De retour à la cour d'assises spécialement composée pour le procès du #13Novembre2015. Cette 3e journée consacrée aux auditions des parties civiles est dévolue aux fusillades des terrasses. @20Minutes
En attendant que l'audience reprenne, théoriquement à 12h30, souvent vers 12h45-13h, je vous conseille de relire ce papier de ma collègue @helenesergent consacré aux victimes oubliées du Stade de France. 20minutes.fr/justice/313526…
Alice est la première à s'avancer à la barre. Elle avait 23 ans en novembre 2015. Elle a de longs cheveux noirs, une voix douce et des yeux verts immenses.
Elle avait rdv avec son frère, Aristide, rugbyman, au Petit Cambodge. Mais ce soir-là c'est plein. Ils sont dans la rue avec trois amis. "Dans les rues de Paris, il fait bon, c’était la joie", raconte cette artiste de cirque professionnelle, voltigeuse.
Elle croit d'abord à des pétards. Son frère, lui, comprends tout de suite et la plaque au sol. "Le temps que je tourne la tête pr voir ce qu’il se passait, lui avait déjà vu et réagi." Il met son corps sur le sien pour la protéger, prends deux balles. #13Novembre2015
« Mon frère Aristide a mis son corps pour me protéger des balles. » Elle a été blessée au bras, a subi 5 opérat°. « J’ai fait 2 ans de centre de rééduc, je suis aujourd’hui handicapée. Je me bats pour continuer dans ce métier, c’est mon souhait, continuer à faire rêver les gens »
Elle est toujours artiste de cirque professionnelle mais a dû entièrement repenser sa technique puisqu'elle ne peux plus prendre appui sur son bras. #13Novembre
"Aristide et moi on s’est battu pour garder de l’amour et de la joie de la vie. On se bat à chaque instant pour que cet épisode ne grignote pas toute notre vie. Evidemment il est là, évidemment, on est plus pareil, évidmt on a des cicatrices." #13Novembre2015
On entend maintenant son frère, Aristide, les cheveux bruns frisés, les traits aussi fins que sa sœur. « Les jours autour du 13 novembre ont été magnifiques puisque j’étais avec ma soeur », entame-t-il. #13Novembre2015
"J’étais n°10, j’avais une bonne vision, des bons réflexes, c’était mon travail. J’ai eu la chance d’avoir ces capacités d’analyse", analyse cet ancien rugbyman professionnel, il jouait en Italie. #13Novembre2015
Il voit une voiture s'arrêter et un homme sortir. "Il ressemblait énormément à un ami à moi mais il avait une kalachnikov dans les mains. J’ai réagi", explique-t-il d'une voix douce. Il sera blessé de 3 balles, une dans la poitrine, une dans la cuisse, une dans la cheville
Il sera opéré 5 fois en plusieurs mois. Du cœur, du poumons, il a cinq côtes en titane. De la jambe. Il essaye pendant 1 an 1/2 de redevenir rugbyman pro.
« Je ne voulais pas accepter ce qu’il se passait pas. »
#13Novembre2015
En mars 2017, il prend la décision d'arrêter le rugby, après 3 jours de fièvre après un entraînement trop intense. « Ma vie était devenue une montagne de douleur psychique et physique. » Il est aujourd'hui artiste vidéaste
"Je ne ressens aucun besoin de justice individuelle, explique-t-il. J’ai pris cet évt comme une étape à franchir, une marche à passer" Il raconte avoir beaucoup d'espoir dans le procès mais n'en vouloir à personne.
"J’ai choisi de mettre mon énergie pour savoir ce que je pouvais faire", confie Aristide. Lui comme sa sœur raconte leur combat pour rester du côté de la vie, de l'espoir, de l'avenir. Dans leur témoignage, ils se décrivent tous les deux comme chanceux.
On entend maintenant Yann. "J’allais fêter mes 40 ans le 14 novembre 2015 et je rechignais un peu à le faire", entame-t-il. La veille avec une amie et son frère, il va au Petit Cambodge "ma cantine". Sa compagne est en retard.
"Je me souviens avoir entendu une voiture pillée, des pneus crissent. Des cris de stupéfactions. Et des rafales qui tirent (il fait claquer ses doigts)." Il se couche au sol. "En me couchant je me dis que je devais avoir l'air un peu idiot de me coucher dans un resto."
"J’ai été paralysé par la peur. Une sorte de stupéfaction." Il raconte son incompréhension de la situation. Il pense à des pétards, puis à des grenades. Il évoque le sentiment d'être ds une sorte de rêverie. Jusqu'aux cris de sa meilleure amie, grièvement blessée à la jambe.
"Je ne m’étais pas rendu compte que j’avais été touché par des balles. j’avais 3 impacts." Son frère était aussi blessé à l'épaule. Ils n'arrivent pas à joindre les secours, c'est déjà saturé. #13novembre2015
Yann raconte la nuit aux urgences. « Je voyais des gens blessés de partt. Parfois gris, tellement ils avaient perdu de sang. » Il parle avec d’autres blessés. « J’ai compris que ce n’étais pas mon restaurant, ms un autre. » #13Novembre2015
Un autre blessé lui parle alors du Bataclan. « J’ai compris qu’il y avait une chose plus grave encore », confie-t-il. #13Novembre2015
"Y a tellement de gens qui ont été touchés. Et tout ca pour quoi ? Il se tourne longuement vers le box, les accusés sont impassible. Je suis pas dans la haine non plus. Pour moi il y a bcp d’endoctrinement."
"Et puis j’ai pas envie de vivre dans la haine parce que ca accroche. Et excusez moi messieurs mais j’ai pas envie de vivre avec vous dans ma tête." #13Novembre2015
Je vous remercie pour ce procès, je sais pas ce que j’en attends. Une certaine justice, mais par rapport à ce qu’il s’est passé, y a bcp de choses qui peuvent pas revenir en arrière. (...) Ce procès nous permet d’objectiver ce qui a pu se passer. " #13Novembre2015
On entend maintenant une jeune brésilienne de 35 ans. Elle était en échange universitaire en France en 2015, au Petit Cambodge le 13 novembre. Elle a été blessée de trois balles, dans la jambe et la main. Elle a passé 3 mois à l'hôpital, une trentaine de chirurgie.
Elle est devenue psychologue. "J’avais peur de ne jamais pouvoir écouter de la souffrance, de la violence", explique-t-elle à la barre. Elle a finalement pu ouvrir son cabinet au Brésil.
"J’ai réussi à apprendre à vivre avec mon handicap", explique-t-elle. Comme toutes les autres parties civiles depuis le début d'après-midi, elle est marquante par sa résilience. Elle raconte aimer toujours autant la France.
C'est au tour d'Amanda de témoigner. Elle aussi est brésilienne et était en master. Elle était arrivée 3 semaines auparavant. La jeune femme aux traits fins, cheveux mi-long, bouclés, était à la même table que Camila, avec d'autres amis brésiliens. #13Novembre2015
Amanda: "Je suis qq1 de très attentif à ce qu’il se passe autour de moi, avec une personnalité très réactive. J’ai entendu des bruits avec des cris (…) j’ai jamais pensé que c’était qqch de normal. Tout de suite mon corps a réagi." Elle pleure.
"Je suis devenue une bête irrationnelle... A aucun moment j’ai pensé à aider mes amis, j’ai réagi. (…) Je n’ai posé aucune question, j’étais déjà par terre. Je me souviens des plats qui s’envolaient, des chaises… J’ai rampé à l’intérieur du resto. J’ai pensé à me protéger."
Elle ressort du resto, se rend compte que Camila était blessée. "C’était elle, la blessée, qui me calmait, elle me faisait regagner ma sérénité. J’ai compris qu’il fallait que je reste à côté d’elle." Camila lui demande si elle va mourir. "J'ai dit non, mais je ne savais pas. "
Amanda raconte la solidarité entre les victimes, et leur impuissance aussi. « Personne ne savait quoi faire mais c’est comme si tout le monde était là les uns pour les autres. » #13Novembre2015
On entend maintenant Aminata. Elle était dans la voiture de sa sœur avec son fils, devant les terrasses du Carillon et du Petit Cambodge quand la fusillade a commencé. #13Novembre2015
Elle pense au début à un règlement de compte, quand elle voit les hommes armés sortir de tirer sur les fusillades. Ils tirent à de multiples reprises sur la voiture. #13Novembre2015
Dans la voiture, le fils de 1 an de la témoin se met à crier. Sa tante, Asta, qui s'occupait beaucoup de lui, se tourne pour le rassurer. En faisant ce geste, elle est mortellement touchée. «Elle s’est sacrifiée pour lui. Elle a posé sa main sur lui pour le rassurer, le calmer.»
Elle a des impacts de balle au niveau du cou et de la tête. Elle a été opérée. Son fils a eu des éclats de verre dans l'oreille. Elle parle très vite, s'interrompt parfois quelques secondes. Son témoignage est très touchant. Elle raconte l'absence et la reconstruction familiale.
"C’est difficile pour tout le monde mais on essaye d’avancer, de rester forte." Elle raconte être très entourée, c'est ce qui l'a aidé. "Une psychothérapie familiale", résume le président, Jean-Louis Périès.
Elle évoque le traumatisme de son petit garçon, qui avait 1 an à l'époque. "Il va entendre la sonnerie à l’école, il panique. Il entend une chaise qui tombe, il panique. Dans la rue, on peut entendre un bruit de moto, il est paniqué." #13Novembre2015
"A la maison, quand l’interphone sonne, il est perdu, il court dans tous les sens. Ensuite, il ressent et ca va mieux. Des petits bruits tout bête, il est paralysé. Il voit un psychologue depuis ses 2 ans et demi, une psychomotriciene. Mais ca va, il est bien entouré."
Abdeslam se lève pour prendre la parole. "Les victimes se sont exprimées à l’instant se sont revendiquées de l’islam, mais je sais ce que je vais dire ne va pas plaire à tout le monde. Nous visons les mécréants, si nous avons touché des musulmans ce n’était pas notre intention."
Abddeslam: "J’entends bien que ces personnes souffrent, je ne doute pas que ce sont des bonnes personnes. Mais chez nous aussi des musulmans ont été touchées en Irak et en Syrie. Des gens qui se rendaient à la boulangerie, chez le voisin, par des frappes de la coalition."
Abdeslam: "Nous on a pas touché les musulmans, si votre sœur elle était musulmane et qu’elle est décédée c’était un accident." Le président s'énerve et met fin à la prise de parole.
On entend maintenant Yolande, la mère de Charlotte et Emilie, des jumelles tuées au Carillon. On projette des photos d'elles, elles allaient avoir 30 ans et préparaient activement cet anniversaire. #13Novembre2015
"Sans espoir de s’en échapper de ses tirs, elles sont tombées toutes les deux. Toutes les deux. En même temps", lit la mère des jumelles. Ce soir-là, elle regardait la télé qd un ami l'a prévenu des attentats. Les téléphones sonnent dans le vide.
"Toute la nuit, une angoisse terrible. (…) Le lendemain matin, aidé par des proches, on a poursuivi notre quête, toute la journée. Je me disais qu’elles sont peut-être dans un hôpital, inconscientes." Elle raconte l'angoisse qui grandit, l'espoir qui s'amenuise #13Novembre2015
Vers 21 heures, Yolande, la mère des jumelles tuées au Carillon, appelle un numéro. « On m’a dit, vous êtes bien assise. On a appris la nouvelle. Morte. Décédée. C’est fini. Le mot était prononcé. Toutes les deux. » #13Novembre2015
Elle poursuit: "Je crois que sur le moment j’ai hurlé. Je sais pas vraiment. Tout s’écroule. Perdre ses deux filles en même temps. C’était fini." #13Novembre2015
"J’ai quand même conscience dans le procès. Je ne sais pas si ca répondra à toutes les questions, pourquoi, pourquoi. Mais pour tous ces morts, ces blessés."
Yassine Attar s'est levé dans le box. Lui aussi veut prendre la parole. Il a la voix serré, il veut faire part de sa compassion aux victimes, explique avoir été très touché par le témoignage de Maya, hier.
Yassine Atar: "Je prends la parole pour une fois de plus témoigner et condamner toutes les atrocités et dire aux victimes que je leur demande de me permettre de leur faire part de ma plus grande compassion. "
L'audience est suspendue 30 minutes.
L'audience est reprise. A la barre, Claude, qui se trouvait à la Bonne Bière, le soir du #13novembre 2015. Il avait 57 ans au moment des faits et dirigeait une association.
Il explique, ému, avoir hésité à se constituer PC, à témoigner, estimant que ce serait "inutile". Il a changé d'avis par solidarité avec toutes les personnes tuées, blessées. "Ne pas être avec elles était égoïste et odieux. Avec toutes ces personnes, on a des destins liés."
Il rencontre vers la place de la République, un Américain, Chris et lui propose d'aller boire un verre dans ce café qu'il connait vaguement. Ils se mettent en extérieur, se ravisent, vont à l'intérieur.
Claude: "Avant de commander, les tirs éclatent. J'ai rien vu. J'ai entendu les tirs, les cris, le bruit du verre qui se brise." Il pense immédiatement à un attentat. #13Novembre2015
Claude est blessé à la jambe mais ne comprends pas tout de suite. « J’ai compris que c’était le sang qui mouillait mon pantalon ». Selon les témoins, il a crié à plusieurs reprises, « je veux vivre »
Claude: « J’ai senti que toutes mes forces m’abandonnaient. J’ai vu la mort. J’ai pas eu peur, j’étais révolté. » Les secours s'occupent très rapidement de lui. Il est très ému. "J'ai tout de suite compris que mes constantes n'étaient pas bonnes." #13Novembre2015
Il apprend à l'hôpital qu'une première balle a "brûlé son intestin". Les opérations qui se succèdent, la bienveillance du personnel soignant mais également les manquements. Il a fait une embolie pulmonaire qui n'a été détectée que très tardivement, grâce à une amie.
Claude se tourne vers le box et s'adresse aux accusés. « Sans haine. » « J’ai vu que certains d’entre vous, notamment vous M. Abdeslam, vouliez dialoguer", entame le quinquagénaire.
Claude aux accusés: "De mon côté, et malgré tout ce que j’ai pu endurer, je vous considère d’abord comme des êtres humains. Vous avez une tête, un coeur des émotions. Je me suis souvent demandé ce qu’il se passe dans une tête pour qu’un jour on décide de tuer ?"
Claude aux accusés: "Je me suis demandé ce que vous, vous a animé. Vos justifications elles sont tardives, elles sont censées vous protéger. Je me dis, est-ce que vous y croyez vous même ? Est-ce qu’un jour vous allez sortir des mots, et nous dire ce qui s’est passé. "
Claude aux accusés: J’ai lu que vous n’avez rien contre nous, qu’il n’y avait rien de personnel, mais si bien sûr. (..) On n’est pas des numéros et vous n’êtes pas des robots. Vous ne pouvez pas faire comme si on existait pas. "
Claude aux accusés: "Vous dites que vous vs venger de ce qui s’est passer en Syrie, en Irak, comment vous avez pu penser que la mort de centaines de pers, ici pouvait compenser la mort de centaines de personnes là-bas?"
Claude aux accusés: "Si vous êtes prêts à dialoguer, et à regretter, moi je suis prêt à pardonner. Mais un pardon il faut le demander. C’est une démarche assez exigeante, qui demande à vous et à moi, un sacré bout de chemin."
Claude aux accusés: Leur propose d’aller leur parler en prison. « Encore faut-il que vous le vouliez et que vous ayez le courage d’être des hommes. » Il pleure. C'est très fort.
On entend maintenant le gérant de la Belle Equipe, Grégory Beibenberg. Il a perdu sa compagne ce soir-là mais également beaucoup d'amis. "J'espère que ce qui se joue ici va nous aider à vivre mieux."
« Ce soir-là chez moi, 21 personnes sont mortes chez moi, assassinées.(…) Dix faisaient partie de ma vie depuis des mois ou des années. » Il parle de sa femme Djamila, « une femme extraordinaire. J’ai perdu une compagne, la mère de mes enfants. »
Grégory Reibenberg: « Pour eux, je n’ai qu’indifférence. Je souhaiterais qu’on oublie leur noms et leurs visages. C’est le noms et le visages de nos morts qui devraient envahir nos écrans. »
Ce live tweet va s'interrompre pour cause d'article à écrire. A retrouver ce soir sur @20Minutes

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