Bon, j'ai failli me tirer des réseaux tant j'avais la gerbe, mais on va faire plus constructif. Je suis écrivaine et, à tous ceux qui risquent leurs vies pour sauver les nôtres : DÉSOLÉE.
Désolée pour mon milieu professionnel, qui vous crache à la gueule depuis quatre jours.
À tous les personnels médicaux qui sont sur le pont depuis des mois, et que des petits bourgeois sont OK pour applaudir tant qu'ils peuvent aller sniffer l'odeur des livres neufs, désolée.
À tous les malades qui luttent pour leur vie, tous ceux qui survivent avec des séquelles graves, à qui des sales chiures de menteurs ont osé dire : "Moi, je ne peux pas VIVRE sans LIVRES", désolée.
À tous les gens intelligents qui puisent leur inspiration ailleurs que dans les livres, à qui les sous-doués du café de Flore ont osé balancé qu'on ne pouvait pas raisonner sans bouquins, désolée.
(Si ça peut rassurer, ils ont prouvé qu'avec bouquin, ça marche pas trop non plus.)
À tous les caissiers, instits, pompistes, livreurs, au front, parfois au péril de leurs propres vies, qui voient qu'on chiale de devoir faire du click and collect pour nos petits loisirs, désolée.
À tous les gens qui ont lu Farenheit 451, et qui savent que ce n'est pas une affreuse dystopie où on oblige les gens à faire une recherche Google pour avoir accès à toute la culture mondiale, désolée.
À tous ceux qui sont restés sidérés de voir que des professionnels de la narration s'émeuvent d'une opération de comm digne d'une 1ère année de marketing lancée par un supermarché qui, le reste du temps, doit vendre la culture comme il vend du PQ, désolée.
À tous ceux qui ont dû entendre qu'on devrai "laisser le choix à chacun d'ouvrir ou pas" (et de les mettre en danger) ou que "les mesures barrières suffisent" (vos gueules, les infectiologues, c'est Jean-Benoît Magueule, DUT Métiers du Livre en 96, qui l'affirme), désolée.
À tous les sportifs pour qui leur pratique est une question de santé mentale, qui non seulement en sont privés, mais se prennent notre pseudo-élitisme de bébés finis à la pisse en pleine face, désolée.
À tous ces gens qui sont mis encore plus en danger par les maires "frondeurs", souvent de droite dure, qui reprennent la rhétorique que des auteurs leur ont servie sur un plateau pour ouvrir tous les commerces de leurs bleds, désolée, bordel, désolée.
Avant-hier, un instant, je me suis dit que mon métier ne servait à rien. Qu'on était les mêmes cons que les autres, gouvernés par la peur et les pulsions égoïstes. Et puis, je me suis rappelée que les gueulards n'étaient pas forcément représentatifs. #notallGensDesMétiersDuLivre
Je ne sais pas quelle proportion de mon métier vous méprise comme ça. Je pense que nombreux sont ceux qui vous soutiennent mais se taisent parce qu'ils ont peur de se fâcher avec des gens importants.
Ce n'est pas une excuse.
Alors désolée. Je ne peux rien dire de plus, à part peut-être que je vais continuer de mettre l'esprit critique au cœur de mes livres, en essayant de parler bieeeen lentement pour les tocards du fond.
Ce weekend, j'ai la haine, et si moi j'ai envie de chialer de rage, je n'ose imaginer ce que vous devez ressentir.
Alors merci pour tout ce que vous faites.
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Bon, un dernier truc, et je vais profiter de la fin de mon dimanche.
OUI, ce soi-disant "confinement" est une blague. C'est important de le signaler. Et c'est normal d'avoir peur pour son CA/ses droits d'auteur.
C'est normal d'avoir envie de hurler de voir tomber ça avant Noël.
(J'ai une intégrale qui devait sauver un succès d'estime dans les bacs et une des plus grosses sorties de ma vie dans 4 jours, croyez-moi je suis pas jouasse).
C'est humain (parfaitement infantile, mais humain) de se dire "Mé-euuuuh ! Les chocolatiers yzont le droit, euuuux ! Pourquoi pas moiiii ?"
"Sensitivity reader" - Pourquoi je ne peux pas blairer le terme et pourquoi je pense qu'on en a besoin. UN THREAD. ⏬
1- Pourquoi je ne peux pas blairer le terme ?
Parce que je ne suis pas là pour ménager la "sensibilité" de mes lecteurs. Si vous ne voulez pas être heurté dans vos convictions, que vous soyez un gentil progressiste ou un gros facho, passez votre chemin et allez lire Oui Oui.
Les mots ont un sens. Généraliser l'emploi d'un terme qui laisse entendre qu'il faut ménager les petits sentiments des gens pour faire de la bonne littérature, ça me parait effarant. J'espère que le français "démineur éditorial" prendra le dessus.