Des femmes enterrées avec des épées ⚔️ ?
Dans un article récemment paru, des chercheurs et chercheuses reviennent sur une tombe finlandaise datée du XIIe-XIIIe siècle. L’analyse ADN permet des conclusions… étonnantes. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
En 1968, des archéologues trouvent une tombe à Suontaka Vesitorninmäki, Hattula, en Finlande. La tombe, datée de 1050-1300, abrite un squelette très dégradé, portant un habit féminin (deux broches ouvragées = mode typique de l'époque), et deux épées elles aussi abîmées
En réalité, seule une de ces épées a été placée dans la tombe. L’autre a été enterrée au-dessus quelques années après : une pratique bien attestée par les sources, liée à des rituels magiques. Ce qui veut dire que la tombe était célèbre à l’époque…
L’analyse des fibres textiles retrouvées dans le sol permet de savoir que le corps était enveloppé dans un manteau de laine teint en bleu, avec de la fourrure (renard et lapin) teinte en pourpre, ce qui est exceptionnel
On a également retrouvé des plumes, qui a priori étaient placées en grande quantité sous le corps. Bref, vous avez compris : le défunt n’était pas une personne lambda, mais quelqu’un de très respecté par sa communauté, qui avait sûrement un statut social élevé.
Bon. Une femme, donc, a priori, enterrée dans un manteau précieux et avec son épée. Une idée qui a dérangé certains chercheurs, qui ont fait l’hypothèse qu’il y avait deux corps enterrés dans la même tombe… mais ça ne marche pas (pas la place)
Le squelette ne se compose que de deux fragments de fémur – et oui, 800 ans dans le sol, ça fait des dégâts. Juste assez pour une analyse ADN, conduite récemment dans un laboratoire allemand
La donnée recherchée était le sexe de l’individu enterré. Et là, surprise : les résultats ne correspondaient ni à un mâle (chromosomes XY) ni à une femelle (chromosomes XX) !
Les chercheurs ont donc affiné leur modèle, fait de nouvelles analyses et concluent (à 99,96% de probabilité - c'est plutôt pas mal...) que l’individu enterré était doté d’un caryotype XXY.
Cette configuration est connue sous le nom de « syndrome de Klinefelter ». Il s’agit d’une anomalie chromosomique assez répandue (1 homme sur 576), qui se manifeste de manières très différentes
Parfois c’est invisible. Parfois, l’anomalie entraîne des transformations physiques : un tout petit pénis, des seins plus développés, une puberté tardive ou absente, une pilosité peu fournie, etc
Parmi les gens célèbres ayant souffert de ce syndrome, on peut citer le roi Charles II d’Espagne ou encore Lili Elbe (une artiste danoise, l’une des premières personnes à transitionner avec une opération chirurgicale)
Les chercheurs qui conduisent l’enquête rappellent avec prudence qu’on ne peut rien déduire à coup sûr de cette analyse ADN. Le sexe n’est pas le genre : la personne enterrée dans cette tombe a pu se définir comme homme, femme ou non-binaire, peu importe ses chromosomes
Néanmoins, c’est très intrigant de noter que cette personne, souffrant de cette anomalie en particulier, est enterrée avec des objets renvoyant à la fois aux univers féminin et masculin. Peut-être que ce mélange s’explique par une apparence physique différente.
Si cette personne a grandi comme un garçon, puis à la puberté a commencé à avoir des seins, pas de barbe, elle a dû être considérée comme inclassable : ni homme ni femme. Dans une société fortement genrée comme l’était la Finlande médiévale, cela a dû interroger.
Et c’est là qu’il est important de rappeler les objets luxueux avec lesquels il/elle est enterrée (fourrure teinte, lit de plumes, etc) : il s’agissait visiblement de quelqu’un de très respecté.
Ce qui entraîne deux hypothèses :
- Soit l’individu a été accepté en dépit de sa non-binarité parce qu’il appartenait déjà à une famille riche/noble
- Soit il a obtenu cette position sociale en raison de sa non-binarité
Impossible de trancher. Les deux hypothèses sont fécondes.
Bref, il est possible que cette personne (je cite et traduis la conclusion de l’article) « ait été acceptée et autorisée à exprimer son identité de genre librement, en en tirant peut-être même un statut relativement élevé dans sa société »
Pour conclure : ces analyses invitent à penser que même dans la Finlande médiévale, les identités genrées pouvaient être assez fluides, et que cela n’entraînait pas toujours un rejet social, au contraire… !
L’article, paru dans European Journal of Archeology en 2021, est accessible ici.
Il est signé par U. Moilanen, T. Kirkinen, N.J. Saarin, A. Rohrlach, J. Krausel, P. Onkamo et E. Salmela. cambridge.org/core/journals/…
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Si je vous dis que c'est un outil incroyablement beau, fascinant, la preuve que le Moyen Âge est aussi une époque de sciences et d'inventions, ça vous donne envie d'en savoir plus ?
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Les volvelles se trouvent dans des manuscrits. Il s'agit d'un instrument fait uniquement de disques de papiers superposés, qui tournent les uns sur les autres ; cela permet de calculer des trucs, notamment astronomiques.
Ici, MS. Ashmole 370, fait vers 1430 en Angleterre.
Ici, la volvelle indique :
- les 8 directions cardinales
- le cycle des 2x 12h
- les mois
- les constellations du zodiaque
- les jours du calendrier grégorien
- les jours du mois lunaire
Combien de temps un ouvrier médiéval travaillait-il, par jour, par semaine, par an ? Comment s'organisait une journée de travail ?
Un document fascinant de la cathédrale de Rouen permet de répondre à ces questions. Un thread ⬇️ !
Ce document a été présenté par P. Lardin lors du colloque de la @shmesp. Il s'agit d'un texte de deux pages, datant de la 2e moitié du XVe siècle, inclus à la fin d'un obituaire et intitulé "la manière et l’ordonnance dont les maçons de Notre-Dame de Rouen doivent travailler"
@shmesp Ce document règle le rythme annuel et hebdomadaire de travail des ouvriers. Sur l'année, le rythme de travail varie selon les saisons, l'année étant découpée en plusieurs périodes autour des grandes fêtes religieuses.
Quel rapport entre l'empereur romain Vespasien, la lèpre et le saint Graal... ? Vers 1200, un auteur nommé Robert de Boron écrit un "Roman de l'Histoire du Graal" expliquant l'origine de ce vase mystérieux. Un thread ⬇️!
Ce texte, connu par plusieurs manuscrits, vient d'être édité en version bilingue par Claude Lachet, chez Champion Classiques @HonoreChampion
@HonoreChampion Le roman s'ouvre avec la Passion du Christ, trahi par Judas et exécuté par les Juifs de Jérusalem. Un homme, Joseph d'Arimathie, ici décrit comme "un bon chevalier", obtient de Ponce Pilate le droit de récupérer le corps du Christ.
Non, ce n'est pas le DOGE de Musk qui parle : c'est ce qu'on lit sur ce document émis par la commune de Bologne en 1382. Les finances de la commune vont mal, et il faut donc couper "les dépenses inutiles"... Sauf que... Un thread ⬇️!
Ce texte, trouvé hier dans les archives de Bologne par l'historienne Catherine Rideau-Kikuchi, stipule qu'il faut diminuer les dépenses mais "sans annuler aucun salarié de la commune de Bologne". C'est le budget français mais sans les suppressions de postes de fonctionnaires...
A l'époque, ces salariés de la commune ne sont pas bien sûr des fonctionnaires, mais sont déjà pensés comme étant au service du "bien public", une notion fondamentale de la pensée médiévale.
Ok, mourir un lundi de Pâques pendant une année de jubilé, c'est pas mal. Mais plusieurs papes du Moyen Âge sont morts de manière assez... étonnante !
Un top 10 en thread, avec un mari jaloux et une mouche psychopathe ⬇️! #PapeFrançois #Rome #popefrancisfuneral
On commence avec Jean XII, pape de 955 à 964. Selon certaines sources, il meurt après avoir été frappé par un mari jaloux qui l'avait surpris au lit avec sa femme... !
Ensuite, voilà Jean XIV, pape pendant un peu mois d'un an entre 983 et 984 : il est jeté en prison par un antipape et meurt dans les cachots du château Saint-Ange, soit de faim (charmant) soit assassiné (pas mieux)...
Un mari jaloux, une femme adultère, et des perroquets... Ce sont les ingrédients d'un conte du Moyen Âge, datant du XIVe siècle.
Je vous le raconte ! Un thread ⬇️
Ce conte est inséré dans un roman, Le Chevalier errant, écrit à la fin du XIVe siècle par Thomas de Saluces.
C'est l'histoire d'une femme "mal mariée", autrement dit mariée à un vieil homme (motif classique des fabliaux). Jaloux, il la fait surveiller par trois "papegaux", ces oiseaux qu'à l'époque on ne nomme pas encore des perroquets...