Discours de la Flagellation, 3 mars 1766, SUITE ⬇️
23/ La Cour assemblée, Louis XV se découvre (il ôte son tricorne) pour saluer ses magistrats et ouvre la séance :
« Messieurs, je suis venu pour répondre moi-même à toutes vos remontrances. »
24/ Le Roi se tourne alors vers ses ministres et ordonne à l’un d’eux de prononcer son discours de forte voix.
C’est Joly de Fleury qui s’exécute.
25/ Le discours est court (une quinzaine de minutes), mais il renferme toute la théorie juridique, philosophique et constitutionnelle de la Monarchie.
Louis XV le considère comme son testament politique, preuve d’une union toujours plus intime entre l’intérêt du Roi et la France.
26/ « La magistrature ne forme point un Corps, ni un Ordre séparé des trois ordres du Royaume : les magistrats sont mes officiers, chargés de m’acquitter du devoir vraiment Royal de rendre la justice à mes Sujets […] ».
27/ « Comme s’il était permis d’oublier que c’est en ma Personne seule que réside la Puissance souveraine dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison ; Que c’est de Moi seul que mes Cours tiennent leur existence et leur autorité […] »

La fessée !
28/ La lecture achevée, Louis XV se fait remettre son discours et reprend la parole. Il ordonne :
« Greffier, apportez-moi la minute de l’arrêté du 11 février dernier. »
Dufranc, le greffier, tire la minute de son portefeuille et la remet à Saint-Florentin qui la porte au Roi.
29/ Louis examine la minute et dit :
« J’ai annulé dans mon Conseil cet arrêté [2 mars], et j’en ai ordonné la radiation. »
Le document rendu au greffier, le Roi lui ordonne :
« Rayez cette minute, et écrivez à côté qu’elle l’a été par mon ordre et en ma présence, et signez ! »
30/ Les magistrats se taisent. Le greffier obéit, puis se lève et lit tout haut ce qu’il vient d’inscrire en marge de la minute des registres de la Cour :

« Rayé par ordre de Sa Majesté en sa présence, toutes les chambres assemblées, le 3 mars 1766. Signé : Dufranc. »
31/ Ainsi s’accomplissait la soumission du Parlement à la Puissance souveraine. Louis se lève, descend les quelques marches et traverse le parquet pour quitter la Grand’Chambre.
Le silence est total, on n’entend que les talons du Roi claquer sur le sol carrelé en damier.
32/ Sorti du Parlement après 11 h, le Roi quitte la Cité par le Pont-Neuf. À ce moment passe un prêtre portant le Saint-Sacrement.
Louis XV descend de voiture et tombe à genoux, avec le peuple, devant le Corps du Christ.
Les Parisiens sont touchés et crient « Vive le Roi ! ».
33/ Tout devait, en cette journée si forte et symbolique du 3 mars 1766, rappeler les principes de la Monarchie française : le Parlement humilié devant le Roi ; le Roi humilié devant le Christ, à genoux parmi son peuple.
À cet instant, Louis XV fut digne de Saint Louis.

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3 Mar
#CeJourLà 3 mars 1766, Louis XV, cinquante-six ans, se rend de bon matin en son Parlement de Paris pour y tenir une séance royale mémorable.
La gifle qu’inflige le Roi à ses magistrats est si violente qu’on a retenu cette journée comme celle de leur « Flagellation ». DÉROULER ⬇️
1/ Sur le conflit qui oppose Louis XV à la magistrature, je n’y reviens pas : je renvois à mon précédent fil ainsi qu’à tous les compléments judicieux de @LouisRielFrance.
2/ En 1765-1766, la crise est au plus haut.
Plusieurs parlements, notamment ceux de Paris et de Rennes, refusent obstinément d’enregistrer plusieurs mesures du Gouvernement, comme les réformes fiscales ou le projet Bertin de création d’un cadastre général pour tout le Royaume.
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15 Feb
En ce jour anniversaire de Louis XV, soulignons une anecdote intéressante survenue dans les dernières années de son règne, en pleine crise du régime et une vingtaine d’années seulement avant la Révolution. Le vieux Roi avait-il senti venir la catastrophe ? [DÉROULER ⬇️]
Le règne de Louis XV a été empoisonné tout le long par l’opposition politique de la haute magistrature. Son gouvernement ne parvient pas à imposer les réformes énergiques dont a besoin la vieille monarchie pour se rénover. Les parlements mènent une fronde idéologique.
Le Parlement de Paris était historiquement gardien des libertés et des lois françaises. Il était donc de son autorité de veiller à ce que les lois du Roi (édits, ordonnances) soient toujours conformes aux anciennes lois du Royaume (la constitution de l’État et de la Couronne).
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