Bonjour à toutes et tous. Au procès du #13Novembre, la cour va entendre de nouveaux témoignages de parties civiles du #Bataclan. L'audience doit bientôt reprendre.⤵️
Aujourd'hui, quinze auditions de parties civiles présentes au bar ou dans la fosse du #Bataclan le soir du 13 novembre 2015 sont prévues.
L'audience est reprise. Jérôme, 48 ans, est le premier témoin à s'avancer à la barre. Il était au #Bataclan "avec sept" de ses amis. "On se trouvait entre le bar et les premières marches" pour accéder à la fosse.
"Tout était festif, bon enfant (...) jusqu'à ce qu'on entende des détonations". Jérôme pense d'abord à un problème technique. Lorsqu'il perçoit de nouveaux tirs, "on comprend tout de suite". Lui et ses amis s'accroupissent, puis s'allongent.
Dans son témoignage, Jérôme évoque la perte de ses repères temporels à cet instant : "La notion temps est complètement suspendue. On ne sait pas si ça dure cinq minutes, dix minutes ou une demi-heure".
Jérôme se souvient d'un terroriste qui a "commencé à nettoyer calmement" au niveau du bar, en tirant sur les spectateurs. "Il a touché deux de mes amis et il a rechargé la kalachnikov. Ce bruit restera gravé à jamais dans ma mémoire", souffle-t-il.
A la barre, cet ancien trader témoigne des conséquences des attaques sur sa vie professionnelle : "Depuis je n'ai pas retrouvé de travail, donc je suis à charge pour ma mère."
"Ces personnes ont volé une partie de ma vie", lance Jérôme. "Apprendre à se reconstruire, ça prend énormément de temps", poursuit cet homme qui juge que "toute [sa] vie" avait été jusque là "faite pour [s]on travail".
C'est désormais Sophie qui s'exprime à la barre. Elle était au Bataclan avec son amie Léa. Les larmes aux yeux, elle explique avoir été touchée à la jambe.
"A côté de moi, il y avait un garçon que j'ai senti mourir alors que dix minutes avant on rigolait ensemble", raconte Sophie, tremblante. "Ce garçon, ensuite nous l'avons utilisé pour le mettre comme un sac sur nous, pour nous protéger."
Sophie est restée douze jours à l'hôpital. A la seconde opération, elle apprend qu'elle avait en fait pris deux balles : l'une dans un mollet, l'une dans le bassin.
Après le #13Novembre, Sophie explique qu'elle a consulté un psy, "un ponte", qui "s'est endormi pendant la consultation" tandis qu'elle racontait avoir vu des gens de son âge tuer d'autres personnes de son âge.
En larmes, Sophie raconte sa vie d'"après", "chaotique". "Une fois dehors j'ai été livrée à moi-même. On se souvient de nous au moment des commémorations mais la douleur, elle reste toute l'année."
Le témoignage de Sophie est bouleversant. "Mon innocence est morte au #Bataclan le 13 novembre 2015", juge-t-elle.
"La balle que j'ai reçue dans le bassin a fait des dégâts irrémédiables", poursuit Sophie qui apprend alors qu'elle ne pourra pas tombée enceinte.
Grâce à une fécondation in vitro, elle a pu donner naissance à une fille, qui a désormais deux ans. "Ma fille c'est mon oxygène, ma bouée de sauvetage", lâche Sophie, en sanglots.
Samia Maktouf, l'avocate des proches de Pierre Innocenti, que Sophie a senti mourir près d'elle au Bataclan, a pris la parole. Ils sont "heureux que vous [soyez] en vie et vous devez vivre".
L'avocate ajoute que Sophie ne doit ressentir aucune culpabilité : "Ce que vous avez fait est un geste humain de survie".
La cour écoute maintenant le témoignage de Sandrine, 48 ans, qui était au Bataclan avec des amis. Depuis le #13Novembre, elle n'a plus été la "même". "Je suis sortie vivante parmi les morts, mais je suis devenue morte parmi les vivants."
Après les attentats, Sandrine a longtemps été dans l'"euphorie" d'être vivante et le "déni". Elle s'excuse d'avoir donné à sa mère ses vêtements plein de sang à laver comme si de rien n'était.
"Pendant six ans, j'ai arrêté de bouger, parce que bouger [au Bataclan, le soir du 13 novembre 2015] c'était mourir. Bouger ça voulait dire prendre le risque de mourir. Je voulais pas mourir", continue Sandrine, qui pleure à la barre.
Claire, qui avait 30 ans le #13Novembre, était quant à elle au Bataclan avec un ami et son compagnon, Romain. C'était la première sortie du couple depuis la naissance de leur enfant.
Claire lit le témoignage écrit qu'elle a préparé. Elle a pu prendre la fuite "a priori avant 22 heures". La trentenaire raconte elle aussi l'après #13Novembre : "C'est ne plus sortir le soir à Paris, ne plus prendre le métro, c'est avoir peur quand romain n'est pas là..."
"Je suis un survivant" du #Bataclan. C'est Romain, le compagnon de Claire, qui témoigne désormais. Père de deux enfants, il précise que le plus jeune avait 4 mois au moment de l'attaque.
Romain décrit "les minutes les plus longues" de sa vie. Alors que les tirs "pleuvent", il se dit que sa "femme ne va pas mourir, ce n'est pas possible", pas avec un enfant de quatre mois à la maison.
Dans la salle, "le temps semble s'écouler différemment", pour Romain. "Les sensations sont différentes, je me sens hyper attentif aux sons, aux odeurs", témoigne-t-il.
"Dans cette salle, j'ai laissé quelque chose de moi, j'ai laissé une part de mon humanité", estime Romain.
Comme d'autres témoins, Romain explique que sa vie après le #13Novembre n'est plus la même : "Cette vie garde un goût amer, un goût de poudre en fait."
"Nous sommes tous les trois sortis de cette salle" mais
"la réalité c'est que depuis le #13Novembre, je ne suis plus serein". Romain témoigne par exemple de son hypervigilance qui le "condamne" à "sans cesse vérifier les sorties de secours".
L'audience est suspendue quelques instants.
L'audience reprend avec le témoignage de Shaili, 24 ans, qui avait "à l'époque, 18 ans" et venait d'avoir son bac. La jeune femme, essoufflée à la barre, raconte qu'elle a retrouvé des connaissances au #Bataclan.
"Je réalise depuis le début du procès, que mon cerveau a oublié" certains moments de l'attaque, prévient Shaili. Au début, son "cerveau rationalise" et pense à une mise en scène de "très mauvais goût".
"Dès que quelqu'un essaye de s'enfuir, il se fait descendre", poursuit Shaili. Et "à chaque balle, je ressens son parcours pour se loger dans ma nuque". Pour la jeune femme, la mort est alors certaine, les spectateurs sont "trop à découvert".
Shaili a réussi à s'enfuir du #Bataclan, en enclanchant le "mode auto". Elle a couru malgré "ses poumons de fumeuse" et la certitude qu'elle allait prendre une balle dans le dos.
"Pour moi, le #13Novembre, je suis morte", lance Shaili.
"L'intérieur de ma tête c'était devenu le théâtre de cette soirée qui se reproduisait en boucle". A l'époque, Shaili n'a pas encore de prise en charge psychologique et boit de l'alcool pour "faire tampon".
Shaili raconte aussi qu'elle perdu ses amis, qui lui ont tourné le dos. "C'était aussi des gamins de 18 ans et ils n'avaient peut être pas la maturité et les outils pour réagir", rationnalise-t-elle à la barre.
Shaili raconte la difficile "rupture" avec son "amoureux" de l'époque.
Shaili a laissé une part d'elle au #Bataclan : "Je ne ferai jamais le deuil de ma vie d'avant (...) Pour moi, je ne suis pas en vie. Ma vie, ils l'ont tuée."
Peu après l'attaque, Shaili voulait retrouver sa vie d'avant, estimant ne pas être sortie du #Bataclan "pour rester dans les limbes dans lesquelles [elle est] plongée depuis six ans"
"Il y a six ans, [s]a vie était naissante", mais aujourd'hui, Shaili décrit une vie à l'arrêt et "sans amis". "J'ai aucune perspective d'un avenir meilleur pour l'instant."
"Je ne suis pas en vie, je respire, c'est tout". Shaili a désormais "25 ans, non 24", elle se dit "suicidaire" et sans "outils pour se reconstruire".
Shaili s'adresse aux accusés qu'elle qualifie de "sociopathes". "Pour eux, c'est nous les fous, et ils doivent prendre leur pied en écoutant les dégâts qu'ils ont causés."
Shaili espère notamment que le procès du #13Novembre lui permettra de "reconstruire [s]a mémoire".
Autour de Guillaume de s'avancer à la barre. "Je suis celui que le terroriste [Samy Amimour] a mis en joue sur la scène", juste avant que l'assaillant ne soit intercepté par le commissaire de la BAC nuit et son chauffeur. "Sans eux, je ne serais pas là", estime le témoin.
Guillaume se souvient des échanges avec le terroriste qui l'a sommé de le rejoindre sur la scène. C'est là qu'il se "rend compte de tout ce qui avait été commis" dans la salle. Il est mis en joue par Samy Amimour sur le côté de la scène.
Samy Amimour ordonne à Guillaume d'aider une victime à se relever. "Aide ce fils de pute à se relever et on va voir s'il est mort", lance le terroriste. Pour Guillaume, l'assaillant "semblait improviser sur la manière dont j'allais être utiliser".
Guillaume se remémore également qu'un des autres terroristes, visiblement étonné de le voir sur la scène, lui a demandé ce qu'il faisait là. "Il est avec nous", a répondu Samy Amimour.
Guillaume a profité de l'arrivée du commissaire de la BAC nuit et de son collègue pour prendre la fuite. Il est parvenu à quitter la scène avant que le gilet explosif de Samy Amimour ne s'active.
Guillaume est interrogé sur les éventuelles motivations d'Amimour lorsqu'il lui dit "Tu es avec nous". "J'ai eu la sensation qu'il voulait peut-être faire durer le moment, peut-être par cynisme, peut-être qu'il voulait se servir de moi [pour repérer les survivants]".
"Je ne sais pas précisément qu'elle était [l]a motivation" de Samy Amimour, poursuit Guillaume. "Mais j'ai cru comprendre dans son premier regard qu'il ne me tuerait pas."
La cour écoute à présent Lucie, qui avait alors 21 ans. Elle rapporte que "chaque tir est à la fois une horreur et un soulagement". Le soulagement "de ne pas être touchée" et l'horreur du "l'odeur du sang" qui s'amplifie dans la salle du #Bataclan.
Les témoignages se poursuivent. Je marque une pause dans ce LT pour écrire un article.
L'audience est suspendue et reprendra demain à 12h30.
Et voici le récit en longueur du témoignage de Guillaume « mis en joue » par un des terroristes du Bataclan.
francetvinfo.fr/faits-divers/t…

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13 Oct
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11 Oct
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