Bonjour à toutes et tous, je suis de retour au procès des attentats du #13Novembre pour la sixième semaine d'audience ⤵️
L'audience vient de reprendre. Aujourd'hui, la cour va poursuivre les auditions des parties civiles du #Bataclan.
Maureen, 34 ans, est la première à s'avancer à la barre. Elle était au Bataclan, le soir du #13novembre2015 avec son mari et une amie.
Ils se placent devant le bar, "pas très loin de la sortie, près des toilettes". "Quand le concert a commencé, après quelques chansons, il y a eu ce bruit" que Maureen n'a pas immédiatement identifié.
"Je ne comprends pas (...) j'essaye de me tourner vers la source du bruit", poursuit Maureen. Son mari la regarde
"avec des yeux qui ne laissent pas trop douter" et lui dit de se mettre "au sol" et de "faire la morte".
Maureen raconte qu'elle pense alors à sa fille, qui est avec sa mère : "Surement qu'elle va lui dire que ses parents ne rentreront pas à la maison...Je pense à sa vie, après, le lendemain, les jours d'après, si on n'est pas là."
Maureen parvient à sortir de la salle, mais "je ne vois plus mon mari, je ne le sens plus, il est toujours à l'intérieur". Elle aura des nouvelles de lui quelques heures plus tard, et tous deux rentreront avec leur amie.
Au delà de ses angoisses après l'attaque, Maureen décrit aussi celles de sa petite fille. "Elle se mettait à regarder bizarrement les gens dans la rue", rapporte cette mère qui ne voulait pas que son enfant "grandisse avec cette peur"
Après les attentats, Maureen poste un message sur les réseaux sociaux pour essayer de "réunir les victimes" afin qu'elles puissent "se retrouver, se soutenir".
Son message sera à l'origine de la création de @lifeforparis, une association dans laquelle elle s'est "totalement investie pendant un an". Jusqu'au jour où son "corps a lâché".
A la barre, d'une petite voix, Maureen décrit son mariage qui a "craqué", sa "vie professionnelle chaotique". "Après un événement comme ça, c'est comme si une partie de l'identité se fracturait", raconte-t-elle.
Richard, 43 ans au moment des attentats du #13novembre, a été blessé à la jambe au Bataclan. Couché dans la fosse, il ne pouvait plus bouger. "La douleur irradiait ma jambe et je ne pouvais plus rien faire."
Richard décrit une scène "irréelle", le "sang partout", les "plaies béantes". Et surtout "cette odeur", de sang et de poudre. "C'est l'odeur de la mort, qu'on ne connaît pas et qu'on ne souhaite jamais connaître."
"Je n'avais plus aucune emprise sur ma vie", poursuit Richard. Je me suis dis que je ne sortirai jamais vivant de cette salle.""Le seul sentiment qui m'a parcouru c'était le regret de ne pas avoir dit aurevoir à ma femme et mes filles."
Ce soir-là, Richard était au Bataclan avec trois amis : Laurent, Stéphane et Frédéric. Ces deux derniers ont été tués dans l'attaque. Aujourd'hui, Richard se sent "coupable d'être revenu" sans eux.
Au bord des larmes, Richard évoque aussi "la culpabilité" vis-à-vis de sa femme "pour lui avoir fait subir des sautes d'humeur", mais aussi vis-à-vis de l'une de ses filles qui lui demande chaque jour "si elle [le] reverra ce soir".
Richard a subi plusieurs opérations de la jambe. "Il faut apprendre à vivre comme ça. En effet, c'est plus une vie, c'est une survie. Elle est compliquée à assumer", souffle-t-il.
C'est désormais Tom, jeune homme aux bras tatoués et t-shirt noir, qui s'exprime à la barre. Habitué des concerts, il était au #Bataclan avec son ami Arthur.
Tom raconte qu'un des terroristes le vise avec son arme. "A ce moment-là, je me dis que c'est perdu". "Je pense à mes proches, à ce que je n'ai pas fait dans ma vie", et se souvient également d'un sentiment de "colère énorme".
L'assaillant "tire une petite rafale" mais "avec le mouvement de recul" de l'arme, il tire en diagonale et les balles touchent un homme derrière Tom. Le jeune homme n'est lui pas atteint et fait "le mort".
Tom raconte ensuite comment il parvient à s'enfuir du #Bataclan avec son ami Arthur, "complètement sonné". Ils empruntent "la petite sortie" au niveau des toilettes, mais "les gens se bloquent pour essayer de sortir".
Après les attentats, "je suis tombé dans l'alcool, la drogue, les médicaments", témoigne Tom. "J'ai mis beaucoup de temps à m'en sortir. J'ai encore beaucoup de démons", poursuit-il.
"Aujourd'hui, j'ai du mal à situer ce qu'il s'est passé pendant six ans", relate Tom. "J'ai pas mal changé. Moi qui étais extrêmement sociable, je fais de l'hypertension, j'ai peur des foules, émotionnellement je suis instable..."
"J'ai perdu beaucoup d'amis, j'en ai perdu beaucoup, je m'excuse, raconte Tom, la voix tremblante. "Mais je savais pas comment gérer ça". "J'ai fait deux tentatives de suicide parce que je n'arrivais pas à me regarder en face."
"Aujourd'hui, j'essaye de ne plus boire, de ne plus consommer de drogue (...) mais c'est encore compliqué pour moi. (...) Je sais que je vais y arriver. Je pense qu'au bout du tunnel, il y a toujours de la lumière et je vais la trouver, j'en suis sûr", conclut Tom.
Le soir du #13novembre, Cédric s'apprête quant à lui à vivre son "799ème concert". "J'arrive assez tôt à la salle, sur les coups de 18 heures, je retrouve quelques amis qui sont déjà là". Ils s'installent à leur "place de prédilection, à la barre de la fosse", devant la scène.
Après les premiers tirs, Cédric et les spectateurs autour de lui se retrouvent "enchevêtrés, accroupis" dans la fosse. Il distingue les "trois silhouettes" des assaillants. "Ils commencent à tirer de manière systématique pour abattre les gens un à un", se souvient-il.
Cédric a "rampé avec pour seul objectif d'atteindre" une sortie de secours sur le côté de la scène. "La seule chose à laquelle je pense c'est mon fils de 3 ans", se remémore-t-il. Cédric estime qu'il a réussi à quitter le #Bataclan environ "10 minutes" après le début de l'attaque
Après le #13novembre, Cédric a eu "envie de retrouver [sa] vie". "Et ma vie elle passe par la musique (...) Dès le 17 novembre, je suis retourné à un concert et j'ai retrouvé des gens du Bataclan au concert", raconte-t-il.
Aujourd'hui, Cédric estime qu'il a "réussi à aller de l'avant". "J'espère vraiment que d'autres ont suivi ce même chemin, grâce à la musique."
A la barre, c'est maintenant, Gilles, un ami de Cédric qui témoigne. Lui aussi était dans la fosse, près de la scène.
A l'époque Gilles, grand barbu aux cheveux longs, avait 56 ans. Lui aussi se décrit comme un habitué des concerts, qu'il a commencé à fréquenter "en 77".
Durant l'attaque, Gilles est pris d'"une peur glaciale" et "surnaturelle". "Quelque part, j'étais déjà mort", raconte-t-il. "Je ne voyais pas d'issue, je connais bien le #Bataclan".
Alors qu'il croit qu'il va mourir, Gilles ne pense "qu'à la douleur" de la mort. Il évoque aussi "cette peur de ne plus exister, du néant".
Gilles a réussi à s'enfuir du #Bataclan par le passage Saint-Pierre Amelot. Il n'a pas été blessé, rapporte-t-il.
L'audience est suspendue. Reprise prévue à 16h15.
L'audience reprend avec le témoignage d'Alix, qui avait 29 ans au moment de l'attaque du #Bataclan. Elle a assisté au concert avec un couple d'amis et son compagnon de l'époque.
La jeune femme, cheveux mi-longs, porte un t-shirt des Eagles of Death Metal. Elle a le souffle coupé lorsqu'elle s'exprime.
Ses premières paroles s'adressent aux accusés. "J'ai été frappée que les individus qui nous ont frappés avaient mon âge, et qu'il y avait des frères", lance-t-elle en référence à Brahim Abdeslam, qui s'est fait exploser au Comptoir Voltaire, et à Salah Abdeslam.
Au #Bataclan, Alix, son compagnon et ses amis s'étaient placés sur un "promontoire au-dessus de la fosse, sur la gauche".
Lorsque les premiers tirs résonnent dans la salle, Alix est submergée par l'"effroi". "C'est toute la vie qui nous quitte d'un coup et puis une espèce de trou noir dans le ventre qui grandit qui grandit qui va m'engloutir", illustre-t-elle.
Alix raconte longuement cette proximité avec la mort. "Les premières pensées en moi c'était ma peur de mourir. Souvent dans les films, on dit qu'on voit sa vie défiler, moi c'était tout ce que je ne ferai pas."
A ce moment, couchée au sol, Alix s'est demandée "ce qu'on ressentait quand on mourrait, quand on prenait une balle dans la tête..."
Alix est "résignée". "J'ai accepté que j'allais mourir. c'était une certitude". Elle témoigne de la difficulté de vivre après avoir vécu ce sentiment de mort imminente : "C'est comme ouvrir une porte qu'on ne peut pas refermer. On est bloqués avec ça."
Alix se souvient d'un garçon qui criait, et de sa crainte qu'il n'attire les terroristes. "Ta gueule", lui a-t-elle lancée, prise d'un instinct de survie.
Les larmes aux yeux, Alix estime qu'elle a été "inhumaine" ce soir-là. "Je suis pas une belle personne, je ne suis pas comme toutes les personnes qui se sont sacrifiées, qui ont aidé d'autres personnes..."
Alix a réussi à sortir du #Bataclan par la porte du passage Amelot. Ce soir-là, elle a "senti que [sa] vie ne serait plus pareille". A 22h22, elle envoie un message à sa famille pour les prévenir qu'elle et son petit ami vont "bien".
"Est-ce que tu crois qu'on sera heureux un jour ?", a demandé Alix à l'un de ses amis en sortant du #Bataclan.
Elle évoque désormais l'après #13novembre. Les jours qui suivent, une certaine "euphorie" s'installe. "On est contents d'être en vie", raconte Alix.
Pour Alix, l'association @lifeforparis a été "un phare dans la nuit". "Ca m'a permis de trouver une communauté avec qui parler, une famille, des amis",
témoigne-t-elle.
Après le #13Novembre, "il a fallu reprendre une vie normale". Au fil du temps, évoquer les attaques "devient de moins en moins légitime, les gens ont l'impression qu'on s'enfonce dans ce drame", souffle Alix.
Elle témoigne également des conséquences sur sa carrière de scénariste qui "était en train de décoller".
Après les attentats, "j'étais plus capable d'écrire". Les symptômes du stress post-traumatique ont rendu "très difficile" l'exercice de son métier.
Aujourd'hui, Alix travaille de nouveau. Elle essaye de se "réinventer". "Cet événement m'a forcé à reprendre ma vie en main"
La cour écoute maintenant le témoignage de Carole, qui a assisté au concert avec son compagnon. Dans le #Bataclan, avant le concert, "tout respirait la passion du rock (...) la joie de vivre". Cette trentenaire raconte qu'elle avait "l'impression d'être à 'The place to be'".
Après quelques morceaux, elle se rend au bar pour commander des bières, puis tente de regagner sa place dans la foule tant bien que mal avec des verres pleins dans les mains.
Les premières notes de "Kiss The Devil" retentissent dans la salle. Carole voit le chanteur des Eagles of Death Metal s'interrompre. "Et c'est à cet instant que les premiers tirs" débutent
Pendant quelques secondes, elle croit à une mise en scène. Quand elle voit le groupe s'éclipser, elle prend la mesure de la situation : "Après Charlie Hebdo, j'ai compris que ça ne pouvait être que ça"
A ce moment, Carole ne sait pas où se trouve son compagnon. Elle est accroupie dans la fosse, encore une bière à la main qu'elle tient "comme on s'accroche à la vie". "J'étais persuadée que j'allais mourir, j'en été certaine, prise dans ce piège mortel."
Alors que les tirs fusent, Carole pense à sa fille, "qui était ma fille unique à l'époque". "Je ne voulais pas qu'elle devienne orpheline."
Carole parvient à s'extraire de la fosse, et se réfugie dans un escalier. Elle s'inquiète pour son compagnon, qu'elle n'a pas revu depuis qu'elle a été au bar de la salle. Elle le voit finalement en bas de l'escalier.
Carole tente de joindre la police en appelant le 17. A l'autre bout de la ligne, "on peine à me croire". Carole se rend compte "que le monde extérieur" n'est pas vraiment au courant de ce qu'il se passe au Bataclan. Elle explique qu'il y a une attaque dans la salle.
Carole raconte maintenant l'assaut de la BRI : "On a entendu deux déflagrations importantes". Elle et son compagnon ont été évacués du #Bataclan via les échelles des secours.
Et puis, "il a fallu gérer l'après", souffle Carole, "la peur de sortir, de se réjouir, d'avoir des moments de plaisir". Elle se rend au cinéma, au restaurant...Mais "on se place toujours près des sorties de secours", raconte-t-elle.
Elle évoque aussi les dissensions avec son compagnon. "On a fini par se séparer en 2019 mais on reste main dans la main pour se soutenir dans ce #13Novembre", ajoute Carole.
Cette enseignante parle également de sa difficulté d'avoir du assister à un "exercice alerte attentat" avec ses élèves, il y a quelques jours.
C'est maintenant Alix qui raconte sa soirée au #Bataclan, entourée de ses amis. Au premiers tirs, "dans la fosse, on tombe tous comme des dominos"
Elle entend les revendications des terroristes, puis "les tirs s'enchainent dans un silence de mort". "Il y a des tirs, des recharges, des tirs, des recharges...", décrit Alix.
La jeune femme profite d'une pause dans les tirs pour tenter de s'enfuir. Mais rapidement, elle ne peut plus avancer, "il y a des gens tout autour de moi".
Allongée, Alix "reste le plus immobile possible". Comme d'autres témoins avant elle, elle raconte : "A chaque bruit, ça attire l'attention des tirs, donc on fait le mort".
Elle entend ensuite les assaillants se diriger vers l'étage. "Au bout d'un certain temps, on sent du mouvement dans la fosse". Très émue, elle raconte sa traversée de la fosse. "Le sol est entièrement recouvert de personnes, de sang et autre..."
Alix, qui estime avoir eu "une chance indécente" d'être "sortie sans blessure". "Mais il y a une partie de moi qui s'est éteinte ce soir là", témoigne-t-elle.
Elle évoque à son tour "le complexe du survivant". "J'ai le sentiment de vivre ma vie au détriment de ceux qui ont perdu" la leur. "Je me rappelle sans cesse que je devrais être heureuse sans y parvenir", poursuit Alix. La jeune femme est très émue.
Atteinte d'un stress post-traumatique, Alix a été suivie par plusieurs psychiatres et psychologues. "Il y a tant de vies qui ont été fauchées, et moi j'ai l'impression de gâcher la mienne."
Arnaud, 44 ans, qui était "commissaire de police" au moment du #13Novembre, s'avance à la barre en fauteuil roulant. Il était au #Bataclan avec sa compagne.
Lui et sa compagne se retrouvent couchés dans la fosse. "J'avais retrouvé une issue de secours" à gauche de la scène, raconte Arnaud, qu'ils tentent de rejoindre.
Arnaud est touché par les tirs. "J'ai perdu le contact avec les jambes", explique-t-il. A cet instant, il dit à sa compagne qu'il est "cuit".
Pendant un moment, Arnaud a fait "le mort". Il pense à sa famille, "son enterrement". Il a finalement pu sortir du #Bataclan.
A la barre, Arnaud raconte sa prise en charge à l'hôpital. "J'ai pris une seule balle, dans le dos, elle est rentrée par le côté gauche, je suppose qu'elle a percuté la colonne vertébrale."
Arnaud est aujourd'hui paraplégique. "J'ai du avoir dix opérations, ce qui est peu par rapport à d'autres, j'en ai encore une prévue."
Si Arnaud n'a "plus de sensibilité dans les jambes, il doit vivre avec "un fond douloureux" qu'il l'a fait "hurler de douleur" pendant des années. "C'est un combat du matin jusqu'au soir avec la douleur", lance-t-il.
Le témoin répond désormais aux questions du président de la cour. Je vous retrouve quant à moi demain au procès du #13novembre.

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