Marcel Mauss, Essai sur le don.
Chapitre II. Extension de ce système. Libéralité, honneur, monnaie.
II. – Principes, raisons et intensité des échanges de dons (Mélanésie).
Trobriand. — Résumé (1/2) :
Les habitants des îles Trobriand, aujourd’hui riches pêcheurs de perles et, avant l’arrivée des Européens, riches fabricants de poterie, de monnaie de coquillages, de haches de pierre et de choses précieuses, ont été de tout temps bons commerçants et hardis navigateurs.
M. Malinowski nous a décrit tout le système de commerce intertribal et intratribal qui porte le nom de kula.
Le kula est une sorte de grand potlatch ; véhiculant un grand commerce intertribal, il s’étend sur toutes les îles Trobriand, sur une partie des îles d’Entrecasteaux et des îles Amphlett.
Dans toutes ces terres, il intéresse indirectement toutes les tribus et directement quelques grandes tribus : celles de Dobu dans les Amphlett, celles de Kiriwina, de Sinaketa et de Kitava dans les Trobriand, de Vakuta à l’île Woodlark.
C’est comme si toutes ces tribus, ces expéditions maritimes, ces choses précieuses et ces objets d’usages, ces nourritures et ces fêtes, ces services de toutes sortes, étaient pris dans un cercle [« kula ring »] et suivaient autour de ce cercle un mouvement régulier.
Le commerce kula semble être réservé aux chefs. Il s’exerce de façon noble, en apparence purement désintéressée et modeste. On le distingue du simple échange économique de marchandises utiles qui porte le nom de gimwali.
Celui-ci se pratique en plus du kula, dans les grandes foires primitives que sont les assemblées du kula intertribal ou dans les petits marchés du kula intérieur : il se distingue par un marchandage très tenace des deux parties.
En apparence, le kula — comme le potlatch nord-ouest américain — consiste à donner, de la part des uns, à recevoir, de la part des autres, les donataires d’un jour étant les donateurs de la fois suivante.
Même, dans la forme la plus compétitive du kula, des Uvalaku, la règle est de partir sans rien avoir à échanger, même sans rien à donner. Cependant, dans les kula de moindre envergure, on profite du voyage maritime pour échanger des cargaisons.
L’objet essentiel de ces échanges-donations sont les vaygu’a, sorte de monnaie¹. Il en est de deux genres : les mwali, des bracelets ; les soulava, des colliers.

¹ Nous persistons, malgré les objections de M. Malinowski, à employer ce terme.
Les mwali se trasmettent régulierement d’Ouest en Est, et les soulava voyagent toujours d’Est en Ouest. Ces deux mouvements de sens contraire se font entre toutes les îles Trobriand. En principe, la circulation de ces signes de richesse est incessante et infaillible.
C’est une propriété et une possession, un gage et une chose louée, une chose vendue et achetée, déposée, mandatée et fidéi-commise : car elle ne vous est donnée qu’à condition d’en faire usage pour un autre, ou de la trasmettre à un tiers, « partenaire lointain », muri muri.
Les vaygu’a ne sont pas choses indifférentes, de simples pièces de monnaie. Chacun, du moins les plus chers et les plus convoités — et d’autres objets ont le même prestige — a un nom, une histoire. Il n’est pas possible de ne pas reconnaître leur nature éminente et sacrée.
Le premier don d’un vaygu’a porte le nom de vaga « opening gift ». Il ouvre, il engage définitivement le donnataire à un don de retour, le yotile, que M. Malinowski traduit par « clinghing gift » : le « don qui verrouille » la transaction. Un autre titre de ce dernier est kudu.
Celui-là est obligatoire ; on l’attend, et il doit être équivalent au premier. Si on est incapable de le rendre, on peut à la rigeur offrir un basi. C’est une sorte de cadeau d’attente ; il apaise le créancier ex-donateur ; mais il ne libère pas le débiteur, futur donateur.
Le kula, sa forme essentielle, n’est lui-même qu’un moment d’un vaste système de prestations et de contre-prestations qui semble englober la totalité de la vie économique et civile des Trobriand.
Le kula semble n'être que le point culminant de cette vie, le kula international et intertribal surtout. Il ne fait que concrétiser, rassembler bien d’autres institutions.
En premier lieu, sauf les grandes expéditions solennelles, purement cérémonielles et compétitives, les uvalaku, tous les kula sont l’occasion de gimwali, de prosaïques échanges, et ceux-ci ne se passent pas nécessairement entre partenaires.
En second lieu, entre les partenaires du kula, passent, comme une chaîne ininterrompue de cadeaux supplémentaires, donnés et rendus, et aussi de marchés obligatoires.

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