Elle était un peu désagréable cette rentrée, non ? Un peu morose, un peu anxiogène aussi. Quand soudain, Président et Garde-des-Sceaux ont décidé d’y mettre leur grain de sable et on a plus trop su s’il fallait rire ou pleurer. Florilège de cette rentrée. 1/ #RentréeJudiciaire
(Pardon ça va être un peu long).
14 septembre, commençons l’année avec une bonne dose de démagogie. Ça ne coute rien mais ça fait toujours plaisir. 2/ #RentréeJudiciaire
Devant une assemblée de policiers, pour la clôture du Beauvau de la Sécurité, le Président de la République annonçait fièrement que « le formalisme, la lourdeur des procédures est l'ennemi commun de nos forces de sécurité et nos magistrats ». Ah. Okay. Bon. 3/ #RentréeJudiciaire
Ça marche bien comme formule. C’est super. Les piles de papiers, ça se visualise bien, personne n'aime trop faire ses papiers, ça a l'air compliqué toute cette histoire, alors que supprimer le papier c’est facile, rapide, efficace. 4/ #RentréeJudiciaire
Il faut simplifier, toujours simplifier qu’il a dit le Monsieur. Je ne sais pas comment ça peut encore être compliqué alors que ça fait pourtant 10 ans qu’ils simplifient tous (et tout). Mais ils devaient pas être doués jusque là. 🤷 5/ #RentréeJudiciaire
Ou alors, ça fait 20 ans que tous les responsables politiques refusent obstinément d’adapter la formation, les moyens et le nombre de personnels aux besoins réels des institutions judiciaire ou policière. C’est moins cher de dire qu’il faut moins de papier. 6/ #RentréeJudiciaire
Pire encore, sur le fond, le Président de la République, garant de l’indépendance judiciaire et par extension – vaguement – de l’Etat de droit, fait mine d’ignorer que la procédure n’est l’ennemie de personne, mais une garantie pour chaque citoyen. 7/ #RentréeJudiciaire
C’est plus simple lorsqu’il n’y a pas d’avocat, quand on enregistre pas les auditions, quand on a pas besoin de témoins pour une perquisition, quand on a pas besoin de signature au bas d’un PV, quand on a pas besoin d’interprète, ... 8/ #RentréeJudiciaire
C’est plus simple, mais c’est ce qui fait la différence entre l’arbitraire et la justice. Une paille. 9/ #RentréeJudiciaire
Poursuivons notre inventaire.
14 septembre toujours. Grosse journée. Arrive le temps des propositions. On va pas rester là à se croiser les petits bras musclés. 10/ #RentréeJudiciaire
On est jamais que mi-septembre, mais le Président a une solution pour résoudre le malaise de la police, la misère de la Justice, les délais de procédure et tout le reste : il va réécrire le code de procédure pénale. Brillant. 11/ #RentréeJudiciaire
En 2021, pas moins de six lois portant modification du code de procédure pénale ont été adoptées, parfois sans la moindre considération pour l’effet que les précédentes (et récentes) réformes sur les mêmes sujets avaient pu avoir. 12/ #RentréeJudiciaire
En 2020, c’était au moins sept lois pénales qui ont été adoptées au cours de l’année (sans parler du fait qu’au moins deux d’entre elles ont été quasi intégralement censurées par le Conseil constitutionnel). 13/ #RentréeJudiciaire
En 2019, au milieu de six autres lois pénales, le Parlement avait adopté la « loi programmation Justice pour 2018-2022 ». On ne l’avait pas encore intégrée que douze autres entraient successivement en vigueur. On pourrait commencer par-là, pour simplifier.🤷♀️14/ #RentréeJudiciaire
Allez. Quelques jours de répit et on y retourne.
24 septembre. Attention Mesdames et Messieurs, c’est important, le spectacle va commencer. La Justice du XXIème siècle, c’est l’innovation, la star up nation. 15/ #RentréeJudiciaire
Le Ministre annonce l’expérimentation du casque de réalité virtuelle pour les auteurs de violences conjugales. Alors, c’est peut être super, je n’en sais rien.
Si on le retourne le casque, peut être qu’il peut servir de seau pour ramasser l’eau de pluie ? 16/ #RentréeJudiciaire
26 septembre, les choses s’accélèrent.
Trop d’idées. Place à l’entourloupe sémantique. Une passion française : tout changer pour que rien ne change. 17/ #RentréeJudiciaire
Il aura fallu près de cinq mois au Gouvernement pour trouver une solution à la suppression annoncée par Jean Castex (devant les forces de l’ordre) du rappel à la loi.
Encore une excellente solution à un problème qui n’existait pas. 18/ #RentréeJudiciaire
Ce bon vieux rappel à la loi, alternative aux poursuites, disparait non pas parce qu’il représente une réponse inadaptée mais parce qu’il était « mal perçu par les forces de l’ordre et nos élus ». Une excellente raison de réformer, sans doute. 19/ #RentréeJudiciaire
Le rappel à la loi est mort. Vive l’avertissement solennel. Les plus bienveillants d’entre nous (d’entre vous, amis parquetiers, faut bien avouer) auront beau chercher des avantages à ce nouvel outil, soyons honnête, c’est de la communication politique. 20/ #RentréeJudiciaire
Pire encore, en prévoyant une période dite « probatoire », de « surveillance », le politique renvoi au magistrat qui aura pris la décision la responsabilité d’un nouveau passage à l’acte sans lui fournir aucun moyen supplémentaire. Il va surveiller comment ? 21/#RentréeJudiciaire
Et puis l'apothéose.
5 octobre. Dans une interview de notre Garde-des-sceaux émouvante de sincérité, on est soudain rentré dans l’dur : les chiffres. Attention, là ça devient technique. 22/ #RentréeJudiciaire
Heureusement, il y a un budget historique, et heureusement on a appris que la France n’était « pas loin du bon chiffre », l’équilibre en nombre de professionnels de Justice.
Plus, ce serait superflu, vraiment.
Ils s’ennuieraient en juridiction. 23/ #RentréeJudiciaire
Je ne comprends plus rien moi. De quoi se plaignent-ils alors tous ces greffiers et tous ces magistrats, tous ces éducs et tous ces conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ? 24/ #RentréeJudiciaire
Je ne comprends pas. Partout les jugements mettent des mois à être notifiés, les délibérés sont sans cesse prorogés, les services peinent à audiencer, les enquêtes préliminaires n’avancent pas, les dossiers s’oublient sous des piles… 25/ #RentréeJudiciaire
Je ne comprends pas. Il faut des mois pour avoir une place en semi-liberté, les décisions de placement des mineurs en danger ne sont pas exécutées parce que les services partenaires au pénal comme chez les mineurs sont exsangues. 26/ #RentréeJudiciaire
Alors peut être que c’est la faute à la grève des avocats et au covid. Je sais pas moi. Mais ça m’étonnerait comme ces difficultés existaient avant la réforme des retraites, et avant la pandémie.
On a le dos large, le virus et nous, mais quand même. 27/ #RentréeJudiciaire
Alors je ne comprends pas. Si on a atteint « le bon chiffre » de juges et de greffiers, c’est soit qu’ils n’en branlent vraiment pas une tous ces feignants (pas impossible hein, on sait pas…) soit que les chiffres sont biaisés. 28/ #RentréeJudiciaire
Un petit tour chez nos voisins permet quand même de constater qu’on a moitié moins de juges que la moyenne européenne (10,9 juges en Fr. contre 21,4 en Europe / 100 000 hbts), et quatre fois moins de procureurs (3 parquetiers en Fr. contre 12 en Europe). 29/ #RentréeJudiciaire
Quant au budget, puisque le notre est historique, notons tout de même que les pays d’Europe comparables à la France allouent 84,13 euros par habitant et 0,32% de leur PIB à la Justice, contre 69,51 euros soit 0,20% du PIB en France. 30/ #RentréeJudiciaire actu-juridique.fr/justice/rappor…
Alors je sais, « on peut discuter de tous sauf des chiffres », mais en fait on va discuter d’un chiffre celui de ce fameux « bon chiffre » de postes nécessaires pour rendre une bonne Justice dans des conditions de travail satisfaisantes pour toutes et tous. 31/ #RentréeJudiciaire
Qui décide qu’il faut plutôt dix ou plutôt deux magistrats pour traiter le contentieux des affaires familiales, de la route, des mineurs, des étrangers et des stupéfiants dans le même tribunal ?
Il n’existe aucun outil qui permet d’évaluer les besoins d’une juridiction, et en creux de faire apparaitre les manques d’effectifs, aucun outil pour savoir s’il faut un ou trois magistrats. Vous ne me croyez pas ? 33/ #RentréeJudiciaire
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la @Courdescomptes qui constate que faute d’outil pr mesurer l’activité des juridictions et apprécier ls besoins, la juste répartition ou revendication de moyens est impossible.
Alors qui décide ? Le DSJ qui, chaque année, gère la pénurie en mettant quelques pansements sur des fractures ouvertes.
Si tu décides qu’il faut 2 magistrats dans un parquet où, justement, ils sont 2, et bah c’est super, t’es à l’équilibre. Félicitations.👏 35/#RentréeJudiciaire
Mais alors, si les besoins ne sont pas évalués, comment peut-on dire que « le bon chiffre » est atteint ?
Et bien on ne peut pas ma bonne dame ! Sauf à exercer cet art bien connu des gens qui se disent aux responsabilités, celui de la « pensée magique ». 36/ #RentréeJudiciaire
Alors les greffiers, c’pas pareil. Il y a un outil qui attribue à chaque tache un minutage, et qui oublie de compter le temps passé à répondre au téléphone, aux avocats, aux magistrats, à retrouver la procédure égarée, à attendre que le logiciel démarre… 37/ #RentréeJudiciaire
Mais interdit de se plaindre les greffiers, puisque l’Etat leur a fourni tout un tas de sucres rapides, de contractuels peu formés, mais mieux payés qu’eux, sans responsabilité, sans moyens matériels, parfois sans place physique dans le service. 38/ #RentréeJudiciaire
Ces renforts qui vont aider, mais ne pallieront jamais le déficit chronique de professionnels.
La dégradation des conditions de travail d'un seul maillon de la chaine, c'est la dégradation des conditions de travail de tous, et au bout de la Justice rendue. 39/ #RentréeJudiciaire
A six mois de l’élection présidentielle, on ne sait plus trop s’il faut rire ou pleurer. 40/40 #RentréeJudiciaire
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Donc. Le 10 octobre 1981, par la publication de la loi portée par Robert Badinter et souhaitée par François Mitterrand, la peine de mort est abolie en France au terme de débats animés et contre une opinion publique majoritairement favorable à la peine capitale. 2/ #Perpétuité
L’article 1 de la loi proclamait l’abolition, et l’article 3 érigeait, en remplacement, la perpétuité comme peine la plus grave que pouvaient prononcer les Cour d’assises de France. 3/#Perpétuité
France Inter. 8 janvier 2019. Ça raconte n’importe quoi sur l’application des peines et les journalistes qui n’y comprennent rien ne contredisent jms.
Non, il est faux de dire qu’une peine de 3, 4 ou 6 mois n’est pas EXECUTEE lorsque le condamné ne va pas en prison. #interactive
Chers @ndemorand et @LeaSalame, je ss désolée d’avoir dit un peu brutalement que vs n’y « compreniez rien », ce n’était pas une injure (moi par exemple je ne comprends rien à l’économie, je ne sais tjrs pas ce qu’est le PIB).
Alors je vs en prie, écoutez moi une seconde. #Peines
Juste une seconde parce que le sujet de l’éxecution des peines est récurent, que vous ne parvenez jamais à y répondre parce que vous avez les mêmes idées reçues que vos invités sur le sujet.
Comme plein de copains, d’anciens du @GenepiFrance, je suis restée prudente et relativement silencieuse sur la tempête que traverse l’association à laquelle j’ai appartenu pdt près de quatre ans pendant mes études, au sein de laquelle je me suis engagée et j'ai grandi. 1/ #Genepi
Et puis, ce matin, j’ai lu une connerie de trop. Alors, allons-y, discutons un peu de ce qu’était et de ce qu'est le Genepi. 2/#Genepi
Le Genepi s’inscrit dans une longue histoire du décloisonnement des établissements pénitentiaire qui commence avec mai 1968, entre une crise pénitentiaire, l’incarcération de militants et une initiative d’intellectuels. 3/#Genepi