Thread by @vincentglad

Un petit thread sur la nécessité d'attendre le bon moment avant d'interpréter une courbe à la baisse (ou à la hausse).

Avec deux exemples concrets :
- l'épidémie est-elle en recul dans les zones en vacances ?
- la mortalité est-elle en baisse en France grâce au vaccin ?

Sur l'excellent site @MeteoCovid, vous pouvez comparer la courbe du taux d'incidence en fonction des zones de vacances scolaires. Et ça saute aux yeux sur le graphique : l'incidence est en nette baisse dans la zone A, ce serait donc lié aux vacances scolaires du 6 février !

D'autant que cette heatmap de l'évolution de l'incidence chez les -20 ans montre une réduction significative à partir du lundi 8 février dans la zone A. Spectaculaire, non ?

meteo-covid.com/graphique-covi…

Mais c'est plus compliqué que cela. Parce que l'effet sur l'incidence d'une fermeture des écoles n'apparaît pas le jour de celle-ci. Sur cette courbe basée sur les données SIDEP (date de prélèvement), il faut attendre environ 7 jours: incubation (5 jours)+délai de test (2 jours).

Ensuite, il ne faut pas compter à partir du samedi 6 mais du lundi 8, car c'est le premier jour où les écoliers de la zone B et C peuvent se contaminer à l'école, et pas leurs camarades de la zone A. C'est donc à partir de ce jour que l'effet différencié peut apparaître.

Donc on peut s'attendre à ce qu'une fermeture des écoles apparaisse sur la courbe environ 7 jours après le lundi 8 février, c'est à dire à partir du 15 février. Il se trouve que c'est le tout dernier point du graphique, donc il est bien trop tôt pour conclure.

Mais vous me direz, alors pourquoi l'incidence est en baisse dès le 8/02 chez les -20 ans ?

Tout simplement parce que le taux de dépistage s'est effondré avec les vacances (notamment chez les jeunes), ça apparaît clairement sur les courbes. On teste moins donc on trouve moins.

L'effet des vacances de la zone A commencera à être interprétable dans les prochains jours, en ayant toujours en tête la baisse conséquente du niveau de dépistage pendant les vacances. Il faudra donc regarder à la fois l'incidence et le taux de positivité.

Autre exemple de courbes tellement belles qu'on a envie de les interpréter un peu vite : ces deux graphs produits il y a une semaine par @GuillaumeRozier. Une excellente idée pour l'analyser l'effet sur la mortalité du vaccin mais c'est à mon sens un poil trop tôt.

A gauche, vous avez les décès hospitaliers chez les +80 ans, la population la plus vaccinée, en baisse à partir de début février.

Et à droite, vous avez les décès des moins de 80 ans, qui sont stables voire en légère hausse.

Ce serait donc un premier effet vaccin ?

Pour mesurer l'effet d'un vaccin sur la mortalité, il faut additionner deux délais :
- délai avant que le vaccin puisse produire des effets : au moins 14 jours
- délai entre la contamination et la notification d'un décès : disons 23 jours (à débattre)

Donc avant qu'une courbe de mortalité ne puisse s'effondrer *grâce* au vaccin, il faut compter un délai de 37 jours.

Pour éviter un décès notifié le 5 février, il faudrait ainsi avoir été vacciné avant le 30 décembre.

Or, n'oublions pas que la France était alors très en retard. Le 30 décembre, il n'y avait que 237 personnes vaccinées (et il y avait aussi probablement des soignants) !

Il apparaît donc prématuré d'en tirer des conclusions, il faudra sans doute attendre fin février/début mars.

S'il est encore trop tôt pour la mortalité, en revanche, sur le taux d'incidence, les délais sont moindres et on pourrait commencer à analyser l'effet sur les courbes, comme le fait ce directeur de groupe d'Ehpad.

https://twitter.com/ReboulleauY/status/1362717527818838016

(un grand merci aux héros de l'open-data, sans qui toutes ces prises de tête statistiques ne seraient pas possibles : @GuillaumeRozier @starjoin @gforestier @Fabien_L)