Une petite discussion du livre de @ChloeMorin2 paru en février dernier.
Ce livre décrit le malaise démocratique qui s’est installé en France et ailleurs.
@ChloeMorin2 y analyse beaucoup de choses : le rôle des réseaux sociaux, la crise identitaire, la montée de la défiance, la sécession des élites, etc.
Pour ce faire, elle mobilise beaucoup d’études et de sondages. Mais également (à plusieurs reprises), son expérience dans le cabinet du Premier Ministre sous le mandat de François Hollande. L’expérience d’un long délitement dont elle ne garde pas le meilleur souvenir !
Une thèse importante : ce que l’on appelle « démocratie » est en réalité de moins en moins démocratique.
« Concrètement, le débat politique qui est jugé “légitime” – lire “raisonnable”, autrement dit “non populiste” – se déploie à l’intérieur d’un carcan » (p. 71).
En fait, dans le débat public, la dénonciation du « populisme » sert de plus en plus à légitimer la confiscation du pouvoir par les gouvernants.
« Il n’y aurait rien de plus grand que de gouverner “pour” le peuple mais sans lui […] » (p. 78).
Cela s’est bien vu avec F. Hollande. En campagne, il fallait faire « rêver » les gens ; une fois élu, il fallait se montrer « responsable » à la place des électeurs.
E. Macron s’inscrit dans la même ligne, lui qui tient ses options économiques pour les seules raisonnables.
Bref, ce qui se lit en filigrane dans l’ouvrage, c’est que les gouvernants oublient de plus en plus que l’intérêt général n’est le monopole d’aucune partie de la cité. Il naît toujours de la confrontation des points de vue, ce qui demande une discussion publique de qualité.
Dès lors que les gouvernants prétendent détenir le monopole de la réalité (à commencer par la réalité économique), le système « ne semble plus offrir le CHOIX entre différentes options, différentes idées du commun et de l’avenir, différents projets de société » (p. 70).
Si @ChloeMorin2 refuse de céder à la dénonciation facile du populisme, elle n’en cache pas pour autant les travers et les menaces qu’il porte en lui : complotisme, polarisation des opinions, violence, recherche de boucs émissaires, etc.
Finalement, ce gouffre de défiance et d’incompréhension entre les « élites » et le « peuple » mène à la dégradation du débat public et à une certaine déresponsabilisation générale.
Un exemple frappant : au moment de la pandémie, « il ne se trouvait plus un seul Français pour assumer avoir voté pour les responsables politiques de tous bords qui ont, depuis vingt ans, désarmé l’hôpital public » (p. 113).
Le constat posé par ce livre n’est pas très réjouissant. Cependant, il me semble à la fois étayé et convaincant. Ce livre apporte donc une contribution utile à la saisie des différentes menaces qui pèsent actuellement sur notre vie démocratique.
Mais alors, que faire ?
Ce n’est pas l’objet du livre, mais @ChloeMorin2 aborde le sujet au 5ème chapitre à propos de l’absence d’alternative aux politiques économiques menées, du fait de « l’homogénéité des opinions économiques des “élites” hexagonales » (p. 127).
Le livre dénonce les dogmes européens, les politiques d’austérité et l’inaction des pouvoirs publics face à la montée des inégalités. D'ailleurs, n'est-il pas vrai que le consensus autour des politiques de l’offre n’a pas spécialement réussi à la France dans la dernière période…
Mais c’est là que je suis moins convaincu par l’alternative présentée : des politiques de la demande avec une relance de la consommation.
Pour deux raisons : 1) Du point de vue de notre empreinte matérielle, nous avons besoin de sobriété et surtout pas de plus de consommation.
2) L’augmentation de la consommation en France se traduit par une dégradation de la balance commerciale (déjà très déficitaire). Et c’est justement ce déficit qui justifie les politiques de compétitivité menées par nos gouvernants (modération salariale, coupes budgétaires, etc.).
En réalité, ce n'est pas le problème du livre mais du débat économique actuel. Les alternatives proposées ne paraissent pas prendre en compte un fait massif : notre déficit extérieur. Ce qui, je crois, entache beaucoup leur crédibilité.
Mais comme il s’agit là du point de départ de ce compte Twitter (l'absence d’alternative crédible à un an de l’élection présidentielle), je vais sûrement y revenir bientôt 😆
En définitive, il s'agit d'un ouvrage très agréable à lire, et qui a l’avantage de poser un œil lucide sur nos difficultés.
Il reste maintenant, si l’on veut rendre à notre vie démocratique tout son ressort, à dépasser le consensus économique qui règne au sein de l’exécutif.
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Mais a-t-il démontré la capacité de son parti à planifier ?
Je vous propose d’explorer cette question à travers le cas de la planification écologique.
Un fil ⤵️
Je m’appuie ici sur le 2ème cahier de l’Avenir en commun paru en février 2021 : « La planification écologique » (@EditionsduSeuil, 68 pages, 2,50€).
Publier de tels cahiers programmatiques pour lancer le débat est d'ailleurs une excellente initiative qui devrait être imitée !
Certes, pas assez de données pour étayer le programme à mon goût, et presque aucune source. Mais sans doute est-ce lié à une volonté de rester sur un format aisément accessible. Donc, pourquoi pas.
Avant de commencer, un petit mot sur la planification.