A l'approche d'un énième psychodrame médiatico-politique autour du confinement, il est intéressant de faire le point sur le système de décision en matière sanitaire qui s'est imposé depuis un an.

Dans cette nouvelle République Covid, Macron décide seul, en toute opacité. 🔽🔽🔽
Après un premier Conseil de défense le 29 février 2020, en mode cluster, Macron a fait de cet outil institutionnel taillé pour les situations de guerre l'instrument de la gestion ordinaire de la crise sanitaire.
Les délibérations y sont couvertes par le secret-défense, sans que l'on comprenne bien l'intérêt dans un cadre sanitaire. Contrairement au Conseil des ministres, il n'existe pas de compte-rendu. C'est une boîte noire, de laquelle ne ressort que des indiscrétions de presse.
Plus le Conseil de Défense est important, plus la communication va être verrouillée. C'est ce qu'il s'est passé le 29 janvier dernier, date où Macron a pris son fameux "pari" de ne pas confiner. Peu de ministres étaient autour de la table, afin d'"éviter que cela bavasse".
Sachant que le pari en question a des conséquences très lourdes, tant sur un plan sanitaire que sur le quotidien des Français, on pourrait imaginer un système de contre-pouvoir permettant de s'opposer à une éventuelle mauvaise décision du monarque.
Il n'en est rien. Macron est seul maître à bord. Les ministres qui ne sont pas d'accord sont priés de changer d'avis. Ce fut le cas de Jean Castex qui plaidait fin janvier pour un confinement et qui a du se convaincre du contraire pour aller annoncer le non-confinement à la télé.
Dans ce système institutionnel, le Parlement est très rarement consulté. Ce fut le cas, pour la forme, le 29 octobre, au lendemain du discours de Macron annonçant le deuxième confinement. L'Assemblée aurait dû l'être à nouveau fin janvier, mais pas de confinement = pas de débat.
En somme, l'Assemblée n'est là que pour avaliser les éventuelles décisions de confinement. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur la stratégie sanitaire à court et moyen terme, qui n'est rien de moins que la décision politique la plus importante en ces temps de crise.
Dans cette VIe République à la sauce Covid, le pouvoir législatif n'existe donc plus, remplacé par deux pouvoirs subalternes ayant un avis uniquement consultatif, les scientifiques (via les avis du Conseil scientifique) et les médias, chargés d'organiser la délibération publique.
Car faute de délibération institutionnelle, l'exécutif organise tout de même un débat public autour de ses décisions à venir. Pour ce faire, il use et abuse des indiscrétions dans la presse, qui sont autant de ballons d'essai.
Les deux canaux quasi officiels sont BFM TV et le Journal du dimanche, toujours bien informés sur les décisions à venir. C'est sur la chaîne d'info qu'on a appris vendredi qu'un confinement de l'Ile-de-France était sur la table.

C'est aussi en direct sur BFM TV qu'on avait appris le 27 octobre dernier que Macron allait annoncer un reconfinement le lendemain. Mais le journalisme d'indiscrétions est un jeu toujours risqué.
On ne peut que fixer l'air du temps politique, qui a vocation à être bouleversé et nécessairement, il y a des ratés.

C'est ce dont témoigne cette fameuse Une du JDD du 24 janvier, 5 jours avant que Macron ne décide de l'inverse en Conseil de Défense.
Il n'y a, institutionnellement, aucun débat autour des décisions de Macron mais il existe donc un ersatz de délibération démocratique, qui se déploie entre le moment où le JDD ou BFM annonce une décision et le moment où celle-ci est prise. (C'est peu mais on fait avec ce qu'on a)
Un argument -fort légitime- qui justifierait ce mode de décision est que face au virus, comme en temps de guerre, il faut prendre des décisions tranchées et rapides. En terme sanitaire, un confinement décidé une semaine trop tard peut en effet se chiffrer en milliers de morts.
Sauf que ce qui prévalait en mars 2020 n'a plus lieu d'être. L'urgence a (relativement) disparue. Macron met maintenant une bonne semaine avant de décider d'un éventuel confinement. Il réfléchit, il consulte, il lit des études épidémiologiques - nous dit-on.
Mais pourquoi ne pas consulter la représentation nationale dans ce laps de temps ? Ce serait son rôle de définir une stratégie à moyen terme, de décider s'il faut "vivre avec le virus" ou au contraire viser le "Zéro Covid".
Ce serait le rôle du Parlement de décider si les écoles doivent par principe ne jamais fermer, ou si, au contraire, on peut envisager cet outil pour faire baisser la pression épidémique. Non, la question ne sera jamais démocratiquement posée.
Le Conseil de Défense peut se justifier comme un instrument de décision tactique, pour mettre en place des mesures rapides, mais il manque fondamentalement en France un lieu de délibération stratégique, où l'on pourrait débattre de notre politique, au-delà des "paris" du chef.

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16 Mar
Petite précision sur Astra Zeneca : depuis la suspension allemande, qui a provoqué l'effet de domino européen, on ne parle plus de thromboses mais d'un cas spécifique et rare, les thromboses veineuses cérébrales.
Le Paul-Ehrlich-In­sti­tut, à l'origine de toute cette histoire, avait dans un premier temps considéré qu'il n'y avait pas de souci dans les données. Jusqu'à de nouvelles infos récentes faisant état de 7 cas de thromboses veineuses cérébrales, dans un public jeune et féminin.
Il y a normalement environ 4 cas pour un million d’habitants par an. La survenue de 7 cas pour 1,7 millions de personnes vaccinées, soit 4 cas/million en quelques jours ou semaines, les a donc alerté. En Allemagne, on parle d'une décision technique et d'aucune manière politique.
Read 4 tweets
15 Mar
Le Conseil scientifique a rendu un avis le 11 mars que le gouvernement n'a toujours pas rendu public, quand bien même la loi l'y oblige. Il est désormais disponible... mais derrière un paywall sur le site des Echos.

lesechos.fr/idees-debats/e…
Cet avis du CS ne répond pas vraiment à la grande question actuelle (confiner ou pas l'IdF ?) et se penche plutôt sur la stratégie globale, en plaidant pour une nouvelle approche "précoce, régionale, ajustée et ciblée". Pour le "précoce", ça paraît un poil tard pour l'IdF.
Le Conseil scientifique balaye trois autres options : la stratégie d'immunité collective, le "Stop and go" (la stratégie actuelle) et le "Zéro Covid", qui est jugé "ni réaliste sur un plan pratique, ni probablement acceptable par la population".
Read 7 tweets
13 Mar
Alors que les modélisations ont (temporairement?) disparu du débat public français, les autorités sanitaires allemandes publient pour la première fois une projection de l'évolution du variant B.1.1.7 🇬🇧. Selon ce modèle l'incidence pourrait dépasser celle de Noël dans 4 semaines.
Ce graphique a d'autant plus d'impact qu'il est publié à la suite de trois mauvais chiffres quotidiens, laissant entrevoir une croissance hebdo des cas entre 20 et 30%.

Le taux d'incidence, qui était de 64 le 3 mars, quand a été planifié le déconfinement, est maintenant de 76.
Le directeur du Robert Koch-Institut a déclaré hier: "Nous sommes maintenant au début de la troisième vague".
"Nous devons empêcher le nombre de cas d'exploser à nouveau", alors que la "dritte Welle" apparaît de plus en plus sur les graphiques.
Read 7 tweets
1 Mar
Une des études les plus complètes sur le risque de contamination dans les écoles vient d'être publiée en pré-print. Via un sondage en ligne, les chercheurs ont pu analyser les symptômes de 576.000 parents d'élèves américains pendant la 2e vague.

medrxiv.org/content/10.110…
Les résultats confirment ceux de l'étude française ComCor d'Arnaud Fontanet : les parents d'élève ont un risque supérieur aux autres de développer des symptômes Covid, ce risque augmentant chez les parents de collégiens ("6 to 8") et de lycéens ("9 to 12").
De manière intéressante, les chercheurs notent que le risque pour les parents décroît en fonction des mesures prises dans l'école de leurs enfants. Les plus efficaces: pas d'activités extra-scolaires, dépistage quotidien des symptômes et masque chez écoliers et surtout profs.
Read 5 tweets
1 Mar
L'Allemagne souhaite mettre en place une stratégie de tests antigéniques de masse: chaque citoyen serait incité à faire 2 tests par semaine, aux frais du gouvernement. Le ministère de la Santé table sur 2 à 2,5% de la pop qui ferait un test chaque jour.

faz.net/aktuell/wirtsc…
Ce n'est pas encore très clair mais ces tests pourraient être utilisés pour permettre l'entrée dans certains lieux, et donc permettre le déconfinement. Les tests antigéniques sont déjà très répandus en Allemagne mais ils sont payants, le plus souvent dans des centres privés.
En rendant les tests gratuits, l'Allemagne s'aligne donc d'une certaine manière sur la France. Mais avec une nette différence de stratégie : l'objectif n'est pas d'avoir une alternative aux tests PCR mais d'utiliser ces tests en préventif (un peu comme les Français avant Noël).
Read 5 tweets
28 Feb
Un article du quotidien berlinois Tagesspiegel commence à tourner en France : "La stratégie No Covid de Merkel est enterrée".

Un article extrêmement sévère pour la chancelière, expliquant que de plus en plus d'élus se détournent de sa stratégie.

tagesspiegel.de/politik/die-ka…
Il faut déjà comprendre que c'est un "commentaire" d'un journaliste farouchement opposé à ce genre de politique et qui défendait l'approche suédoise à l'automne dernier.
Reste que son constat est probablement juste: l'idée d'une Allemagne "No Covid" semble s'éloigner chaque jour.
En Allemagne, ce n'est pas Merkel qui décide toute seule en Conseil de défense. Les décisions sont le fruit d'un compromis entre la chancelière et les ministre-présidents de Länder.
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