presse quotidienne régionale, la mutation numérique est encore très timide. Les proportions d’abonnés purement numériques sont très faibles : de 3% à La Nouvelle République à 13% pour Le Parisien, en décembre 2019 (34/60)
Ouest-France est le quotidien régional qui compte le plus grand nombre d’abonnés purement numériques : près de 54000 en décembre 2019. Le Progrès, Le Télégramme, Le Dauphiné Libéré et La Nouvelle République sont tous sous la barre des 10 000 (35/60)
Du côté des News magazines et du JDD, les proportions d’abonnés numériques sont aussi très faibles comparées aux ventes papier (abonnés + kiosques). L’Express compte 14% de lecteurs exclusivement numériques (36/60)
Le Point est le news mag qui compte le plus grand nombre d’abonnés numériques : plus de 28 000 en décembre 2019. Mais ce chiffre correspond seulement à près de 12% du lectorat payant de l’hebdomadaire (37/60)
Dans la presse Féminine, le nombre d’abonnés numériques est famélique. En décembre 2019, les abonnés web de Elle ne représentent que 3% du lectorat payant du magazine (38/60)
En décembre 2019, Elle et Marie Claire comptent chacun près de 7000 abonnés purement numériques, Avantages n’en compte que 1000 et Femme Actuelle un peu moins de 2000 (39/60)
Dans la presse people, les lecteurs purement numériques sont aussi une denrée rare. Ils représentent moins de 1% du lectorat payant de France Dimanche, contre 3% pour Closer et 9% pour Public (40/60)
Public et Closer ont 7000 lecteurs numériques chacun. Gala en compte moins de 2000, une goute d’eau pour un magazine acheté chaque semaine en version papier par près de 100 000 lecteurs (41/60)
À Télérama, les abonnés purement numériques ne représentent qu’un tout petit 1% du lectorat payant. En janvier 2019, la proportion des ventes numériques de Society passe de 13 à plus de 40%. Mais le journal gagne en réalité autant d’abonnés web qu’il en perd sur le papier (42/60)
Les Inrocks ne comptent que 3226 abonnés exclusivement numériques en décembre 2019. Une fois ajoutés aux lecteurs papier (abonnement et kiosque), cela donne un total de seulement 19000 lecteurs payants (43/60)
La presse culturelle compte très peu d’abonnés purement numériques. Ils représentent moins de 1% du lectorat payant de Connaissance des arts. La proportion des lecteurs numériques payants de Première est seulement de 4% (44/60)
Beaux Arts Magazine qui vend près de 43 000 numéros papier en octobre 2019, ne compte que 1000 abonnés purement numériques. Le Nouveau Magazine Littéraire en dénombre seulement 650 (45/60)
La plupart des titres de la presse jeunesse ne proposent pas d’abonnements exclusivement numériques. Seul Le Journal de Mickey en compte une poignée : 557 en décembre 2019, moins de 1% de son lectorat payant (46/60)
Sur le plan financier, la presse voit ses recettes fondre année après année. Les recettes publicitaires de la presse quotidienne nationale représentent 60% des revenus (660 M€) en 2000. En 2018, elles ne représentent plus que 34% des revenus (180 M€) (47/60)
La crise financière de 2008 a entrainé une accélération considérable de la chute des revenus publicitaires. La baisse des recettes des ventes se précipite depuis 2015 (48/60)
Le Monde, qui est pourtant le quotidien le plus en pointe dans la conversion numérique de son lectorat, cumule 54,5 millions d’euros de pertes d’exploitation entre 2012 et 2018. Les pertes de Libération s’élèvent à 18,1 millions d’euros entre 2016 et 2018 (49/60)
La presse quotidienne régionale voit elle aussi ses recettes publicitaires fondre comme neige au soleil. 42% de ses revenus (1,1 milliards d’euros) venaient de la publicité et des petites annonces en 2000. En 2018 elles ne représentent plus que 31% (619 millions d’euros) (50/60)
Comme pour la presse quotidienne nationale, la crise financière a entraîné une chute vertigineuse des recettes publicitaires des quotidiens régionaux. Les revenus des ventes entament une baisse en 2012 qui s’accélère depuis 2016 (51/60)
Entre 2010 et 2017, Le Parisien cumule près de 86 millions d’euros de pertes d’exploitation, dont -19 millions d’euros pour la seule année 2017. Le Progrès perd 44,2 millions d’euros entre 2010 et 2018 (52/60)
Du côté des News mag, L’Obs a cumulé 27 millions d’euros de pertes d’exploitation entre 2010 et 2016. Un plan de départs volontaires en 2016 permet au magazine d’enregistrer un bénéfice d’exploitation de 3,2 millions en 2017, qui fond aussitôt en 2018 à 800000 euros (53/60)
Dans la presse magazine spécialisée, les recettes publicitaires ne génèrent plus que 500 millions d’euros en 2018, contre 1,3 milliard en 2000, soit une baisse de 62% (54/60)
La crise financière de 2008 a entraîné une chute extrêmement forte des recettes publicitaires. Les revenus tirés des ventes suivent également une tendance à la baisse entamée en 2007 (55/60)
Alors que des éditeurs comme Prisma (Geo, Gala, Voici), Uni-Medias (Santé Magazine, Régal) et Télérama affichent des résultats largement bénéficiaires, d’autres montrent des signes de faiblesse : Marie Claire Album et Sophia Publications (Le Nouveau Magazine Littéraire) (56/60)
Dans ce contexte, quel avenir pour la presse ? Depuis quelques années, les éditeurs nouent des partenariats avec des plateformes comme Cafeyn et ePresse qui proposent des accès illimités à de larges catalogues de titres contre un abonnement mensuel à 10 euros (57/60)
Ces kiosques numériques veulent adapter à la presse des modèles comme Netflix pour le cinéma et Spotify pour la musique. Mais ce type d’offre constitue-t-il un modèle économique suffisamment rémunérateur pour les éditeurs ? (58/60)
En 2017, Étienne Gernelle dénonçait un système qui « organise le massacre de la presse de qualité ». Le directeur du Point comparait alors ce choix à « l’énorme bêtise » de mettre les contenus des journaux en accès gratuit sur Internet en 1995 tinyurl.com/yb7hymt9 (59/60)
Cafeyn, qui vient d’acquérir Milibris, l’éditeur de Sfr Presse, revendique un catalogue de 1000 titres. Epresse propose un accès à plus de 450 publications. Le Point fait désormais partie de ces deux catalogues, comme ses principaux concurrents L’Obs et L’Express (60/60)
Correction: Elle est propriété du groupe Czech Média Invest (CMI) depuis 2019
Missing some Tweet in this thread? You can try to force a refresh.

Keep Current with Mathieu Lehot

Profile picture

Stay in touch and get notified when new unrolls are available from this author!

Read all threads

This Thread may be Removed Anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Follow Us on Twitter!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just two indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3.00/month or $30.00/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!