Je viens de recevoir une question fort pertinente, que je reçois souvent: "pourquoi parlez-vous des conspirations? vous leur donnez de la visibilité".
Ça mérite très franchement une réflexion et des explications. 1/
En effet, pour ce qui est de nous aux Décrypteurs, nous nous posons cette question à chaque fois que nous abordons un sujet qui touche les conspirationnistes. Ce sont des questions fondamentales. 2/
Il reste que, à l'époque dans laquelle nous vivons, certaines de ces conspirations atteignent un niveau de notoriété qui fait en sorte qu'on ferait plus de mal à ne pas en parler. 3/
Je m'explique. Il existe un concept nommé "data void" (vide de l'information). Quand un sujet est traité par des désinformateurs mais pas par les médias, ce sont les désinformateurs qui dominent le discours, puisqu'il y a un "data void". 4/
Si les médias ne parlaient pas de QAnon, par exemple, toute personne qui chercherait des informations à son sujet tomberait seulement sur des sources qui en font la promotion. Il y a donc lieu d'en parler, mais de façon responsable. 5/
Quand une conspiration est très marginale, en effet, en parler ferait simplement lui donner de l'oxygène et l'amplifier. Mais lorsqu'une idée atteint un seuil critique où elle atteint un grand nombre de personnes, il est mieux d'en parler. 6/
C'est pourquoi cette idée est explicitement mentionnée dans la méthodologie des Décrypteurs. Nous évaluons à la fois le degré de viralité et le danger potentiel d'une désinfo avant de décider si nous allons la couvrir. Nous ne couvrons pas 95%+ des sujets que nous recevons. 7/
Comment en parler?
Expliquer la conspiration dans son contexte, montrer comment des gens ont manipulé les réseaux sociaux pour atteindre un auditoire, démontrer le danger que cette conspiration représente. 7/
Oui, chaque fois qu'on parle d'une conspiration, les conspirationnistes gagnent en quelque sorte. Mais on ne peut pas non plus abandonner les gens qui sont sincèrement à la recherche de réponses. On doit être là pour eux. 8/
Il y a aussi le fait que la "game a changé". Penser qu'une idée ne circulera pas si les médias n'en parlent pas, désolé, c'est désuet. Les médias ont depuis longtemps perdu le rôle de "gatekeepers" qui déterminent ce qui fait partie de la sphère publique ou non. 9/
En dépit de ce que disent ceux qui les critiquent, les médias ont encore un énorme pouvoir de diriger la conversation sociale. Mais ils n'ont plus le monopole. Les réseaux sociaux permettent à qui le veut bien de les contourner. 10/
Un changement de rôle s'impose donc: être un pôle de sens dans un environnement numérique chaotique. Expliquer, exposer, décrypter (lol). Être là dans les recherches Google pour les gens qui se demande WTF se passe avec leurs amis qui racontent des choses bizarres. 11/
Dans cette optique, il est tout à fait pertinent pour des journalistes de parler responsablement de conspirations. Ça fait maintenant partie de la vie. Surtout aujourd'hui. Sorry.
FIN
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A reminder that it's possible to push for giant social media companies to be more responsible with what they allow on their platforms while at the same time believing that these companies should not have the overarching powers they possess.
It's kind of like if we only had private fire departments run by megacorporations.
On one hand, you could think that it's messed up and want that to change, but also, you'd want those private fire deparments to come put out a fire that was burning your house down right now.
Anyways, if Twitter had stayed a microblogging platform for podacsters, if Facebook had stayed a dating site for Ivy League students, if Instagram had stayed a party organizing site for bourbon enthusiasts, we would not be having these conversations.
Du drama dans la communauté de gens qui observent QAnon ce matin.
Il a été révélé que le propriétaire de 8kun (8chan) est aussi le propriétaire de QMAP, le plus populaire site d'archivage des Q drops. Pourquoi est-ce important?
Comme je le faisais remarquer dans mon article samedi, l'identité de Q est une sorte d'entente commune dans la communauté QAnon. Plein de gens affirment être Q. Celui dont les drops sont vénérés est simplement le Q que le mouvement a accepté. 2/
La vaste majorité des adeptes de QAnon ne vont jamais lire les publications de Q directement sur 8kun, ils utilisent des sites comme QMAP pour les consulter.
Donc QMAP a un pouvoir énorme. Ce site détermine ce qui est un vrai post de Q et ce qui n'est pas un post de Q. 3/
THREAD: Nous avons reçu au bas mot 5000 courriels et produit une centaine d'articles aux Décrypteurs pendant la pandémie.
Ce n'est pas scientifique, mais c'est un bon échantilllon et j'ai quelques observations sur les fact-checks qui génèrent le plus de messages haineux. 1/
Quand la fausse nouvelle comporte de l'espoir - par exemple, si ça parle d'un remède miracle, ou du fait que tout ça a été exagéré - on reçoit beaucoup de messages haineux.
C'est "normal", dans le sens qu'on piétine une croyance qui permettait de minimiser la crise. 2/
La désinfo, ça peut aussi servir de refuge. Plutôt que de regarder la vérité en pleine face et réaliser qu'on vit une immense crise qui a bouleversé le monde pour aucune raison, on peut croire que tout ça est inventé. C'est rassurant, pour certains. 3/
On le sait, QAnon est très populaire auprès de gens qui sont mécontents du système actuel (checkez les réponses à ce thread, par exemple). La conspiration décrit un monde apocalyptique où des politiciens tuent des milliers d'enfants pour boire leur sang. 2/
Si t'es quelqu'un qui souffre d'un grave malaise avec la société actuelle, ça peut être réconfortant. Ça explique comment tu te sens. "Ah ben c'est normal que je suis en colère tout le temps, ILS TUENT DES ENFANTS!!!" 3/
Ok so here's a story that could never happen in any other period of human history. I was looking at CBC's social media stats and saw this... incredible outlier. 5.8 MILLION interactions on Facebook. The next most popular got 546k. How could this happen??? It gets weirder. 1/
CBC's most bone crushingly popular story of that past 12 months is... a local story from PEI, a province with 37 times less population than the number of Facebook interactions. Really. 2/ cbc.ca/news/canada/pr…
The story is about a new law for people who illegally pass schoolbusses. So, of course, it was posted in many small communities all over the US, by people thinking that this law now applied to their own town. 3/