Les miracles s'opposent-ils à la médecine scientifique ? Au XIVe siècle, on n'était pas de cet avis. La preuve avec le récit d'une guérison miraculeuse d'un cancer du sein... Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
Nous sommes à Montpellier, à la fin du XIVe siècle, à une époque où l’université de médecine de la ville est en train d’acquérir sa réputation à travers l’Occident.
Jean de Tournemire, prestigieux chancelier de l’université de Montpellier et médecin attitré de certains cardinaux de la cour pontificale d’Avignon, est un jour appelé à témoigner de la réalité d’un miracle, auquel il croit mordicus.
Tout commence, raconte-t-il, lors d’une visite effectuée à Montpellier à sa fille de 18 ans, alors enceinte, dont il constate en l’examinant qu’elle a sur le sein une petite boule dure, une « nodulitas » de la taille d’une amande, extrêmement douloureuse au toucher.
En bon médecin, il reconnaît là les symptômes d’un cancer du sein : une maladie incurable à l'époque. On peut prescrire des remèdes pour soulager la patiente, mais dans un délai maximum de deux ans... c'est la mort assurée
Dans son récit, Tournemire rappelle qu'un médecin persan, Razi, a bien essayé une fois de retirer le cancer en question, mais la boule réapparaît alors sur l’autre sein, si bien que l’opération n’est pas une option.
Désespéré, le médecin/père multiplie les prières à un ancien cardinal, Pierre de Luxembourg, mort récemment. Il ramène un morceau de sa robe, l'applique sur le sein de sa fille... et en quelques semaines celle-ci guérit. Pour Tournemire, c'est « l'oeuvre de Dieu » : un miracle !
Cette histoire n'est pas isolée. Depuis le XIIIe siècle, on mène l'enquête pour prouver la sainteté d'un individu, et les miracles jouent un rôle clé dans ces procès de canonisation. De nombreux médecins viennent ainsi témoigner de guérisons miraculeuses.
Or les juges de la curie, loin d'être prêts à tout accepter, se montrent au contraire très pointilleux et réclament des précisions : ce bras cassé guéri par miracle, était-il vraiment cassé ? Cette patiente ressuscitée, était-elle vraiment morte ?
On descend loin dans le détail pour distinguer les mirabilia, les merveilles et les miracles, de "l’arte vel scientia", l’art ou la science.
Dans cette histoire, le plus intéressant n’est pas que Jean de Tournemire croie aux miracles. C’est plutôt qu’une société qui croit globalement au merveilleux se donne tant de mal pour structurer, normaliser et surveiller de si près les occurrences de ce merveilleux.
Cela montre que pour les médiévaux le miracle et la science ne s’opposent pas, mais fonctionnent comme les deux pôles d’un continuum. Les patients ont besoin de miracles quand la médecine échoue, la curie pontificale a besoin des médecins pour savoir qui doit être reconnu saint.
En l’occurrence, la candidature du cardinal Pierre de Luxembourg n’est pas retenue, malgré le miracle de la guérison.
On peut donc dire que cette fois, le sein sain n’a pas fait de saint... 🙃
Entre science et merveilleux, entre médecine et procès de canonisation, le miracle occupe ainsi une place essentielle dans les mentalités des hommes du temps. Retrouvez notre article du jour : actuelmoyenage.wordpress.com/?p=6043
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On est en 607 après J.-C., dans le domaine royal de Bruyères.
Une terrible dispute oppose Brunehaut, la grand-mère du roi, et Colomban, un moine irlandais. Celui-ci vient en effet de traiter les princes de... fils de pute 🗯️🤬.
Un thread ⬇️!
Revenons en arrière. Brunehaut, veuve du roi Sigebert d'Austrasie, grand-mère de l'actuel roi Thierry II, est une femme puissante, qui a la charge des enfants du roi. Elle les mène devant Colomban, célèbre abbé de Luxeuil, pour obtenir sa bénédiction. Mais celui-ci refuse !
Pire : il les insulte, en disant "ils ne deviendront jamais rois, car ils nés d'une prostituée".
La colère de Brunehaut est terrible et Colomban paye cher sa provocation, car il est chassé de son monastère. Mais comment comprendre ce clash ?
Comment ça, vous ne connaissez pas ce mot ? "Gaber" ? C'est un verbe médiéval, qui veut dire se moquer des autres en se vantant.
Selon une légende, Charlemagne aurait lancé un concours de gabs à la cour de Byzance... Un thread ⬇️!
Dans Le pèlerinage de Charlemagne, une chanson de geste du XIIe siècle, Charlemagne et ses chevaliers en route pour Jérusalem se retrouvent à Constantinople, à la cour de l’empereur byzantin nommé Hugon. C'est bien sûr une scène fictive.
Une nuit, Charlemagne et ses chevaliers, bien bourrés, se lancent dans un concours de gabs. Il s'agit donc de se vanter d'accomplir un truc incroyable, en essayant de surpasser celui qui vient de parler.
Un peu comme une battle de rap, quoi.
Connaissez-vous les 7 péchés capitaux ? C'est comme les 7 nains, généralement on en oublie un...
En 1475, un enlumineur propose une superbe version illustrée dans un Livre d'heures copié à Poitiers (@MorganLibrary MS M.1001).
Un thread ⬇️!
On commence par l'orgueil, en latin "superbia". Le péché est représenté par un beau jeune homme s'admirant dans un miroir, monté sur un lion. En bas, le démon associé au péché est Lucifer, pointant vers une femme dédaigneuse et méprisante...
Numéro 2, l'envie. Incarné par Belzébuth, ce péché est symbolisé par la pie (oiseau voleur) et, en bas, par des gens qui convoitent le bien d'autrui.
Au XVe siècle, on se met à imprimer un peu partout en Europe. Mais l'imprimerie coûte cher et se lancer dans l'aventure exige souvent de dresser un contrat précis entre imprimeur, auteur, éditeur, libraire... Un thread à partir d'un ouvrage récent ⬇️!
Catherine Rideau-Kikuchi édite ici des contrats d'imprimeurs, trouvés dans les archives de plusieurs villes du nord de la péninsule italique, entre 1470 et 1528. Bravo à l'autrice car les recueils de sources sont toujours précieux ! @EditionsCG
@EditionsCG Ici, focus sur un contrat du 22 mai 1499, conclu à Bologne entre Filippo Beroaldo, humaniste, professeur de rhétorique à l'université, et Benedetto di Ettore Faelli, libraire et imprimeur.
Le plus souvent, on y représente des animaux plus ou moins fantastiques et des scènes du quotidien.
Mais, quand on y regarde de près, on s’aperçoit que ces scènes cachent parfois... des violences sexuelles. Un thread ⬇️!
Je vulgarise ici un excellent et passionnant article écrit par @M_PerezSimon et Delphine Grenet @Grenet81020939, dans ce volume. Merci aux autrices qui me l’ont envoyé et ont relu ce fil ! Poke @RCPPMassoc
@M_PerezSimon @Grenet81020939 @RCPPMassoc Les autrices rappellent que ces scènes de violence n’ont le plus souvent pas été vues ni nommées par les chercheurs. Ainsi de cette sculpture de cheminée de Bruges, intitulée « scène de séduction », alors que les gestes de la femme montrent qu'elle repousse une tentative de viol.
Au VIIIe-IXe siècle, les conquêtes arabes balaient la planète. Une question se pose aux gens : faut-il se convertir ? Au milieu du IXe siècle, Hunayn ibn Ishaq, un médecin chrétien de la cour du calife, distingue 6 raisons de se convertir à l'islam. Un thread ⬇️!
Je tire ce thread du livre suivant : Etienne de la Vaissière, Asie Centrale 300-850 (@BellesLettresEd), plus précisément p. 452-457 !
@BellesLettresEd 1/ La force. Lors des conquêtes, les conquérants imposent souvent l'islam à la pointe de l'épée. Mais cela ne dure pas, et ensuite on n'a aucune trace de violence d'Etat généralisée. L'apostasie est en théorie punie de mort mais c'est rarement appliqué.