Un thread sur l' #hydrogène naturel, le sujet ayant été balayé d’un revers dans une video de @Le_Reveilleur 😉 je trouve qu’il mérite qu’on s’y attarde un peu plus afin de lui laisser sa chance ! Un grand merci à mon amie Isabelle Moretti qui m’a beaucoup appris sur le sujet ⬇️
1/25 La majorité de l'hydrogène consommé est produit à partir de méthane par vaporeformage, méthode émettrice de CO2 👎. On peut aussi le produire par pyrolyse ou par électrolyse en utilisant de l'électricité (qui repose sur la disponibilité d'une source d'énergie primaire)
2/ L’hydrogène « naturel » ou « natif » est lui généré par des processus géologiques #CO2free 👍. Des émanations d’H2 ont été observées dans de nombreux endroits, et commencent à être considérées comme une source abondante d’H2 vraiment « vert » et bon marché
3/ L’hydrogène est la molécule la plus répandue dans l'univers. Dans l’atmosphère il n’existe qu’en très petites quantités (0,5 ppm). Sur Terre on le trouve surtout combiné avec de l’oxygène dans l’eau, et du carbone dans tous les hydrocarbures
4/ Cependant, ce qui se précise avec le temps, c'est que plusieurs phénomènes naturels conduisent à une génération continue (contrairement aux ressources dites fossiles) d’hydrogène dans la croûte terrestre, comme :
- La diagenèse (interaction eau-roche) où H2 est libéré de l’eau par oxydation, par exemple du Fer ou du Magnésium.
- La radiolyse par laquelle l’H2 contenu dans l'eau est séparé de l'oxygène par la radioactivité naturelle de la croûte terrestre
6/ Les estimations du flux d’H2 à travers ces deux dernières sources, la diagenèse et la radiolyse, sont importantes mais encore peu précises, variant selon les auteurs de quelques % à 100% de la consommation annuelle d’H2 en 2019, soit environ 70 millions de tonnes
7/ L’H2 présent à l'initiation du système solaire, dans le manteau, voire dans le noyau terrestre lors de la formation de la Terre est aussi une hypothèse explorée par certains chercheurs (Larin et al. 2015, Zgonnik 2020). Ici, H2 est une ressource fossile mais presque infinie
8/ Au niveau des fumeurs de la dorsale médio-atlantique, les émanations d’H2 par oxydation de l’olivine au contact de l’eau sont étudiées depuis longtemps. La récupération de cet H2 n'a pas suscité beaucoup d'intérêt à cause de la profondeur d'eau et de la distance de la côte
9/ Ces difficultés n’étant toujours pas résolues, on imagine que la naissance d'une industrie de l’exploration/production d’hydrogène natif commencera probablement à terre, comme celle de toutes les autres ressources naturelles...
10/ En Islande, la dorsale médio-atlantique affleure et on y exploite aujourd’hui l’énergie géothermique des fluides, mais il pourrait en être autrement car ces fluides contiennent de grandes fractions d'hydrogène
11/ La production de H2 par séparation de surface en plus de l'extraction de l'énergie géothermique serait possible dans de nombreuses régions, elle pourrait rendre économiques de nombreux projets de géothermie haute température💡
12/ Des croûtes océaniques pouvant s'oxyder se trouvent également en surface dans les zones de compression tectonique où se forment des chaînes des montagnes. Des émanations d’H2 ont déjà été observées dans ce contexte (Oman, Philippines, Turquie, Pyrénées…)
13/ Il existe d'autres sources géologiques terrestres d’H2 plus faciles d'accès : les cratons précambriens vieux de plus de 500Ma. Une synthèse récemment publiée par Zgonnik (2020) répertorie des centaines de cratons où des flux d'hydrogène ont été observés
14/La source pourrait être relativement similaire, à savoir l'oxydation d'un matériau riche en fer et la libération d’H2. Les fuites de surface se situent systématiquement dans les zones où le sous-sol est très ancien et riche en métaux
15/ Dans l’état actuel des choses, on ne sait ni combien d’H2 est produit quotidiennement sur Terre par les voies énumérées ci-dessus, ni combien de cet H2 s'accumule dans les réservoirs où il serait facile de le produire
16/ Nous manquons encore de connaissances et il y a très peu de puits dédiés à son exploration, il est donc difficile d'estimer les volumes globaux totaux. Cependant, il y a des émanations de surface qui nous donnent une idée de ce à quoi nous attendre...
17/ On en vient donc aux fameux « Fairy Tales » (légères dépressions à peu près circulaires et bien visibles sur les photos aériennes, où la végétation meurt et où on mesure des émanations d’H2). Au Brésil, aux USA et en Russie, on y a mesuré des flux d’H2 d’environ 7000 m3/jr
18/ Ces émanations sont comprises entre 50 et 1900 kg / km2 / jour. Pour l’ordre de grandeur, avec 5 kg, on remplit le réservoir d'un véhicule à pile à combustible d’une Toyota Mirai
19/ Reste maintenant à savoir produire tout cet hydrogène naturel… Les quelques puits de production d’H2 existants (Mali, USA…) n’ont pas encore permis de démontrer une efficacité et une économie florissante. Il reste de gros progrès à faire à ce niveau !
20/ Sinon, certains pensent injecter de l’oxygène dans les vieux puits de pétrole pour libérer de l’H2. Avec les puits exploités dans l’Alberta au Canada, Proton Technologies estime pouvoir fournir les besoins en électricité du Canada pendant 3 siècles ! Optimistes les mecs...
21/ Là aussi, encore faut-il démontrer l’efficacité et la rentabilité de cette méthode de production à l’échelle industrielle et sur une longue période de temps...
22/ En raison des difficultés de transport de l'hydrogène, il faut s'attendre à ce que l'économie des petits champs proches du consommateur soit attractive, plutôt qu’une économie centralisée
23/ Néanmoins, puisque nous savons maintenant que l'H2, en quantités industrielles, est produit chaque jour par l'interaction eau-roche, et qu'il s'échappe, sa production semble ne dépendre que de nous !
24/ il faut maintenant déterminer les emplacements les plus prometteurs et selon le contexte soit le séparer en surface dans les écoulements géothermiques, soit forer et stimuler les réactions
25/25 Il faut surtout explorer, étudier, comprendre et expérimenter des développements pilotes à l’échelle industrielle, afin de savoir tirer profit de cette ressource naturelle disponible dans des volumes pertinents à l’échelle mondiale pour un avenir décarboné !
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#Thread#géologie ! On démarre dans les #Alpes avec le truc le plus dingue que j’ai pu observer : les blocs basculés de l’océan Téthys, au Bourg d’Oisans.
Ce que les géologues pétroliers scrutent toute la journée sur les lignes sismiques : on l’a sous les yeux ici. C'est parti⬇️
Avant les Alpes il y avait l’océan Téthys (et oui sinon pourquoi autant de calcaire dans les Alpes ?). La croûte terrestre s’étirait, créant l’expansion du domaine océanique. Quand on étire une croûte « cassante », on forme des blocs basculés qui glissent comme des dominos. 1/12
Ces blocs de socle qui basculent contre les failles, aussi appelés demi-grabens, vont être coiffés de dépôts sédimentaires (sables/calcaires) qui remplissent les dépressions (en rose sur le schéma ci-dessus). Ce sont ces dépôts qui font d'excellents pièges à pétrole/gaz. 2/12
Puisque vous semblez aimer les #threads, et que l'exercice me plaît aussi, je me mets seul au défi de vous raconter dans les prochains épisodes les choses qui m'ont le plus fait vibrer dans ma petite carrière de #géologue (pétrolier, mais géologue avant tout !)⛏️🔍🧢
Au menu: ⬇️
- Les Alpes et la chaîne pyrénéo-provençale.. tellement à dire ici, ya du très lourd...
- Mon pays natal, la plateforme carbonatée bourguignonne et ces récifs coralliens au Jurassique.
- Les réservoirs turbiditiques dans le deep offshore indonésien sur lesquels j’ai bcp bossé.
- Les réservoirs glaciaires ordoviciens dans le Sahara, quand l’Afrique était sous une énorme calotte de glace (sujet de ma thèse).