La FDA a publié les slides du ministère de la Santé israélien, qui tente ainsi de convaincre le monde scientifique de la justesse de sa politique. Un document important pour comprendre la logique de cette campagne de 3e dose - et ses limites.
Israël estime à partir de ses données (publiées hier dans le NEJM) que la dose booster augmente d'un facteur 10 la protection contre l'infection et les formes sévères. Cette campagne a "aidé Israël à atténuer les cas sévères lors de la 4e vague".
En d'autres termes, cela a permis d'éviter un nouveau confinement. Et c'est comme cela qu'il faut comprendre la décision - court-termiste - d'Israël. Agir dans l'urgence face à une situation qui devenait critique dans les hôpitaux.
Israël avait modélisé le nombre de cas sévères, avec et sans booster. La différence est très nette (si tant est, bien sûr, qu'on puisse faire confiance à ces modélisations).
Si on compare aux autres vagues, on voit qu'Israël était proche du niveau de saturation des hôpitaux et donc de déclenchement d'un confinement.
"Si on se vaccine (avec une 3e dose), nous serons en famille à Rosh Ha-Shana (nouvel an juif)", avait déclaré mi-août le PM Bennett.
Israël estime que c'est la troisième dose qui a permis de faire baisser le nombre de cas graves. Alors que les vaccinés représentaient la majorité des cas à l'hôpital (ils sont très largement majoritaires dans la population), ce n'est plus le cas depuis la fin août.
Israël n'a pas brisé totalement la courbe des admissions comme le permet un confinement (puisque les cas graves restent à un très haut niveau chez les non-vaccinés), mais cela a au moins suffi à éviter l'engorgement des hôpitaux.
La troisième dose protège donc du confinement, ce qui en fait peut-être davantage une leçon politique que scientifique. D'où le malentendu avec les scientifiques.
De leur côté, la FDA et un grand nombre de chercheurs considèrent que la dose booster ne s'impose pas car la perte d'immunité contre les formes graves n'est pas évidente. C'était l'objet de cette lettre publiée il y a quelques jours dans The Lancet.
C'est le cœur du débat: y a t-il vrt une baisse significative de l'efficacité contre les formes graves ? Israël se fonde sur ses données observationnelles pour assurer que oui. Si le booster augmente d'un facteur 10 l'immunité chez les +60 ans, c'est bien qu'elle avait décliné.
Mais dans quelle mesure avait-elle décliné ?
Est-ce si grave de passer de 95% à 80% (je prends ces chiffres à titre d'exemple) ? Cela reste un vaccin très efficace !
Sauf que pour un politique confronté à des hôpitaux surchargés, cela fait toute la différence.
Passer de 95% à 80%, cela signifie qu'il y aura, à la suite de la dose booster, 4 fois moins d'entrées à l'hôpital chez les personnes vaccinées. Si, comme en Israël, ces personnes forment la majorité des entrées, le pari politique est payant. Confinement évité.
Une récente étude publiée par les autorités anglaises permet d'y voir un peu plus clair sur la baisse d'immunité contre les formes graves. Elle concernerait visiblement surtout les personnes les plus à risque.
Cela interroge donc sur la stratégie israélienne de vacciner tout le monde, sans distinction. Mais il faut bien comprendre c'était un plan d'urgence, face à une situation particulière.
Est-ce donc applicable au reste du monde ? La question se pose légitimement.
D'autant que les autres pays occidentaux ne seront pas confrontés à la même situation qu'Israël.
En France, quand l'immunité va commencer à chuter en population (sans doute à la fin de l'automne), les plus de 65 ans auront déjà reçu leurs 3e doses.
Israël a eu un raisonnement court-termiste, mais de nombreux scientifiques critiquent la vision à long terme : qu'est ce que cela signifie ? Qu'on va vacciner toute la population tous les 6 mois, en avançant dans l'inconnu ?
Moderna (qui a évidemment des intérêts dans cette histoire) assure que l'immunité sera plus conséquente après la 3e dose qu'à l'issue de la 2e. Une dose booster "pourrait prolonger de manière significative l'immunité tout au long de l'année prochaine", assurent-ils à la FDA.
Voilà le panorama de ce passionnant meeting qui s'annonce à la FDA.
Pour appuyer ses propos, @MeidasTouch publie 4 captures d'écran censées montrer le caractère massif du phénomène. Journalistiquement parlant, ça ne vaut pas grand chose.
Comment reconnaît-on un débat scientifique qui se polarise à outrance ? Les fake news proviennent des deux côtés.
Si les fausses infos pro-ivermectine sont légion depuis bien longtemps, on a vu apparaître récemment deux infos douteuses anti-ivermectine aux Etats-Unis.
Premier exemple : cet article publié sur le site d'une chaîne de télévision locale américaine, au titre idéal pour connaître une extraordinaire viralité. "Une étude révèle que l'ivermectine entraîne la stérilisation de 85% des hommes".
La source de cet news sensationnelle ? Une étude publiée en 2011 au Nigéria, sortie opportunément de l'oubli.
L'article aura tellement d'écho que la FDA publiera dans la foulée un communiqué: "L'infertilité chez les hommes n'est pas un effet secondaire connu de l'ivermectine".
Le virologue Christian Drosten estime que le chemin vers un Covid-19 endémique passera par des réinfections naturelles. Si et seulement si une immense majorité de la population est vaccinée, ce qui n'est pas encore le cas.
"Comment je voudrais être immunisé : avec une immunité induite par le vaccin et, ensuite une première infection naturelle, puis une deuxième, puis une troisième. Je sais alors que je bénéficierai d'une immunité durable, comme c'est le cas pour les autres coronavirus."
Drosten estime que l'immunité produite par une infection après la vaccination serait plus robuste et durable que celle produite par une dose booster car c'est une immunité muqueuse. "Le but n'est pas de vacciner encore et encore", assure-t-il.
Confronté à son tour à Delta, la Nouvelle-Zélande commence à exprimer des doutes sur sa stratégie de "Zéro Covid" face aux défis posés par ce variant ultra-contagieux. "Delta soulève de grandes questions auxquelles nous allons devoir faire face".
Chris Hipkins, le ministre en charge de la réponse au Covid: "Il faut moins de 24 heures pour que quelqu'un l'attrape et le transmette à d'autres... Cela ne ressemble à rien de ce que nous avons vu jusqu'à présent dans cette pandémie, et cela change tout".
"Cela signifie que toutes nos protections existantes commencent à sembler moins adéquates et moins solides. Par conséquent, nous examinons de très près ce que nous pouvons faire de plus dans ce domaine. À un moment donné, nous devrons commencer à être plus ouverts à l'avenir."
Au détour d'une réponse, il a cette formule : "C'est la phase suivante de la pandémie, si Beta ou Gamma deviennent plus contagieux ou que Delta développe des mutations d'échappement. Covid-22 pourrait être encore pire que ce que nous vivons actuellement."
Toute la difficulté de sortir d'une stratégie "Zéro Covid" résumée dans ce tweet d'un médecin australien : la modélisation utilisée par le gouv afin de permettre le relâchement des mesures grâce au taux de vaccination (80% des adultes) comprend une évaluation du nombre de décès.
Selon cette modélisation, la levée du "Zéro Covid" pourrait engendrer 57 décès d'enfants de moins de 16 ans les 180 premiers jours.
"57 enterrements d'enfants qui n'avaient aucune chance d'être vaccinés avant les réouvertures, ça fait partie du plan ? Deux classes d'école. Wow."
Si cette modélisation paraît surévaluer le risque (comparé à la France par exemple), les réactions à celle-ci illustrent la difficulté de passer d'une mortalité quasi nulle aux réalités d'une circulation virale non contrôlée, sinon par la vaccination.