Thread by @DocteurGonzo4

#Thread Charles VI : le Roi fou.

Au début de son règne (1380-1422) ses oncles, les ducs d'Anjou, de Bourgogne, de Berry et de Bourbon, se disputent le pouvoir et s'enrichissent sur le dos de la population, accablée par les taxes.

Le 15 janvier 1382, une ordonnance royale rétablit les contributions indirectes sur le sel et le vin ; le 24 février, le peuple en est informé, la révolte commence.

Ce qui se joue en 1382 est le passage d’une société féodale traditionnelle à un État royal moderne.

Rouen se révolte, les paysans sonnent le beffroi. Les révoltés, connus sous le nom de Maillotins, rejoignent Paris. Ils traversent la ville aux cris de « Haro ! » pour rallier à leur cause le maximum de personnes. De là vient le nom de la révolte : la Harelle.

À ses débuts, la Harelle est bon enfant. Tout se déroule comme un grand carnaval, avec des processions de statuts et un marchand qui est élu roi de la fête. Mais ce carnaval populaire se fait bientôt plus violent.

Les ouvriers sont rejoints par les paysans des villages des alentours, notamment Montmartre Ternes et Clichy. Ils prennent d’assaut l’Arsenal où ils s’emparent de centaines de maillets en fer et en plomb ; arme utilisée lors des batailles à pied pour concurrencer les épées.

Les manifestants se regroupent sur une place qui porte aujourd’hui leur nom (« Porte Maillot ») puis attaquent des monuments politiques et tuent les collecteurs d'impôts à coups de maillets. Le Roi, à la tête de 30.000 hommes, sévit. Les meneurs sont décapités ou pendus.

Le règne de Charles VI s’inscrit dans un contexte de tensions internes et de guerre larvée. Le conflit franco-anglais (Guerre de Cent Ans) est figé. Le Roi augmente les impôts et les soubresauts de Harelle sont réprimés par les bourgeois.

Les révoltes ont échoué parce qu’elles n’avaient pas l’appui de la noblesse. Face à la puissance de feu des armées royales, les cris de haro et les coups de maillet se sont révélés impuissants. Ces révoltes furent avant tout une opposition au pouvoir royal.

Le 5 août 1392, Charles VI est pris d'un 1er accès de folie dans la forêt du Mans.

Au son d'une arme lâchée par un membre de sa suite provoquant un fracas important, le Roi entre dans une fureur incontrôlable. Tirant son épée, il frappe aveuglément autour de lui.

Il tue 4 personnes avant d'être maîtrisé. Ceinturé, ligoté, attaché à un chariot, Charles VI est ramené au plus vite au château. Sa lucidité revient après 2 jours, mais ce n'est qu'un début, ces accès de folie intermittents assombrissent son règne.

Charles VI devenait tellement brutal et violent quand il approchait la Reine en pleine crise qu’on a fait venir une concubine, Odette de Champdivers, pour s’occuper de sa sexualité.

La répétition des crises pousse les médecins à penser que le roi est ensorcelé. Selon certains, le duc d’Orléans aurait utilisé la sorcellerie pour l’éliminer et hériter du pouvoir.

La Cour fait appel à des sorciers de l'ensemble du royaume pour tenter de désorceller le Roi.

Deux d'entre eux font construire un immense cercle de fer, y enchaînent douze hommes et prononcent des incantations devant guérir le souverain. Rien n'y fait. Les échecs des sorciers ne sont pas laissés impunis. Plusieurs sont brûlés vifs, écartelés ou décapités.

La maladie de Charles VI est un tournant dans l’histoire de la sorcellerie européenne, car c’est sur les décisions de la faculté de théologie de 1398 suite à ces échecs que s’appuient les chasses aux sorcières du 16ème siècle.

Le 28 janvier 1393, au cours d'un bal donné à l'hôtel Saint-Paul, dit « bal des Sauvages », 4 gentilshommes et le roi lui-même se déguisent en satyres (divinité à corps d'homme, à cornes et à pieds de bouc) et se parent d’une toison velue et de masques en plumes.

Ils poussent des cris et font des gestes obscènes pour amuser la foule. L’un des convives approche sa torche trop près et 4 satyres s’enflamment. Ils meurent brûlés vifs après 3 jours d'atroces douleurs. Le roi échappe à la mort mais il a tout vu et en reste commotionné.

Le royaume de France reste avec un roi incapable de gouverner lucidement et attaqué par d'importantes crises de folie qui ne cessent d'inquiéter la cour. Les ducs y voient là l'occasion de reprendre en main le pouvoir qu'ils ont laissé à leur neveu à sa majorité.

Lorsque les anglais attaquent, Charles VI est incapable de mener une armée, il est mis de côté et ne peut qu'assister impuissant à la débandade de ses chefs militaires totalement dépassés. La bataille d'Azincourt en 1415 laisse la France à feu et à sang.

Dans leur malheur, les parisiens pensent qu’ils n’ont aucune personne qui puisse exprimer leur identité nationale ou leur souffrance. Or, le roi est censé jouer ce rôle, mais c’est un roi malade, qui souffre lui-même.

Charles VI ne parvient plus à conserver suffisamment de lucidité pour prendre les bonnes décisions et livre la France aux Anglais. Le traité stipule que la couronne reviendra au souverain anglais à la mort de Charles VI par son mariage avec la fille du souverain.

L’assassinat du duc de Bourgogne Jean sans Peur le 10 septembre 1419 déclenche la guerre civile entre les Bourguignons, proches des nobles du Nord et de la bourgeoisie marchande, et les Armagnacs, proches des nobles du Centre et du Sud et des milieux financiers.

Les bourguignons ont pour modèle Saint Louis, les Armagnacs développent un programme moins populaire, avec une fiscalité importante et une justice radicale ; c’est l’Etat fort.

À la mort de Charles VI en 1422 l'avenir de la France est incertain. Il faut attendre l'arrivée de Jeanne d'Arc, la libération d’Orleans en 1429 et le traité d’Arras en 1435, pour que la France se sorte d'une des plus graves crises du Moyen Âge causée par la folie d'un seul homme

C’est cette royauté française qui finalement a créé la royauté moderne, en faisant du roi de France, quel qu’il soit et dans quelque état qu’il soit, un roi sacré, un roi intouchable. La Veme République tient cette figure en héritage, telle une malédiction poursuivant le peuple.

Il y a en même temps tout une atmosphère d’assassinat politique en France autour du pouvoir suprême, qui se poursuit jusqu’à l’assassinat des rois Henri III en 1589, Henri IV en 1610, Louis XVI en 1793 et du président Sadi Carnot en 1894.