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A l’heure où face à la crise beaucoup souhaitent un renforcement de l’État dans l’économie, il est nécessaire de rappeler les deux origines contradictoires de la protection sociale en France : l’État et La Sociale .
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Il faut opposer historiquement une approche de la protection sociale portée par l’État, où la protection est un instrument de la prédation, à une approche qualifiée de « La Sociale » dominée par un l’auto gouvernement des individus, notamment dans leur résistance à l’État.
L’État providence, dont Macron semble soudain se rappeler les vertus, est l’aboutissement de la guerre de masse moderne et les politiques sociales sont orientées vers les besoins de la guerre : populationnisme, enseignement, logement, santé, pensions retraite, invalidité, etc.).
Paradoxalement, c’est celui qui envoie la population à la guerre (l’État) qui retire les bénéfices politique et économiques de son comportement prédateur. Avec l’union sacrée, tous les citoyens sont invités à se soumettre à l’État désormais protecteur.
Cependant bien qu’elle soit en partie le résultat de la guerre, la protection sociale trouve aussi ses racines en France dans l’affirmation d’un bien être porté par les citoyens eux-mêmes et non par l’État.
Les origines de cette exception française remontent à la Commune de 1871 : dans la résistance à la Prusse et à l’État républicain, les communards inventent de nouvelles formes de protection sociale (moratoire sur loyers et dettes, réquisition de nourriture et logement, etc.).
Si la Commune de Paris est un premier cas de construction de protection sociale contre l’État, La Sociale se généralise en France avec la création du régime général de sécurité sociale en 1945/1946 suite à la période de la résistance.
On rejoint ici un aspect central du travail de Bernard Friot : la sécurité sociale de 1945 n’est pas une nationalisation mais une socialisation – l’enjeu majeur est que la classe travailleuse, exclue depuis 1793 de la direction politique et économique du pays, prend le pouvoir.
Ce pouvoir politique nouveau provient de la place que les ouvriers prennent dans les caisses de sécu : alors qu’ils avaient étés largement exclus par les mutuelles et les entreprises dans le passé, désormais les ouvriers ont ¾ des sièges dans les conseils d’administration.
On peut alors souligner la différence entre socialisation et nationalisation : la nationalisation, comme à Renault se fait sous le joug de l’État, tandis que la socialisation suppose une forme avancée de démocratisation.
Qu’est-ce que cela change ? C’est parce que la sécu était dirigée par les ouvriers eux-mêmes qu’ils ont pu imposer et faire vivre le principe « chacun contribue selon les moyens et reçoit selon ses besoins ».
Toute l’histoire de l’État Providence français dans la seconde moitié du 20ème siècle consiste à se réapproprier la sécurité sociale auparavant autogérée par un processus de critique et de réformes engagées à partir de... 1946.
Ainsi, l’État ne commence pas ses projets de réforme par réduire les dépenses de la sécurité sociale mais par remettre en cause la direction politique de l’institution. Si ce combat commence dès 1945, on peut souligner les moments importants de 1967 et 1995.
En 1967 les ordonnances De Gaulle/Jeanneney retirent le pouvoir aux salariés, les ouvriers n’ont désormais que 50% des sièges. Il suffit donc au patronat de trouver un syndicat conciliant pour faire ce qu’il veut. Qui a dit que De Gaulle était le fondateur de la sécurité sociale?
En 1995 les ordonnances Chirac/Juppé accentuent la vassalisation de la sécurité sociale avec, notamment, le vote du budget à l’Assemblée nationale, la création de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, Agences régional d’hospitalisation, etc.
Ce mouvement d’étatisation du de la sécurité sociale n’est pas neutre. En plus de constituer une dépossession du pouvoir politique d’auto-gouvernement des citoyens, il s’est accompagné de la marchandisation et de la bureaucratisation des politiques sociales.
Du côté de la marchandisation, peu est à dire tellement la situation est accablante. On peut soulever un point décisif : la financiarisation de la sécurité sociale. Dette et déficits et investissements de la sécu sont en effet aujourd’hui financés par le recours aux marchés...
Sur le plan de la bureaucratisation, on peut souligner la multiplication des administrations (ARH, ARS, HAS, COR, etc.) qui, s’appuyant sur une prétendue neutralité de l’expertise, dépolitisent les questions liées à la sécurité sociale.
La bureaucratisation c’est aussi tout ce que l’on appelle le nouveau management public qui, sous couvert de contrôler la qualité, multiplie les procédures et les dispositifs incitatifs qui dépossèdent le travailleur de son travail et conduit à de la souffrance (T2A, GIR, etc.).
Pour finir, revenons à la situation actuelle. On se dirige, au moins transitoirement, vers une étatisation de l’économie. C’est un risque dans la mesure où l’État organise son intervention en fonction de ses buts propres – quel que soit les personnalités au sommet de l’État.
Une autre possibilité serait une démocratisation de l’économie par socialisation.

Mais cela suppose le refus de l’union sacrée et la résistance face au capital et à l’État en tant que tel et pas seulement à cet État-là – toute chose que l’on peine à percevoir en ce moment.
Ici le lien vers le document de travail complet qui détaille toutes ces questions (accès libre, texte en français) : bit.ly/2Ppw2Gl

« La Sociale contre l’État providence. Prédation et protection sociale », Avec Philippe Batifoulier et Mehrdad Vahabi
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