#IEPGrenoble Comme promis quelques remarques sur un point très important de ce qui est en train de se passer dans l'espace public autour de l'idée selon laquelle la "liberté d'expression" n'est plus garantie l'Université.
C'est un thème que l'on retrouve répété à l'envi par la personne qui se présente depuis des jours sur les plateaux télé comme une victime de la censure de ses collègues. Beaucoup d'articles de presse ont commencé à parler de l'affaire sous cet angle.
Et malheureusement j'ai entendu au cours de la semaine qui vient de s'écouler de nombreuses personnes sensées parler aussi de "liberté d'expression", de la nécessité de la garantir à toutes et tous, etc.
Un des premiers problèmes qui se pose si l'on accepte cette lecture de l'affaire c'est qu'il se trouvera toujours un juriste pour dire que l'islamophobie n'est pas punie en tant que telle par la loi en France…
… et que la seule limite à son expression est la diffamation. Cela me semble problématique et complètement non pertinent ici pour trois raisons :
1. Dans l'affaire qui a commencé avec les échanges d'e-mails mis sur la place publique, la ligne de défense de la personne qui se plaint aujourd'hui d'avoir été empêché de s'exprimer consiste à dire qu'il n'a jamais diffamé notre collègue organisatrice de la conférence.
Mais ce n'est pas ce qui lui est reproché ! Le @Defenseurdroits qui est saisi de l'affaire le dit d'ailleurs très bien en pointant le non respect du devoir de réserve d'une part et du principe de laïcité d'autre part.
Pour le dire autrement, la liberté d'expression est une chose, la préservation d'un espace public pacifié par le devoir de réserve et la laïcité en est une autre.
La stratégie des "guerriers" (sic) de la liberté d'expression (une version actualisée de la stratégie de la terre brulée) conduit à la disparition de tout espace possible pour que s'exerce cette liberté pour celles et ceux qui se refusent à user des mêmes armes qu'eux.
Mais ça, le juge pénal ne peut pas s'en saisir, semble-t-il…
2. Quelles sont les conséquences de l'incendie ? L'institution a essayé de l'éteindre sans abandonner le cadre d'analyse légal en termes de liberté d'expression. Ceci a conduit la collègue organisatrice à accepter de retirer le projet de conférence.
La leçon : les guerriers (re-sic) de la liberté d'expression ont réussi à faire retirer un mot qui ne leur plaisait pas d'une manifestation organisée dans une Université. Cela s'appelle de la censure ! Au nom de la liberté d'expression si l'on veut mais de la censure !
Cela s'appelle aussi, pour utiliser un terme dont se sont délectés les plateaux télé sans comprendre qu'ironiquement il fallait l'appliquer à leur invité et pas à ses collègues "islamo-gauchistes", de la cancel culture (faire supprimer un mot dans une conférence…).
3. j'ajoute un point vraiment important et qui n'a pas été soulevé jusque là : le cadre "liberté d'expression" autorise aussi dans cette affaire deux hommes blancs non musulmans à dire dans l'espace public, sans que rien ne les arrête, que l'islamophobie n'existe pas.
Il n'est pas nécessaire d'avoir lu Goffman ou Fanon (mais ça aide) pour comprendre qu'il y a là une façon choquante de nier l'expérience vécue de celles et ceux qui, musulmans ou présumés tels, ont une autre perception des choses sans avoir les moyens ou l'envie de l'exprimer
Bref, il me semble nécessaire d'abandonner la référence à la question de la liberté d'expression dans l'analyse des faits qui ont conduit à l'incendie #IEPGrenoble et de poser d'autres questions qui sont au moins aussi importantes pour l'avenir du débat public.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
Deux remarques à propos de la question « qui a commencé » (à publier des noms) que je vois être posée régulièrement ici à propos de l’ IEP de Grenoble : ⤵️
C’est une question qui est principalement posée par celles et ceux qui veulent dédouaner les collègues visés par les collages de leur responsabilité au motif de la gravité (réelle) de ces collages
Celles et ceux qui cherchent la vérité n’aiment pas cette question pour des raisons honorables, la principale étant que l’on ne sait pas encore et qu’une enquête de police est en cours.
Merci à toutes celles et ceux qui ont réagi positivement au papier de Libération ce matin et à ma réaction écœurée aux propos de haine que l’on trouve aujourd’hui sur ce réseau adressés à des collègues remarquables @SciencesPo38 et @PACTE_grenoble.
Comme le montrent les attaques contre une autre collègue ces jours-ci, depuis le même réseau regroupé dans le prétendu observatoire du décolonialisme, nous devons nous préparer à la multiplication des règlements de comptes universitaires en direct sur les réseaux ou sur cnews
Là vous ne vous dites pas "tiens si on se renseignait sur les violences policières". Normal, vous cherchez une issue politique à la crise ouverte par un ministre matamore et un préfet de police pyromane. #SecuriteGlobale#Soc_Cont
C'est dommage parce qu'il faudra bien que quelqu'un s'occupe un jour du vrai sujet sur lequel vous devriez plancher : comment sortir de l'escalade de la violence qui caractérise le maintien de l'ordre en France depuis des années. #SecuriteGlobale#Soc_Cont
Ce que dit ce maigre rapport n'est pas très intéressant du point de vue des faits… mais il l'est extrêmement du point de vue du fonctionnement de l'institution policière…
1/ L'IGPN prend mille précautions pour dédouaner les policiers en expliquant qu'ils ont dû prendre des décisions "en une fraction de seconde" ou que toute violence est "par nature" choquante pour les observateurs
2/ Elle borne son analyse aux faits individuels en les décontextualisant. Quid de la stratégie policière ce soir là ? Quid des violences répétées par le même officier ?