"Ce ne sont pas des chiffres de laboratoires pharmaceutiques ni des chiffres internationaux, ce sont les données nationales françaises", clame Jérôme Salomon.
Le problème est que ces données sont une très grossière mesure de l'efficacité du vaccin. Thread.⤵️
Jérôme Salomon s'appuie sur des travaux de la Drees, qui ne sont ni une étude scientifique ni même un pre-print, mais simplement un travail statistique d'appariement des bases des personnes vaccinées avec celles des cas positifs et des hospitalisations.
Ces chiffres sont très utiles pour faire de la communication, mais ils comportent d'énormes biais, qui ne les rendent pas interprétables en terme d'efficacité du vaccin comme le fait ici Jérôme Salomon.
Plusieurs threads ont bien résumé le problème.
L'épidémiologiste Mahmoud Zureik détaille les différents biais : structure d’âge différente entre vaccinés et non vaccinés, pas de prise en compte des tests antigéniques, moins de tests chez les vaccinés.
La chercheuse Florence Débarre montre qu'en l'absence d'ajustement des données aux différents biais, l'efficacité apparente du vaccin fluctue au cours du temps. Notamment parce que la composition de la population totalement vaccinée évolue.
D'ailleurs, la Drees elle-même déconseille de faire comme Salomon et de tirer des conclusions sur l'efficacité du vaccin sur la seule base de ces données. Elle renvoie aux études de Santé Publique France... sauf qu'aucune n'a été publiée récemment sur l'efficacité avec Delta.
Le principal problème des données de la Drees est qu'elle ne sont pas stratifiées par âge. Ce post de blog explique très bien comment une efficacité apparente du vaccin de 67,5% contre l'hospit à tous âges peut en fait cacher une efficacité de 85/90%.
De la même manière, mais dans l'autre sens, l'absence de prise en compte de l'âge peut surévaluer l'efficacité contre l'infection, notamment parce que les enfants ne sont pas vaccinés.
Exemple : cette étude anglaise qui avait calculé une efficacité du vaccin de 49% contre l'infection (réduit de 2 fois le risque). Pourtant, les données brutes indiquaient que les infections étaient 3 fois moins nombreuses chez les personnes vaccinées.
Pour faire de la communication, les chiffres de la Drees sont parfaits. Pour faire un travail plus sérieux, il faut mener des vraies études d'efficacité du vaccin comme le font excellement les Anglais. Notamment avec des études en échantillon représentatif de la pop (comme ici).
A défaut d'avoir ces études très qualitatives, on peut faire comme les Italiens et estimer l'efficacité vaccinale à partir des données des tests et des hospitalisations. C'est biaisé sans aucun doute, mais nettement moins que les chiffres de la Drees.
Des études sur l'efficacité du vaccin sont absolument nécessaires pour juger d'une éventuelle perte d'efficacité du vaccin contre l'infection au cours du temps, telle qu'observée en Israël et dans une moindre mesure aux US et en UK.
La Haute autorité de Santé demandait dans un avis récent de mettre en place urgemment de telles études, afin d'avoir des bases scientifiques pour prendre une décision sur l'éventuelle utilisation d'une dose de rappel en population générale.
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Comment reconnaît-on un débat scientifique qui se polarise à outrance ? Les fake news proviennent des deux côtés.
Si les fausses infos pro-ivermectine sont légion depuis bien longtemps, on a vu apparaître récemment deux infos douteuses anti-ivermectine aux Etats-Unis.
Premier exemple : cet article publié sur le site d'une chaîne de télévision locale américaine, au titre idéal pour connaître une extraordinaire viralité. "Une étude révèle que l'ivermectine entraîne la stérilisation de 85% des hommes".
La source de cet news sensationnelle ? Une étude publiée en 2011 au Nigéria, sortie opportunément de l'oubli.
L'article aura tellement d'écho que la FDA publiera dans la foulée un communiqué: "L'infertilité chez les hommes n'est pas un effet secondaire connu de l'ivermectine".
Le virologue Christian Drosten estime que le chemin vers un Covid-19 endémique passera par des réinfections naturelles. Si et seulement si une immense majorité de la population est vaccinée, ce qui n'est pas encore le cas.
"Comment je voudrais être immunisé : avec une immunité induite par le vaccin et, ensuite une première infection naturelle, puis une deuxième, puis une troisième. Je sais alors que je bénéficierai d'une immunité durable, comme c'est le cas pour les autres coronavirus."
Drosten estime que l'immunité produite par une infection après la vaccination serait plus robuste et durable que celle produite par une dose booster car c'est une immunité muqueuse. "Le but n'est pas de vacciner encore et encore", assure-t-il.
Confronté à son tour à Delta, la Nouvelle-Zélande commence à exprimer des doutes sur sa stratégie de "Zéro Covid" face aux défis posés par ce variant ultra-contagieux. "Delta soulève de grandes questions auxquelles nous allons devoir faire face".
Chris Hipkins, le ministre en charge de la réponse au Covid: "Il faut moins de 24 heures pour que quelqu'un l'attrape et le transmette à d'autres... Cela ne ressemble à rien de ce que nous avons vu jusqu'à présent dans cette pandémie, et cela change tout".
"Cela signifie que toutes nos protections existantes commencent à sembler moins adéquates et moins solides. Par conséquent, nous examinons de très près ce que nous pouvons faire de plus dans ce domaine. À un moment donné, nous devrons commencer à être plus ouverts à l'avenir."
Au détour d'une réponse, il a cette formule : "C'est la phase suivante de la pandémie, si Beta ou Gamma deviennent plus contagieux ou que Delta développe des mutations d'échappement. Covid-22 pourrait être encore pire que ce que nous vivons actuellement."
Toute la difficulté de sortir d'une stratégie "Zéro Covid" résumée dans ce tweet d'un médecin australien : la modélisation utilisée par le gouv afin de permettre le relâchement des mesures grâce au taux de vaccination (80% des adultes) comprend une évaluation du nombre de décès.
Selon cette modélisation, la levée du "Zéro Covid" pourrait engendrer 57 décès d'enfants de moins de 16 ans les 180 premiers jours.
"57 enterrements d'enfants qui n'avaient aucune chance d'être vaccinés avant les réouvertures, ça fait partie du plan ? Deux classes d'école. Wow."
Si cette modélisation paraît surévaluer le risque (comparé à la France par exemple), les réactions à celle-ci illustrent la difficulté de passer d'une mortalité quasi nulle aux réalités d'une circulation virale non contrôlée, sinon par la vaccination.
Intéressant débat en Australie autour de la sortie du "Zéro Covid". Le gouvernement central a prévu de sortir de cette stratégie à partir du moment où 70% des adultes sont vaccinés, mais de nombreux scientifiques s'opposent à cette feuille de route.
Ce plan est basé sur une modélisation de de l'Institut Doherty, qui estime qu'à partir de 70% de vaccination, des "confinements stricts" deviennent peu probable.