#Israel, à feu et à sang depuis quelques jours, est-il le « foyer national du peuple juif », comme le définit la loi fondamentale de 2018 ? Pour certains penseurs médiévaux, la question mérite déjà d'être posée. Un thread ⬇️! #histoire#medievaltwitter
Né dans le Languedoc vers 1279, Joseph ibn Caspi a beaucoup voyagé dans le monde juif du sud de l'Europe : la Catalogne, la Provence, Majorque. Auteur fécond, il défend un judaïsme rationnel, ouvert aux innovations scientifiques et philosophiques.
Dans une de ses œuvres, il s'attaque à un point essentiel de la foi juive : la restauration du Temple de Jérusalem. C'est un point, souligne-t-il, que peu de rabbins osent aborder, ce qu'il attribue à leur timidité
Il faut dire que la perspective d'un retour du peuple juif à la Terre promise paraît très lointaine à cette époque. Les Juifs sont dispersés entre les pays méditerranéens, partout minoritaires, partout marginalisés, souvent exposés à des violences actuelmoyenage.wordpress.com/2020/05/21/ent…
Mais, pour ibn Caspi, cette restauration est une promesse faite par Dieu, promesse qui est, selon lui, « une possibilité réelle ». Il développe alors une réflexion très subtile.
En effet, note-t-il, l'observateur attentif verra aisément que les royaumes et les empires ne cessent de « tourner ». Tout récemment, on a vu les musulmans prendre Acre (en 1291) et les chrétiens conquérir Majorque. Bref, « les royaumes changent sans cesse ».
Il en va de même pour « la terre d'Israël et de Jérusalem ». En effet, les Juifs l'ont conquise sur les Cananéens, puis l'ont perdue (Perses, Romains, musulmans). Les musulmans l'ont perdue face aux croisés, avant de la reprendre...
Dès lors, ces changements permanents autorisent à espérer qu'un jour, avec l'aide de Dieu bien entendu, « la terre d'Israël passera de nouveau aux mains des Israélites ».
Joseph ibn Caspi applique à l'histoire un raisonnement déductif qui prend la forme d'un syllogisme : l'histoire est longue ; au fil du temps, toutes les combinaisons peuvent survenir ; autrement dit, la terre d'Israël peut, un jour futur, être à nouveau possédée par les Juifs.
Il s'agit donc d'une approche entièrement logique, et même laïque : comme l'écrit Joseph, « il est raisonnable que l'homme intelligent y croie par déduction rationnelle, sans que les promesses des prophètes soient absolument nécessaires ».
Joli tour de force : le sionisme de Joseph ibn Caspi est finalement moins ancré dans une conviction de nature religieuse que dans une vision parfaitement rationnelle des évolutions historiques et géopolitiques.
Dire que les Juifs finiront par reprendre Israël n'est donc pas, pour Caspi, une prophétie (qu'on peut croire mais pas prouver) : cela s'apparenterait plutôt à un bulletin météo sans date, comme si la météo disait qu’« un jour futur, il va pleuvoir dans le sud de la France ».
Pour Joseph, rien ne peut arrêter l'histoire. « À propos de cette terre, qu'elle reste entre les mains des musulmans ou que les chrétiens la conquièrent, est-ce que cela veut dire que les empires sont finis, qu'il n'y aura plus de décadences ni de renaissances ? Non ! »
Dans cette vision, l'histoire apparaît comme un mouvement permanent, caractérisé par une éternelle indétermination des possibles : tout peut arriver. Il est impossible de savoir ce que le futur réserve.
Joseph ibn Caspi se serait, sans aucun doute, réjoui de la fondation de l'État d'Israël, et probablement également de cette loi fondamentale qui réaffirme que Jérusalem est la « capitale complète » du pays.
Mais il aurait également invité à la prudence : après tout, si l'histoire ne finit jamais, cela veut dire que, pas plus que les empires antiques ou les royaumes médiévaux, l'État d'Israël n'est pas éternel...
Une pensée sioniste purement rationnelle dès le XIVe siècle : le raisonnement de Joseph ibn Caspi invite à penser l'histoire comme un ensemble d'avenirs toujours possibles.
Retrouvez notre article du jour sur notre blog ! actuelmoyenage.wordpress.com/2021/05/20/un-…
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A l'heure de faire l'appel et de découvrir les prénoms de nos élèves, saviez-vous que le Moyen Âge est une période marquée par un changement complet dans la manière de nommer les gens ?
On parle de "double révolution anthroponymique", et c'est passionnant. Un thread ⬇️
Première révolution : la fin des noms romains/romanisés et, notamment, du système des tria nomina (Marcus Tullius Cicero). Avec l'arrivée en Occident de peuples germaniques, ces noms passent peu à peu de mode, même si certains survivent (Marcus, Julius, Felix, etc).
A leur place, on voit apparaître des prénoms... germaniques ! Clovis, Sigebert, Dagobert, Galswinthe, Brunehaut... Ou, moins connus, Leutgarde, Fryshilde, Gansbold, Hildevoud, Protline, Framberte... (oui je sais ça fait rêver hein ?)
Un soldat africain pendant la bataille d'Hastings (1066) ? Réponse de médiéviste : 1/ c'est possible ; 2/ c'est très improbable ; 3/ on s'en fiche car c'est de la fiction ; 4/ ces réactions outrées sont très signifiantes.
1/ C'est possible. Les sociétés anciennes sont plus connectées qu'on ne le pense souvent, et l'Afrique, y compris l'Afrique subsaharienne, n'est pas coupée de la Méditerranée. Il y a des flux de biens et de personnes (marchands, soldats, esclaves, pèlerins, etc).
1/ Ces flux ont d'ailleurs laissé des traces archéologiques, y compris en Grande-Bretagne : dans cet article, des fouilles dans un cimetière anglais du VIIe siècle ap JC où on a retrouvé une personne ayant un ancêtre récent originaire d'Afrique de l'Ouest
On a pris notre courage à deux mains avec @HMedievale et on a regardé « Saint Louis raconté par Philippe de Villiers » diffusé dimanche soir sur CNews. On n’a pas été déçu du voyage, car comme toujours de Villiers propose une vision très personnelle...
Un fil à dérouler ⬇️!
Tout d’abord, deux éléments de contexte. 1/ Philippe de Villiers s’est sans doute appuyé pour cette émission sur son livre « le Roman de saint Louis » publié en 2014, qu'on a lu. 2/ L'émission est sortie dimanche 24 août, veille du 25, jour de la Saint-Louis.
Dès le début, Villiers annonce la couleur : « la vie de saint Louis est un trésor. Les enseignements que j’en ai tiré sont des lumières pour aujourd’hui ». Saint Louis « incarne le beau, le grand, le bien [et] notre civilisation, qui est la civilisation chrétienne »
Quand on pense à la Muraille de Chine, on imagine souvent un édifice comme le Mur dans Game of Thrones...
Mais de nouvelles fouilles archéologiques montrent que ces fortifications médiévales avaient des buts variés, et souvent plus civils que militaires. Un thread ⬇️
Ici, on n'est pas dans la partie la plus célèbre de la Muraille de Chine, mais dans ce qu'on appelle le Medieval Wall System, un ensemble de fortifications de 4000km de long construit entre le Xe et le XIIe siècle, essentiellement par la dynastie Jin
Les archéologues ont fouillé une partie du mur et un fortin situés sur la partie mongole de cet ensemble. Or, la surprise, c'est que le mur en lui-même est un simple fossé accompagné d'une petite pile de terre. Aucune efficacité contre une armée d'envahisseurs... !
Au début de l'année 1195, Lothaire de Segni, un clerc qui va ensuite devenir pape sous le nom d'Innocent III, écrit un petit traité intitulé "Misère de la condition humaine". Il est ici traduit et commenté par O. Hanne (@BellesLettresEd). Un thread (déprimant 😅)⬇️!
Ce texte s'inscrit dans le contexte des traités du type "Mépris du monde", souvent écrits par des moines, qui listent les raisons de détester et de se détacher du "monde", càd du siècle, de la vie laïque avec ses tentations et ses péchés.
Classiquement, le futur pape explique ainsi que l'être humain est bien malheureux. Fabriqué par Dieu dans la terre, la moins noble des substances, conçu dans "le vil sperme", il vient au monde au milieu du sang, des larmes et des cris.
Vous avez (trop) chaud ?
Et si je vous disais que durant les croisades, les croisés ont eux aussi souffert de la chaleur, au point parfois... de mourir ? Je ne sais pas si ce thread va vous rafraîchir, mais ça vous cultivera... Un thread ⬇️!
La chaleur frappe violemment les croisés quand ils arrivent en Orient. Les chroniques de la croisade le répètent tout le temps, preuve que ça a marqué les contemporains : "les nôtres étaient brûlés par la chaleur dévorante", "la chaleur avait grandement affaibli l'armée"
Les mois d’été sont les plus redoutables. Les auteurs mettent en garde contre le « redoutable mois d’août » ou encore contre « juillet, mois insupportable à cause de l’ardeur du soleil ». Autant que possible, on décale les opérations militaires pour éviter d'agir en plein été.