Thread by @MagaliReghezza

La semaine dernière, j’ai parlé de #risque #adaptation #vulnérabilité. Pour prolonger, le webinaire du @hc_climat avec @valmasdel, Solange Martin : webikeo.fr/webinar/replay…

On poursuit en s’attaquant à un gros morceau. # Résilience. C’est parti.🧵⬇️ 1/27

En français, « résilience » est un néologisme. Résilier un contrat, c’est d’ailleurs l’exact contraire de la résilience. Le mot, déjà utilisé en anglais, apparaît en 1921 en physique. C’est l’expérience du mouton de Charpy, qui mesure la résistance au choc d’un matériau. 2/

Le terme est repris en psychologie à propos des enfants, puis des survivants des camps de concentration. Puis, il circule dans plusieurs champs disciplinaires et domaines opérationnels. D’où la multiplicité des définitions décrite par le @CeremaCom.⬇️ 3/

Le domaine de la prévention des catastrophes et celui du changement climatique partent des définitions utilisées en écologique scientifique. L’un des « papas » de la résilience, c’est C.S. Holling, qui définit, en 1973, les termes de résilience et de stabilité 4/

C.S. Holling va faire évoluer son approche, considérant l’écosystème comme un système dynamique. Pour faire simple, un écosystème ne possède pas un seul équilibre stable, mais des « états » d’équilibres stables & instables multiples 5/
besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/13…

Cela donne 2 interprétations ≠
➡️ résilience ingénieuriale : système stable, proche d’un état d’équilibre permanent
➡️résilience écologique : maintien des fonctions et des structures su systèmes, qui passe par ≠ états d’équilibres, avec des processus d’émergence. 6/

Cette idée de réorganisation & de renouvellement est importante. Elle va donner naissance au cycle adaptatif, selon lequel la plupart des systèmes dynamiques passent par 4 phases (Gunderson et Holling 2002) 7/

Appliqué au climat, cela donne par exemple 7bis/ ⬇️

Cette approche est enrichie par la « panarchie ». Le cycle adaptatif peut être perturbé par les cycles qui affectent les sous-systèmes et, au niveau supérieur, le système englobant. Le degré de résilience dépend des couplages d’échelles spatiales et des rythmes temporels. 8/

Ce modèle est développé par Holling et Gunderson dans un ouvrage célèbre et par la Resiliance alliance.
resalliance.org/panarchy

Cycle adaptatif et panarchie vont permettre de transférer l’approche écologique en sciences sociales. Les chercheurs vont appliquer la résilience à des systèmes dits socio-écologiques (sociétés ou territoires par ex.) Tom Goose & Tempels (2016)⬇️
9/

La notion de « résilience » a donc une loooongue histoire, et donc nombreuses définitions, qui font la joie de ceux qui produisent des états de l’art et cherchent à comprendre ce que la résilience veut dire. 10/
semanticscholar.org/paper/Resilien…

Revenons à la résilience. Dans le domaine des risques et des crises, le mot désigne le processus de relèvement (et l’état qui en résulte) suite à une perturbation (choc brutal ou stress chronique). Toute situation qui n’est pas effondrement relève de la résilience. 11/

La réalité est un chouïa plus compliquée. La résilience n’est pas toujours synonyme d’amélioration. Le système peut perdurer au prix de sa détérioration (ou de celle de certaines composantes). La résilience peut être « toxique » selon les mots de Julie Hernandez 12/

Pendant longtemps, on a relié résilience et vulnérabilité comme deux faces d’une même médaille. ↘️ la vulnérabilité = ↗️ la résilience, et vice-et-versa. Beaucoup de chercheurs posent plutôt un continuum entre les deux. On peut être « en même temps » vulnérable et résilient. 13/

Les relations entre vulnérabilité, résilience et adaptation ne sont pas simples. Elles ont fait couler, là encore, beaucoup d’encre et font toujours débat. 14/

Nous avons essayé avec @SamuelRufat d’y voir plus clair, en partant de l’idée de réponse. Vous pouvez lire cet article (pub), très théorique, ou juste regarder les deux croquis.
journals.openedition.org/cybergeo/32917
15/

Partons d’un constat. Des systèmes/enjeux a priori très vulnérables s’en sortent, alors que d’autres, a priori très peu vulnérables s’effondrent. Donc Vulnérable ≠ condamné à être une victime. Prenez les enfants : très vulnérables, très résilients. Pourquoi ? 16/

Souvenez-vous des capabilités : les caractéristiques propres (ressources internes) ; les moyens/opportunités (ressources externes); les conditions favorables.
+ vos capabilités sont faibles, - vous avez la liberté de choix, + votre capacité d’action (agency) est limitée. 17/

Par parenthèses, le cadre offert par les capabilités est fortement relié à la compréhension des facteurs du bien-être humain. Le well-being permet aussi de rattacher le sujet aux débats actuels sur le lien entre transition, croissance & sobriété, indicateurs alternatifs, etc. 18/

Les déficits de ressources internes & externes peuvent se compenser. Le handicap vous fragilise, mais il peut être compensé par le capital familial, social, etc. On peut avoir de faibles moyens (ce que l’on possède), mais de grandes ressources internes (ce que l’on est). 19/

‼️SCOOP : Les ressources internes et externes sont ≠ distribuées. Certains dispositifs, au nom de l’égalité de droit, vont corriger ces inégalités. Ils vont ainsi ↗️ les capabilités en créant et sécurisant les ressources externes et surtout, l’accès à ces ressources. 20/

BILAN : Les inégalités « intersectionnelles » réduisent les capabilités. Elles diminuent les aptitudes, ressources, moyens. + les capabilités sont réduites, - la gamme de réponses est grande, - les capacités d’adaptation sont élevées, + la vulnérabilité est forte. 21/

C’est pour cela que vulnérabilité & résilience sont corrélées aux inégalités. Et que les réponses aux crises environnementales ne sont pas juste techniques ou comportementales. Elles sont politiques et structurelles. CQFD. 22/

Le problème c’est que la résilience a fini par devenir une injonction morale, pesant sur les individus. D’un côté, les "bonnes" victimes, qui se relèvent, s’activent, se prennent en main et s’adaptent ; de l’autre les "mauvaises, passives, assistées, inadaptées". 23/

Faire peser sur les individus la seule responsabilité de la résilience, c’est occulter les causes profondes de la vulnérabilité, notamment les héritages historiques et les systèmes de domination. 24/
Source : From Wisner, Blaikie, Cannon, and Davis ( 2004 , p. 8).

En cela, la résilience est une notion « conservatrice ». Elle permet à certains acteurs de déplacer la responsabilité et les coûts vers les victimes, en essentialisant leur statut de vulnérable, sans toucher aux causes structurelles de la vulnérabilité. 25/

C’est aussi ce qui explique pourquoi l’adaptation, ou plus exactement l’injonction à l’adaptabilité, qui se traduit pour les individus par une injonction à la flexibilité, au nom de l’instabilité et de l’incertitude, a été autant critiquée. @fefelli 26/

Pour aller plus loin, il existe de multiples articles et textes sur la résilience. Je vous en recommande deux, en open accès. 27/
journals.sagepub.com/doi/full/10.11…

@jcgaillard_uoa
JC Gaillard (2010). Vulnerability, capacity and resilience: Perspectives for climate and development policy. Journal of International Development: The Journal of the Development Studies Association, 22(2), 218-232. 28/

Voilà, on s’arrête là. La semaine prochaine, je reviendrai sur différents sens du terme résilience et promis, je vous parle du lien entre #incertitude, #adaptation et #résilience, ce qui nous permettra de revenir sur les grands discours de l’inaction… 😵‍💫 D’ici là…