Vous n’avez jamais entendu parler de Roesia de Verdun ? C’est dommage. Car dans le genre « femme du Moyen Âge impressionnante », elle se pose là... Je vous raconte sa vie. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
Roesia est née vers 1204, dans une famille de nobles normands originaires du Staffordshire, qui sont implantés en Irlande depuis son grand-père. Seule fille survivante de son père, elle est donc l'héritière d'un patrimoine important... ce qui en fait une épouse convoitée.
En 1225, elle se marie avec Théobald Butler, héritier d’une famille très impliquée dans la conquête anglaise de l’Irlande, qui occupe de hautes fonctions dans l’administration de l’île. Mariage stratégique, décidé par le roi Henry III en personne.
A noter que Roesia est la seconde épouse de Théobald. Pour ne pas s’embrouiller dans les héritages, on décide qu’elle conservera son nom « de Verdun », pour qu’il soit clair que leurs enfants ne sont pas censés hériter avant les enfants du premier lit.
Roesia va avoir 5 enfants en... 5 ans. Autrement dit, elle est quasiment tout le temps enceinte ! C'est une donnée essentielle pour comprendre la vie des femmes (nobles ou pas) à l'époque.
En juillet 1230, son époux se fait tuer dans une bataille en France. Roesia se retrouve veuve. Elle paye alors la – très importante – taxe que le roi exige pour avoir le droit de ne pas se remarier et obtient donc le statut de « femme sole »
L’année d’après, elle récupère l’héritage de son père (là encore, en payant une grosse somme d’argent). Elle dirige donc à la fois ses terres à elle (celles de sa famille paternelle) et le douaire laissé par son époux (environ 1/3 des biens de son mari).
Pendant plus de dix ans, elle dirige cette seigneurie. Les chartes la montrent remplir tous les rôles d’un seigneur : résoudre un conflit avec un voisin pénible, porter plainte en justice, vendre ou louer des terres, fonder un prieuré (la Grâce Dieu, en Angleterre), etc.
Elle est surtout célèbre pour avoir fait construire un château : Castleroche (Co Louth, Irlande). C’est rare : Roesia est la seule femme bâtisseuse de châteaux documentée dans l’Irlande du XIIIe siècle.
Le site est fouillé en ce moment par l’archéologue Karen Dempsey @karrycrow !
En 1236, le roi mentionne clairement « un château très puissant, construit par la dame Rodesia, ce qu’aucun de ces prédécesseurs n’avait réussi à faire, grâce auquel notre terre est en très grande sécurité »
Dans le même acte, le roi accorde une aide à Roesia, en ordonnant au Justicier d’Irlande de lui envoyer des hommes pendant quarante jours. Il faut donc imaginer que Roesia a écrit au roi pour lui demander ce renfort de main d’œuvre, en gérant tous les aspects de "son" chantier.
En 1242, Roesia devient nonne dans le prieuré qu’elle avait fondé. Sûrement parce qu’il devait être difficile de rester veuve plus longtemps : c’est un statut qui ne peut être qu’intermédiaire et temporaire dans la société médiévale
Elle meurt en 1247, dans ce prieuré. Son fils, John de Verdun, récupère alors ses possessions (pas son douaire, juste ce qui vient de son père à elle). Dans le folklore local, on en fait rapidement une femme guerrière, chevauchant en armure contre ses ennemis...
De même, une légende locale raconte que Roesia aurait poussé par une fenêtre l’architecte à la fin des travaux, pour l’empêcher de divulguer les secrets de la fortification... Dans certaines variantes, elle l’épouse PUIS le jette par la fenêtre 😅
Mais même en laissant de côté ces légendes, ce que nous révèlent les (rares) sources suffit à dresser le portrait d’une femme noble gérant de main de maître(sse) sa seigneurie, pendant plus de dix ans, et construisant un château, ce qui est exceptionnel... !
Voilà : une vie méconnue, bien documentée, d'une femme médiévale comme on aimerait en voir plus dans la fiction... 😉
Merci d'avoir suivi ce thread !
Pour en savoir plus sur elle, cf notamment la notice du (très chouette) Women Museum of Ireland womensmuseumofireland.ie/articles/roesi…
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A l'heure de faire l'appel et de découvrir les prénoms de nos élèves, saviez-vous que le Moyen Âge est une période marquée par un changement complet dans la manière de nommer les gens ?
On parle de "double révolution anthroponymique", et c'est passionnant. Un thread ⬇️
Première révolution : la fin des noms romains/romanisés et, notamment, du système des tria nomina (Marcus Tullius Cicero). Avec l'arrivée en Occident de peuples germaniques, ces noms passent peu à peu de mode, même si certains survivent (Marcus, Julius, Felix, etc).
A leur place, on voit apparaître des prénoms... germaniques ! Clovis, Sigebert, Dagobert, Galswinthe, Brunehaut... Ou, moins connus, Leutgarde, Fryshilde, Gansbold, Hildevoud, Protline, Framberte... (oui je sais ça fait rêver hein ?)
Un soldat africain pendant la bataille d'Hastings (1066) ? Réponse de médiéviste : 1/ c'est possible ; 2/ c'est très improbable ; 3/ on s'en fiche car c'est de la fiction ; 4/ ces réactions outrées sont très signifiantes.
1/ C'est possible. Les sociétés anciennes sont plus connectées qu'on ne le pense souvent, et l'Afrique, y compris l'Afrique subsaharienne, n'est pas coupée de la Méditerranée. Il y a des flux de biens et de personnes (marchands, soldats, esclaves, pèlerins, etc).
1/ Ces flux ont d'ailleurs laissé des traces archéologiques, y compris en Grande-Bretagne : dans cet article, des fouilles dans un cimetière anglais du VIIe siècle ap JC où on a retrouvé une personne ayant un ancêtre récent originaire d'Afrique de l'Ouest
On a pris notre courage à deux mains avec @HMedievale et on a regardé « Saint Louis raconté par Philippe de Villiers » diffusé dimanche soir sur CNews. On n’a pas été déçu du voyage, car comme toujours de Villiers propose une vision très personnelle...
Un fil à dérouler ⬇️!
Tout d’abord, deux éléments de contexte. 1/ Philippe de Villiers s’est sans doute appuyé pour cette émission sur son livre « le Roman de saint Louis » publié en 2014, qu'on a lu. 2/ L'émission est sortie dimanche 24 août, veille du 25, jour de la Saint-Louis.
Dès le début, Villiers annonce la couleur : « la vie de saint Louis est un trésor. Les enseignements que j’en ai tiré sont des lumières pour aujourd’hui ». Saint Louis « incarne le beau, le grand, le bien [et] notre civilisation, qui est la civilisation chrétienne »
Quand on pense à la Muraille de Chine, on imagine souvent un édifice comme le Mur dans Game of Thrones...
Mais de nouvelles fouilles archéologiques montrent que ces fortifications médiévales avaient des buts variés, et souvent plus civils que militaires. Un thread ⬇️
Ici, on n'est pas dans la partie la plus célèbre de la Muraille de Chine, mais dans ce qu'on appelle le Medieval Wall System, un ensemble de fortifications de 4000km de long construit entre le Xe et le XIIe siècle, essentiellement par la dynastie Jin
Les archéologues ont fouillé une partie du mur et un fortin situés sur la partie mongole de cet ensemble. Or, la surprise, c'est que le mur en lui-même est un simple fossé accompagné d'une petite pile de terre. Aucune efficacité contre une armée d'envahisseurs... !
Au début de l'année 1195, Lothaire de Segni, un clerc qui va ensuite devenir pape sous le nom d'Innocent III, écrit un petit traité intitulé "Misère de la condition humaine". Il est ici traduit et commenté par O. Hanne (@BellesLettresEd). Un thread (déprimant 😅)⬇️!
Ce texte s'inscrit dans le contexte des traités du type "Mépris du monde", souvent écrits par des moines, qui listent les raisons de détester et de se détacher du "monde", càd du siècle, de la vie laïque avec ses tentations et ses péchés.
Classiquement, le futur pape explique ainsi que l'être humain est bien malheureux. Fabriqué par Dieu dans la terre, la moins noble des substances, conçu dans "le vil sperme", il vient au monde au milieu du sang, des larmes et des cris.
Vous avez (trop) chaud ?
Et si je vous disais que durant les croisades, les croisés ont eux aussi souffert de la chaleur, au point parfois... de mourir ? Je ne sais pas si ce thread va vous rafraîchir, mais ça vous cultivera... Un thread ⬇️!
La chaleur frappe violemment les croisés quand ils arrivent en Orient. Les chroniques de la croisade le répètent tout le temps, preuve que ça a marqué les contemporains : "les nôtres étaient brûlés par la chaleur dévorante", "la chaleur avait grandement affaibli l'armée"
Les mois d’été sont les plus redoutables. Les auteurs mettent en garde contre le « redoutable mois d’août » ou encore contre « juillet, mois insupportable à cause de l’ardeur du soleil ». Autant que possible, on décale les opérations militaires pour éviter d'agir en plein été.