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Aug 26, 2020 14 tweets 3 min read Read on X
26 août... comme le 26 août 1789, date de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

Profitons de cette occasion pour déconstruire le mythe de 1789 comme simple « révolution bourgeoise ». Image
1. Le premier problème de l’expression « révolution bourgeoise » est qu’elle est, pour la plupart du temps, utilisée comme une expression disqualifiante.
Il n’y aurait eu qu’un simulacre de révolution et, comme je le lis souvent, rien n’aurait changé en réalité.
2. Nonobstant l’incurie intellectuelle de ce propos au vu des transformations sociales profondes qu’a fait naître la Révolution - on parle alors de « tabula rasa » - cette vision croît souvent se fonder sur la vision marxiste de l’histoire. À tort.
3. C’est là un furieux contresens. D’une part, Marx ne disqualifie pas la Révolution française. Il la trouve seulement insuffisante en ce que ces droits proclamés seraient simplement formels et non réels.

[NB: Il ignore alors bcp de réalisations de la Convention Montagnarde]
4. Mais surtout Marx a écrit cela dans « Sur la question juive » (1844) dans un esprit de polémique contre Bruno Bauer au sein de la querelle de l’hégélianisme et bien en amont de sa philosophie complète parachevée dans le Capital (1867).
5. En prenant Marx dans sa globalité et non seulement dans ses œuvres de jeunesse, il convient de comprendre que le matérialisme historique de Marx est dialectique et pas seulement mécaniste.
6. Pourquoi est-ce si important à préciser ? C’est que dans l’expression révolution bourgeoise, les partisans de cette expression passent à côté de la révolution juridique que constitue 1789.
7. Moins évidente que les révolutions matérielles car moins palpable, cette révolution juridique est souvent peu comprise. Pourtant, elle marque la reconnaissance dans le droit positif du droit naturel moderne (XVIe s), ce qui constitue une rupture inouïe dans l’histoire.
8. Pour le dire simplement, la source du droit cesse d’être divine &vient se nicher au cœur de l’Homme. Il faut avoir conscience que sans cette bascule radicale, il aurait été- et il le serait tjrs - impossible de penser aussi bien le contrat social que la souveraineté populaire.
9. Ceux qui, en conscience, parlent de révolution bourgeoise appliquent ou bien un matérialisme historique économiste qui fait fi de la révolution juridique ou bien un matérialisme historique mécaniste, imaginant que les droits de l’homme ne sont qu’une part de la superstructure.
10. Le matérialisme dialectique, bien plus riche, sait pourtant qu’il n’en est rien, que ce basculement juridique ouvrant le champ d’un « droit à l’existence » (Robespierre) pour tous est l’aurore du prolétariat et de la classe ouvrière,
11. le levain de sa future révolte et avec lui de celle de tous les opprimés de la terre.

Autrement dit, avec la DDHC la Révolution appelle et nourrit toutes les révolutions futures car elle pose le principe éternel du « droit d’avoir des droit » (H. Arendt)
Resumé de ce que je viens d’énoncer par Engels lui-même : « Le moment déterminant dans l’histoire est en dernière instance la production et la reproduction de la vie réelle... Si quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire
que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde » (Lettres à Bloch du 21 septembre 1890)

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Nov 13, 2020
"Oblomov" est une figure en Russie aussi évocatrice qu'un "Faust" ou qu'un "Dom Juan".

Retour sur une oeuvre fondamentale de la littérature qui a fascinée aussi bien Pontalis que Levinas, et dont Dobrolioubov dans un article fameux en a fait une doctrine : "l'oblomovisme". Image
1. "Oblomov" (1859) est l'oeuvre majeure de l'écrivain russe Ivan Gontcharov (1812-1891). Il a été considéré comme un livre essentiel dès sa parution par ses contemporains parmi lesquels on trouve Tolstoï ou Dostoïeveski qui ont chacun fait part de leur admiration.
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Nov 7, 2020
On se demande toujours si cela vaut la peine de gaspiller du temps à critiquer les choix éditoriaux de Stéphane Bern ou la propagande contre-révolutionnaire d'un L. Deutsch, mais puisque beaucoup me demandent mon avis sur la série Netxflix "La Révolution", je vais en dire un mot.
1. En réalité, je ne devrais rien rajouter à ce qu'a dit @jcbuttier : c'est un navet.

Et comme pour tout navet, le seul commentaire à y ajouter devrait être d'encourager à passer son chemin et d'aller ouvrir un livre de Michelet, Quinet, Mathiez, Walter ou Soboul.
2. Mais il y a une chose qui peut et doit susciter plus que ce désintérêt. C'est l'effet délétère que peut produire cette série.

J'ai tendance en effet à considérer que toutes nos analyses doivent partir du réel, des conditions matérielles de vie, de l'ethos populaire
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Nov 6, 2020
L’automne rôde à nos portes et le mois nouveau appelle à relire (ou lire) cette nouvelle souvent délaissée de Flaubert (« Novembre », 1842),
écrit de jeunesse qu’il a un peu renié et qui éclaire pourtant si bien toute son œuvre.
#VendrediLecture #Thread #litterature
1. Il y a « plusieurs » Flaubert.
Le jeune Flaubert, le Flaubert de la maturité et le Flaubert au soir de sa vie.

Le dernier est réactionnaire en atteste ses commentaires sur la Commune,
Celui du milieu - le plus connu - a quelque chose d’un « anar’ de droite », détestant
2. les conventions bourgeoises sans chercher à y substituer une société nouvelle.

Il y a chez ce Flaubert une sorte de refus de ce Monde qui n’investit pas pour autant le souffle socialiste/marxiste de son temps que d’aucuns croient alors régénérateur.
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Nov 3, 2020
Pour les amoureux d'Histoire des idées politiques, un petit thread sur un livre peu connu mais à l'influence pourtant majeure sur l'histoire révolutionnaire :

"Que faire" (1863), de Nikolaï Tchernychevski,

ce roman qui a bouleversé Dostoïevski, Lénine, Emma Goldman, Nabokov...
1. "Que faire ?" n'est pas un traité politique mais un roman à première vue assez inoffensif et dont on peine au commencement à comprendre pourquoi il a tenu une place si importante dans la littérature révolutionnaire.
2. Quelque part entre Goethe, Balzac et Dostoïevski, il narre les problématiques amoureuses & sociales de différents protagonistes (Vera Pavlovna, Lopoukhov, Kirsanov) dans un style un peu ampoulé et pas toujours simple à suivre (le problème de traduction est palpable).
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Nov 1, 2020
Ici et là, on interroge sur ce que la politique peut et doit répondre à la situation de désolation que nous traversons. Nous ratons, je crois, une étape.

Nous intimons la politique pour masquer que nous avons en grande majorité abandonné son préalable fondateur : le politique.
Nous avons oublié les enseignements de la philosophie politique, nous avons oublié que nous sommes enfants d'une tragédie : nous sommes animal social, condamné à devoir vivre avec les autres.

La création de la Cité découle de cette fatalité, le nomos grec, le jus romain aussi.
La récente gestion de cette donnée par la démocratie est "un accident" comme le dit Moses Finley dans L'Invention de la politique. C'est à dire qu'elle est une nouveauté de l'Histoire, un bien précieux que nous sommes en train de perdre faute de ne plus "penser le commun".
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Oct 25, 2020
La Nation est un mot qui pose question. Je le comprends car je ne l’ai pas reçu en héritage et j’appartiens à une génération pour laquelle il est un mot chargé négativement. Je sais bien ce qu’il charrie.
J’ai toutefois décidé de le questionner pour @RevueGerminal
Explications.
1. J’essaie de comprendre d’abord pourquoi ce mot est tant rejeté.
J’y vois 2 raisons principales. D’une part, il est lesté des horreurs du XXe s : les 2 guerres mondiales, le colonialisme, le fascisme, la Shoah. Il est perçu comme le premier domino qui entraîne les autres dans
une réaction en chaîne funeste. Il faudrait dc veiller à ne jamais le remettre debout
D’autre part, l’extrême-drte, qui traditionnellement mobilisait plutôt la monarchie & le catholicisme, use désormais du vocable depuis que la gauche l’a abandonné, créant ainsi un cercle vicieux
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