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La marine française et la lutte contre l’esclavage et la traite pendant la Révolution française. Partie 1 !
Je précise que je ne suis pas à proprement parler historien du fait colonial américain et je vais donc me concentrer sur l’aspect proprement naval et opérationnel de la question. Certains pourront peut-être nuancer ou critiquer à bon droit certains éléments.
Néanmoins le rôle de la marine me semble intéressant car il se prête bien à une approche équilibrée de l’abolitionnisme républicain : sans triomphalisme tricolore, mais sans non plus relativiser à l’excès la radicalité émancipatrice de cet acte.
Commençons par un bref rappel : le distinguo entre traite et esclavage : le premier terme désignant l’acte de déporter les noirs d’Afrique jusqu’en Amérique, l’esclavage étant leur mode d’exploitation. Cette distinction est très nette aux yeux des contemporains.
Quand commencer cette histoire ? A Saint Domingue en 1791, lorsqu’à la suite notamment d’une série vaudou incluant des marrons, une part considérable des esclaves de l’île se révoltent. Cette révolte se mélange à la guerre étrangère contre l’Angleterre à partir de 1793.
Les unités de la marine de guerre postées aux Antilles, associées étroitement à l’entreprise coloniale, semblent avoir été nettement marquées par le préjugé de couleur. Lors de la première abolition locale de l’esclavage par les représentants en mission à Saint Domingue, au début
de l’été 1793, les marins recueillent sur leurs navires en rade du Cap Français ceux qui souhaitent fuir la ville, et forment même des petits partis pour combattre les anciens esclaves dans la ville, qui est incendiée.
Néanmoins, lorsque tous ces évènements parviennent à l’oreille de la Convention nationale, celle-ci choisit de généraliser l’abolition de l’esclavage le 4 février 1794. Il n’est rien dit de la traite, mais nous allons voir que celle-ci est combattue.
En effet, et à partir d’ici l’histoire est peu connue, le Comité de Salut public et le ministre de la marine intègrent cette donnée nouvelle à leurs plans de campagne . Dans l’arrêté secret du Comité de Salut Public du 24 juin 1794, celui-ci ordonne de :
« envoyer à la côte d’Afrique 4 à 5 bâtiments, 1 ou 2 frégates, et le reste en fortes corvettes pour brûler et couler tous les bâtiments anglais employés à faire des esclaves. […] le dégât que les croiseurs feront à l’ennemi sur les côtes de Guinée est incalculable,
les ennemis ayant plus 250 bâtiments employés à ce commerce barbare qu’ils font » Navalement, on se situe dans le cadre de la stratégie indirecte : la supériorité numérique anglaise interdisant d’affronter la flotte ennemie,
on envoie des petites escadres (pas des corsaires attention) s’en prendre aux intérêts ennemis, comme la traite. L’objectif est d’abord militaire donc ; mais le philanthropisme est quand même notable, avec la condamnation de la traite, rare dans un document stratégique.
Finalement c’est le vaisseau rasé l’Experiment (un vaisseau rasé est un grand navire de ligne dont on a rasé le deuxième pont, donnant une forte frégate) et deux corvettes, qui se chargent de la mission à l’été 1794. C’est un succès complet selon le capitaine Linois :
« L’expédition du Vaisseau l’Experiment a fait le plus grand ravage à la côte de Guinée, il a détruit toutes les embarcations propices à la traite, démoli toutes les forteresses ; brisé tous les canons, mis en liberté tous les negres qu’il a trouvé à bord des batiments anglais »
Le Sierra Leone notamment est attaqué, et seule les habitations des anciens marrons des colonies anglaises des Antilles, déplacés là, sont épargnées par les Français.
La République a t'elle poursuivi cette politique apparemment fructueuse ? La suite demain !
Là, je suis crevé en fait. Pas de logique scientifique.
Nous en étions restés à l’expédition réussie du navire l’Experiment en 1794 sur la côte d’Afrique. A noter que ce genre de petit succès, anonymes et peu connus contrairement à une grande bataille, constituent l’essence de la stratégie française, et finissent par peser lourdement.
Dans les histoires traditionnelles, on dit que le gouvernement révolutionnaire ne comprenait rien à la marine, mais partagez vous cette opinion maintenant que vous savez que les escadres françaises frappent durement les intérêts anglais, en plus au nom de l’émancipation ?