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Le gouvernement annonce un accord à 7,5 milliards pour le Ségur de la santé. Voici en quelques mots pourquoi on peut dire que cet accord relève de la logique de la médaille.

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Comment évaluer les 7,5 milliards ? C’est relatif : c’est beaucoup si on prend en compte les années de disette que connait l’hôpital depuis au moins le début des années 2000 ; c’est peu si on regarde l’état du système de santé.
Si le niveau des dépenses de santé (ONDAM) est toujours en augmentation, il augmente moins vite que l’augmentation des coûts (effet GVT, prix de consommables, etc.). Le budget augmente mais la capacité à produire baisse !
L’austérité est payée par plus de pression sur les travailleurs, un bâti qui se dégrade, une qualité qui baisse et des inégalités (spatiales, sociales, etc.). L’inégalité est entre structure publiques et privées, mais aussi à l’intérieur du public qui est très hétérogène.
Depuis le mouvement social débuté il y a un an et demi, Buzyn avait proposé 0,6 milliards en septembre puis un plan en trois axes en novembre : 0,5 milliards sur trois ans, 800 € par an pour les petits salaires d’Ile de France et une reprise partielle de la dette.
Dans les deux cas, les dépenses nouvelles ne venaient que combler les mesure d’économies décidées par les ONDAM 2019 et 2020. Rien de convainquant ce qui a poussé les professionnels à poursuivre la grève… jusqu’à l’arrivée du covid.
Avec les 7,5 milliards posés sur la table il y a effectivement une rupture. Mais il faut mesurer cette somme à l’aune de la situation : 20 ans d’austérité et… une crise sanitaire et économique inconnue en France depuis la seconde guerre mondiale !
Il faut évaluer le Ségur à l’aune de ce qui est prévu et de ce qui n’y est pas (alors que cela pèse lourdement sur les difficultés du système de santé).
Parlons d’abord des mesures du Ségur : la communication insiste sur les 180€ nets d’augmentation. C’est significatif mais loin de la revendication de 300 €, qui n’a pour objectif que de ramener les salaires français à la moyenne des pays de l’OCDE.
L’augmentation aura lieu en deux fois et les soignants devront attendre mars 2021 pour avoir les 180€. Cette rémunération prendra vraisemblablement la forme de primes et non de salaires (cotisations en moins, quid des droits à la retraite et au chômage, etc. ?).
On ne sait pas si tous les salariés de l’hôpital seront réellement bénéficiaires. Les stratégies d’externalisation de certains métiers (entretien, restauration, hôtellerie, etc.) vont-elle exclure ces salariés ?
Patrick Bourdillon (CGT) note par ailleurs que 35 000 salariés de l’aide à l’enfance, de certaines branches de la psychiatrie et des centres de prise en charge des personnes handicapées ne seraient pas concernés par la revalorisation.
Les négociations sur les grilles salariales sont renvoyées à plus tard.
La question des salaires est esquivée au profit d’une stratégie de prime. Comme dans le reste de la fonction publique et du privée, la lutte contre le salaire, mesuré au point d’indice ou non, reste la règle.
Autre point important, les recrutements : 15 000 embauches sont promises mais il s’agit en réalité de 7 500 embauches, la différence étant le nombre de postes vacants avant la crise. Drôle de stratégie de communication…
Il est impératif de mettre de côté la communication et souligner ce que représentent ces chiffres au regard des 1,155 millions d’agents de la fonction publique hospitalière. On passerait à 1,170 millions ! Pense-t-on être à la hauteur des enjeux ?
En prenant toute la lumière le Ségur de la santé et les mesures qui en sont issues laissent dans l’ombre un grand nombre de sujets pourtant incontournables pour refonder le système de santé.
Voici quelques points restés sans réponses :

(Voir l'essentiel @LaCasseDuSiecle, avec @PA_Juven, pour aller plus loin)
Rien n’a été dit sur la structure du pouvoir dans les hôpitaux. Si les hôpitaux sont devenus des petites entreprises, ils sont pieds et poings par leur hiérarchie : ARS et ministère. A quand une démocratisation de l’hôpital public ? A quand une re-démocratisation de la sécu ?
Il ne suffit pas de dire qu’il faut plus de financement, il faut encore que ces financements puissent être utilisés en dehors des logiques marchandes et bureaucratiques. Pourquoi pas redonner le pouvoir au travailleurs et aux cotisants ? (voir @ReseauSalariat @bborrits)
Rien n’a été dit sur le financement des mesures annoncées. Jusqu’à maintenant, chaque dépense nouvelle dans l’ONDAM était financée par des économies sur d’autres postes – si bien que les ministres peuvent dire sans mentir qu’ils augmentent les budgets alors qu’ils les baissent !
La gloire de l’hôpital public a été fondée par l’augmentation progressive de la cotisation sociale – et non par de l’impôt ou de l’emprunt (public ou privé). Si à court/moyen terme on peut laisser filer la dette, est ce que cela sera au prix de plus d’austérité demain ?
Ces questions sans réponses sont d’autant plus angoissantes que l’on se rappel du plan de la Caisse des dépôt et consignations que mediapart avait fait fuité il y a quelques moins. Il était question notamment de PPP et d’autres joyeusetés de ce type.
mediapart.fr/journal/france…
Rien n’a été dit sur le projet de transfert de la dette covid sur la sécurité sociale (via la CADES) alors que l’État aurait pu et dû en supporter la charge.
Selon @ZemmourMichael alors que la dette covid aurait couté à l’Etat un milliard par an (intérêts), cela devrait couter près d’une dizaine de milliards par an à la CADES (intérêt et principal). Autant de fonds indisponibles pour les assurés sociaux !
lemonde.fr/idees/article/…
Rien n’a été dit l’hôpital entreprise. Le premier problème de l’hôpital est le niveau des dépenses, trop faible (ONDAM). Le fait d’imposer à l’hôpital de se comporter comme une entreprise à but lucratif (ex: T2A) n’est en fin de compte qu’une (terrible) méthode de rationnement.
Si la question du budget est plus importante, celle de l’organisation compte énormément pour les travailleurs. Va-t-on en finir avec l’industrialisation des soins ? La gestion par objectifs quantifiés de productivité ? la logique de concurrence ? Le minutage de tous les temps ?
Rien n’a été n’a été dit sur l’articulation ville-hôpital. La souffrance à l’hôpital provient de l’absence complète de régulation de la médecine de ville – où il est plus difficile de contrôler l’évolution des dépenses.
On peut vouloir réduire la place de l’hôpital, uniquement à condition que les structures de ville suivent (médical, médico-social, etc.). Or, en raison des coûts et de la désorganisation du système, l’hôpital public est souvent un refuge nécessaire pour les malades.
Rien n’a été dit sur l’articulation du privé et du public. Certains syndicats se sont plaints de l’absence de séparation des mesures. Il faut dire que le privé à but lucratif s’organise depuis plusieurs années pour se développer où c’est rentable, au risque des inégalités.
Il faut toujours avoir en tête que les inégalités entre les travailleurs du soin et entre les patients sont aussi des inégalités de classe. Comme dans l’enseignement, on assiste à une polarisation des structures de soins, que la crise va accélérer ?
En conclusion, on peut comprendre que certains syndicats signent les accords de Ségur. Ce qui est pris n’est plus à prendre, et les montants sont largement supérieurs au passé récent.
Cependant, il serait illusoire que de croire que les mesures du Ségur seront suffisantes pour améliorer le système de santé. L’accord salarial permet aux travailleurs de serrer les dents un peu plus dignement mais que va-t-il se passer avec tout le reste ?
On a vu à quelle vitesse les applaudissements quotidiens laissent place aux coups de matraque. La volonté du monde de la santé de montrer sa légitimité à atteint ses limites.
Les jetés de blouses ou les SOS des hôpitaux n’ont pas eu d’effets avant la crise. La crise que l’on connait aura à peine suffit à arracher quelques milliards comme d’autres secteurs pourtant moins sollicités.
Peut-être faut-il penser à des stratégies de lutte moins institutionnalisées, plus en phase avec l’histoire de la sécurité sociale ?
Sans mobilisation, le temps qui passe n’est pas au bénéfice d’un "plan massif pour l’hôpital", encore moins aux "jours heureux".
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