Thread by @Gillet_Camille

J'avais 13 ans, lui 26. C'était mon oncle. Officier dans la Marine. La justice l'a condamné à 1an avec sursis. Il est maintenant coach agile (c'est de mauvais goût), père d'une petite fille de 13 ans et vit sa meilleure vie. #metooinceste

J'ai mis des années à me sentir réellement victime. J'ai eu des traumas et blocages sexuels que je n'ai identifié que très tard. J'ai réglé cette histoire à une exception près : l'injustice de nos ressentis vis-à-vis de ça. Il a pu avoir une vie normale, j'ai dû me battre pour.

Ma famille a volé en éclats, des gens en sont morts, j'ai perdu toute mon adolescence et une bonne partie de ma jeunesse à cause des répercussions. J'ai passé les 13 années suivantes à survivre, et je m'étonne encore parfois d'avoir pu arriver à construire autant après tout ça.

Quand je passe sur son LinkedIn, j'ai envie de lui péter les dents. D'appeler ses employeurs et de leur demander s'ils savent qu'ils embauchent un violeur d'enfant. Parfois, juste envie de lu envoyer un message pour lui rappeler que j'avais l'âge que sa fille à aujourd'hui.

Le problème du viol, et le problème de l'inceste en général, c'est que tu as beau reconstruire une vie derrière, une identité, faire des thérapies, etc. Ca reste à jamais.

Tu peux en rire, travailler sur toi, devenir une femme épanouie sexuellement, etc. Ca reste.

Aujourd'hui, c'est de la fureur. Face à une Justice qui a correctionnalisé ça au lieu de l'envoyer aux assises (même si le Juge final a bien mis les points sur les i pour rappeler que l'instruction a merdé), une justice qui, de fait, met du sursis, et pas 10 ans de taule.

Une société patriarcale et dans une culture du viol qui protège ce genre d'individus qui peuvent tout à fait refaire leur vie comme si rien de tout ceci n'était arrivé.

Il s'est marié. Il a une fille.

Une femme, qui a pourtant su ce qui s'est passé, l'a épousé.

Une femme a choisi de mettre en danger son enfant.

En pleine connaissance de cause. Alors qu'il a été reconnu coupable.

Imaginez pour toutes les victimes que personne ne croit, hein ?

Notre société protège ces agresseurs, parfois, elle légitime même leur acte.

C'est ça qu'il me reste surtout après tout ce temps : ce dégoût pour tout ça. Pour le fait que moi, j'ai dû me battre contre mes cauchemars quand lui n'a eu qu'à changer de taff.

Je termine mon thread par ceci : quand ça m'est arrivé, j'ai découvert un monde dont je ne soupçonnais pas l'existence : celui des victimes de viol et d'inceste. Parce qu'une fois que tu en parles, tout le monde en parle autour de toi.

Tes ami-es au collège, la mère de ton compagnon de l'époque, des collègues qui deviennent des ami-es au taff... aujourd'hui, j'ai environ 1 personne sur 4 qui a été victime de viol et/ou d'inceste dans mon entourage.

Toutes victimes d'hommes proches (père, oncle, cousin, frère, ami de la famille). Parmi ces personnes, je connais deux hommes.

Je suis la seule entre toutes a avoir porté plainte. Et quand je vois comment ça s'est passé, je ne peux que comprendre pourquoi.

Vous l'ignorez très certainement, mais autour de vous, vous avez des victimes silencieuse. Votre mère ne vous a probablement jamais dit que son cousin la violait quand elle était petite. Votre collègue ne vous a sans doute jamais raconté que son père allait dans son lit le soir.

Cette omerta est rendue possible par le système patriarcal et par la culture du viol. C'est également pour ça qu'on a besoin du féminisme et qu'on a besoin que les gens qui ont été épargné par la vie prennent le temps d'écouter.

On ne vous demande pas de partir pourfendre le dragon, juste de nous croire. Juste de faire attention.

À ce que vous dites/faites qui participe à cette société.

Bref, courage à toutes et tous, aux victimes, comme aux proches de victimes.