Je profite de ce tweet de @julien bouvard pour parler de trois remarques courantes sur la traduction. Le tweet comprend l’une des phrases les plus cryptiques pour les non-initiés.
Je rajouterai deux autres remarques auxquelles j’ai couramment fait face. Je ne dis pas que la remarque est fausse, ne me prêtez pas de mauvaises intentions. Elle est très juste. Mais il faut comprendre ce qu’elle implique.
1ère remarque
« Parler couramment est différent de traduire. »
Si on reprend le tweet « parler couramment≠pouvoir traduire », il ne faut pas comprendre qu’on peut traduire sans parler couramment.
En signes mathématiques, voici ce que serait une formulation plus exacte.
Pouvoir traduire ∈ Parler couramment (pouvoir traduire inclut parler couramment).
Parler couramment la langue est une condition sine qua non pour traduire. Mais c’est quoi, au juste, parler couramment une langue ?
Pour ma part, c’est être en capacité de tenir une conversation de la vie de tous les jours sans être perdu et/ou dépassé quand on aborde un sujet qu'on ne connaît pas
(plus jeune, j’ai vécu ces moments de peur panique où le sujet de conversation basculait vers l’inconnu, sans que je puisse me raccrocher à même un mot, espérant que le « contexte » m’aide à comprendre de quoi il retournait.
Le manque de compréhension ne m’est toujours pas étranger, mais la peur panique a désormais disparue) Ajoutez à cette capacité orale celle de la compréhension écrite. Quand même, hein.
Mais jusqu’à preuve du contraire, l’écrit est avant tout une retranscription de l’oral. Je sais que des égyptologues traduisent des hiéroglyphes, mais pour les œuvres littéraires, surtout les mangas, on traduit le plus souvent des langues VIVANTES.
2ème remarque
« La maîtrise de sa langue maternelle est l’élément le plus important. »
C’est vrai. Mais remplissez D’ABORD les conditions du premier point.
Et je vous en prie, évitons les légendes selon lesquelles les bons traducteurs, ceux qui réussissent, auraient été touchés par la grâce à la naissance. (Digression à partir de là)
En France, on aime à faire croire que l’écriture et l’expression orale ne seraient que l’apanage d’une partie de la population née avec ça dans le sang. Alors que...non ? L’écriture et l’expression, c’est comme n’importe quel autre métier.
Ça s’apprend...En lisant, et en produisant des textes écrits et oraux. Malheureusement, certaines personnes sur terre arrivent sur la ligne de départ avec un capital culturel et éducatif plus important.
Comprenez qu’elles ont accès à cette maîtrise de la langue plus tôt que d’autres. Donc toi, jeune personne issue d’un milieu populaire, passionnée de manga, et qui voudrais devenir traducteur, tu sais ce qu’il te reste à faire : t’entraîner.
Lire et écrire selon l’adage « Practice makes perfect ». Mais tu dois le faire dans ta langue maternelle, détaché de ta langue de traduction. Tu auras peut-être des années de retard à rattraper, mais rien n’est insurmontable.
Revenons maintenant à notre remarque « Parler couramment est différent de traduire. »
Parler couramment une langue ne fera pas de vous un bon traducteur. Par contre, ça fera indéniablement de vous, **sur le long terme** un meilleur traducteur.
En effet, quand bien même vous maîtriseriez parfaitement votre langue maternelle pour produire des textes complètement cohérents par le lecteur,
ne pas « parler couramment la langue source » pourrait vous entraîner sur la pente très glissante des erreurs de traduction se transformant en habitudes. Ce qui est pire qu’un tic de traduction.
Et ne nous mentons pas, le japonais a particulièrement était mal traité en France jusqu’au début des années 90. Omissions (inacceptables). Contresens (**un peu** tolérés, ça arrive à tout le monde).
Et le pire : les envolées lyriques absentes des textes d’origine (mais ça faisait bien ! On était contents de voir notre maîtrise de la langue française quand on se relisait !
Surtout qu’on était persuadé d’avoir décelé ladite envolée lyrique en japonais, et on se targuait de bien comprendre la langue...un cercle vicieux, je vous dis !)
3ème remarque
« Les traducteurs ne peuvent être traducteurs littéraires qu’une fois qu’ils ont un bon niveau de traduction. La traduction littéraire est le sommet de la pyramide. »
Alors, recentrons-nous sur la traduction de manga. Et comparons celle-ci à n’importe quel autre métier. Rappelez-vous des fiches de recrutements destinées à « un jeune diplômé avec 5 ans d’expérience » ?
Eh bien, c’est pareil pour la traduction littéraire. Il faudra bien commencer quelque part. Et vous pourrez avoir traduit des milliers de textes marketing/techniques/industriels que vous n’aurez toujours pas le bagage pour faire de la traduction littéraire.
Les deux sont à la fois complètement différentes et tout à fait similaires. (D'ailleurs un traducteur qui n'a été que littéraire pourra avoir du mal dans une traduction technique qui sollicite d'autres compétences)
Oui, vos premières traductions littéraires seront les plus mauvaises de votre carrière. Oui, c’est triste pour le lecteur de ne lui offrir que « ça » au début, mais un traducteur est bien épaulé.
Par une armée de correcteurs, et une maison d’édition, le tout fonctionnant en équipe.
Bien sûr, on ne peut pas demander à cette dernière de faire des miracles quand elle se voit présentée une traduction de qualité relativement faible, mais entre le premier jet et le résultat final, il y a souvent une différence notable.
Pour conclure, dites-vous que, aussi bien pour les mangas que pour les romans, l’éventualité de tomber sur les premiers travaux de tel ou tel traducteur est là. Mais laissez-leur la possibilité de prendre du galon.
Et SURTOUT, dites-vous, que mieux vaut un texte dont le sens est juste même si l’écriture est bancale, plutôt qu’un texte hyper fluide à 2000km du texte d’origine.
Bien sûr, la trad littéraire octroie plus de liberté, étant donné que le ressenti joue un rôle non négligeable. Mais faisant aussi du technique, je connais l'importance de la précision, qui permettra parfois à une machine industrielle de ne pas exploser (important, non?)
Pour conclure, parler la langue source COURAMMENT est une condition INDISPENSABLE à la traduction, de surcroît pour le japonais qui est une langue à l’oralité importante, et encore plus lorsqu’il s’agit de mangas, où le discours direct l’emporte sur les autres formes.
Surtout, cette maîtrise de la langue vous permettra de la saisir précisément et donc de la retranscrire de la même manière.
J’espère que j’aurais cassé quelques légendes de ce métier à travers ce thread.
Désolé à @julien qui a été cité malencontreusement dans ce tweet à cause d'une espace.
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When we talk about #Tokusatsu FX directors, the first name that come to mind is, understandably Eiji Tsuburaya (FX director for the first Gojira, Ultraman’s father). However, one less-known person is Nobuo Yajima, who passed away two years ago, in November 2019. A THREAD
Born in 1928, Yajima left studies in engineering to join Shochiku in 1949, where he studied everything about movies (even collecting tickets in cinemas !). After watching John Ford’s The Hurricane, he grows an interest in FX, and joins the dedicated team at Shochiku.
His interest for editing came after he met a French editor while working as assistant director, cameraman and editor on the French-Japanese movie Typhon sur Nagasaki. An experience that shaped his vision of FX.
I’m the first one to have doubts when everybody talks about it every year, but this year, I think it may be true. (2/20)
My argumentation is based on a panel of the Tokyo International Film Festival.
Here’s the link bit.ly/2KD5Nwi
Interestingly, this panel took place at the beginning of November. That means that, during that time, Shirakura knew about the new Sentai. (3/20)