Le 4 juin 1871, Geneviève Bréton s'énerve ds son journal intime : cette jeune bourgeoise, fiancée à un peintre tué à la guerre en janvier, a rallié la Commune, dont elle a soigné les blessés. Elle n'a pas de mots assez durs contre l'arrogance des versaillais victorieux :⤵️🖋️
1/
« 4 juin 71

Je quitte l’ambulance aujourd’hui 4 juin pr rentrer ds ma chère obscurité solitaire. […] Maintenant, mon rôle est fini, les sœurs ns remplacent auprès des quelques blessés qui restent.
2/
j’étais là à la peine, je ne veux pas être au triomphe, voir ces heureux Versaillais parés passer en fringants équipages sur les pluies tièdes mêlées de sang français, courir aux théâtres couverts et contempler en ricanant le navrant spectacle de nos ruines ;
3/
non, non, je ne peux voir ces choses sans colère. Les vrais coupables, ce sont eux, ceux que je n’ai pas vus depuis un an, qui ont quitté Paris au moment de la guerre, eux qui n’ont pas su mourir et qui viennent étalier insolemment ds notre pauvre ville sublime et insensée
4/
leur vie indifférente à tout, sauf au plaisir.
Ceux-là, on ne les fusillera pas, on ne les expatriera pas, on ne les met pas en jugement, moi je les juge criminels, + criminels que l’homme qui, mourant de faim, s’est mis dans le communisme,
5/
parce que ce sont ces inutiles et ces élégantes qui ont, par leur luxe, leurs vies dorées, leur insouciant égoïsme, apporté la révolte ds les classes pauvres.
Ceux-là, ces misérables d’en haut, cette populace dorée on ne la condamne pas : elle vit, elle vivra, elle croîtra,
6/
elle est inatteignable. Fauteurs du crime, ils accusent celui qui, auj’hui, est sans défense, le Peuple; pauvre peuple, assommons-le, tuons-le, fusillons-le et vivons ! et oublions qu’il y a des malheureux et des affamés parmi nous.
7/
Une leçon si sanglante qu’elle soit n’est dc jamais profitable. Le canon s’est tu et avec lui tte idée sérieuse au cœur des Parisiens. Mon Dieu ! est-il possible que ce qui m’est donné de voir dans ma courte vie s’est vu de tout temps. »
8/
🍒Texte à retrouver dans Geneviève Bréton, Journal 1867-1871, éditions Ramsay, 1985, p. 243-244.
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3 Jun
Fin mai 1871, Victor Hugo, installé à Bruxelles depuis mars, y fait paraître une tribune en faveur du droit d’asile pour les communards. Il est immédiatement expulsé du pays ! Récit de l’affaire et florilège de punchlines par le poète :⤵️🪶😠
1/
« "— Il est enjoint au sieur Hugo de par le roi
De quitter le royaume." - Et je m’en vais. Pourquoi ?
Pourquoi? mais c’est tt simple, amis. Je suis un homme
Qui, lorsque l’on dit : Tue ! hésite à dire : Assomme !
Qd la foule entraînée, hélas ! suit le torrent,
2/
Je me permets d’avoir un avis différent ;
[...] Je blâme sans pudeur les massacres en grand ;
Je ne bois pas de sang ; l’ordre, à l’état flagrant,
Exterminant, hurlant, bavant, tâchant de mordre,
Me semble, à moi songeur, fort semblable au désordre ;
3/
Read 12 tweets
2 Jun
Épouse d’un garde national de la Commune, Émilie Noro est arrêtée et emprisonnée sans motif : c’est le début du mythe des pétroleuses, ces femmes incendiaires et déchaînées qu’il s’agit de débusquer et d’enfermer. En 1897, elle raconte son arrestation ds La Revue Blanche :⤵️🔥
1/ ImageImage
« J’étais en train de faire du café. J’ouvre, mon filtre à la main. Des chasseurs de Vincennes étaient là, le fusil en arrêt, et commandés par un jeune officier à l’air important. Je ne me rendais pas du tt compte du danger. ☕️
2/
Ce déploiement de forces et l’air fanfaron du pt officier, tt cela me fit rire, ce qui le vexa. "Votre mari ? — Il n’y est pas. — Il a fait comme les lâches, il s’est sauvé. — Vs comprenez bien qu’il n’allait pas vs attendre." On fouille ds ts les meubles,
3/
Read 12 tweets
30 Apr
J 44🍒

Le 30 avril 1871, Gustave Courbet écrit à ses parents une lettre magnifique : « Paris est un vrai paradis » ! Il raconte ses fonctions ds la Commune et sa vision des rapports entre Paris et la France. Qq mots d'abord sur ce gd peintre et son action politique :⤵️🎨🪶
1/
Gustave Courbet (1819 – 1877) est né à Ornans en Franche-Comté. Il "monte" faire des études de droit à Paris mais passe son tps à dessiner et peindre.
Ses amis : Proudhon, Champfleury, Baudelaire. Tkl.
2/
Il voyage un peu (Belgique, Normandie), et retourne régulièrement peindre à Ornans, notamment le fameux enterrement (1849). Il en garde une conscience forte de ce qu’il doit à son pays, de ce que Paris doit aux campagnes.
3/
Read 16 tweets
29 Apr
J 43🍒

Dans La Commune, paru en 1898, Louise Michel raconte le ralliement des Francs-Maçons à la révolution et leur procession pacifiste du 29 avril 1871. Pour elle, écrire = revivre une scène où les fantômes du passé projettent le spectre de la révolution à venir...⤵️👻🪶
1/
« La Commune allait mourir ! Qu’avait dc servi l’enthousiasme universel ? De gdes manifestations avaient eu lieu, mais Versailles avec son cœur de pierre n’avait senti que la Banque en péril; les Francs-Maçons, le 26 avril, avaient envoyé des 2 orients de Paris, une délégation
2/
des vénérables et des députés des loges, adhérer à la révolution; il avait été convenu que le 29, ils iraient en cortège sur les remparts entre le Point-du-Jour et Clichy, qu’ils planteraient la bannière de paix, mais que si Versailles refusait cette paix
3/
Read 12 tweets
28 Apr
J 42🍒

Lettre de George Sand à Gustave Flaubert : mieux vaut prendre en pitié la Commune de Paris que de s'énerver !🤷‍♀️

« Nohant, 28 avril 1871.
Non certes, je ne t’oublie pas ! je suis triste, triste, c-à-d que je m’étourdis, que je regarde le printemps, que je m’occupe ⤵️
1/
et que je cause comme si de rien n’était […].
Voilà prquoi je ne voulais pas t’écrire avant de me sentir mieux,non pas que j’aie honte d’avoir des crises d’abattement, ms parce que je ne voudrais pas augmenter ta tristesse déjà si profonde en y ajoutant le poids de la mienne.
2/
Pr moi, l’ignoble expérience que Paris essaye ou subit ne prouve rien contre les lois de l’éternelle progression des hommes et des choses, et, si j’ai qq principes acquis ds l’esprit, bons ou mauvais, ils n’en sont ni ébranlés ni modifiés. 😌
3/
Read 9 tweets
27 Apr
J 41🍒

Le 27 avril 1871, le bataillon de Victorine Brocher part se battre à Issy-les-Moulineaux.
C’est ce qu’elle raconte dans ses Souvenirs d’une morte-vivante, parus en 1909. D’abord, qq mots sur cette combattante et écrivaine anarchiste de la Commune de Paris.⤵️💥🖊️
1/ ImageImage
Victorine, née Malenfant (1839-1921), est piqueuse de bottines. Elle épouse Charles Rouchy et dc est parfois appelée Victorine Rouchy. Sous le Second Empire, elle adhère à l’Internationale et anime une boulangerie coopérative à Paris.
2/ Image
Elle perd 2 petits garçons en bas âge, dont un pdt le siège de Paris. Elle s’engage alors à fond ds la Commune, sur le front : cantinière, ambulancière, son courage est même cité au Journal Officiel ! (on appréciera la manière dont on la nomme #patriarcaca…)
3/ Image
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