Pourquoi l’adoption du Digital markets act #DMA 🇪🇺 est si importante 👇🏽1/17
Parce que c’est une régulation ciblée sur une poignée de très gros acteurs, les « gatekeepers ». Auparavant, tous les textes de régulation visant internet ou le numérique étaient des textes « horizontaux », c’est-à-dire des règles générales s’imposant à tous 2/
Un bon exemple est celui du RGPD. Toutes les organisations qui manipulent de la donnée personnelle sont soumises aux mêmes règles. Sur le principe c’est bien : la protection est générale. Mais dans la réalité, les risques majeurs sont le fait d’un petit nombre… 3/
… de très grandes firmes, comme l’exemple de Cambridge Analytica l’a montré avec Facebook.
Or en imposant les mêmes règles à tous, on est sûr de se tromper :
-> Ou bien on met des règles fortes mais alors on renforce les gros acteurs car ils ont des moyens colossaux pour… 4/
… assurer la conformité à la réglementation de leurs « places de marché » (régies de pub, référencement de contenus et produits…), lesquelles deviennent ainsi plus attractives pour les boîtes qui peuvent en quelque sorte « déléguer » aux gros leur conformité au RGPD 5/
- effet boule de neige garanti dans un secteur déjà marqué par les « effets de réseaux » qui avantagent les gros.
-> Ou bien le législateur se réfrène de peur de sur-réglementer les petits acteurs et du coup fixe des règles insuffisantes
(je sais, je simplifie) 6/
Avec une régulation ciblée sur les gros, autre écueil évité : celui des velléités à « réguler internet ». Internet c’est la solution, pas le problème. Le problème c’est l’immense pouvoir concentré dans les mains des Big Tech et et dont il faut libérer le reste d’internet 7/
C’est bien cette logique qui a été développée dans le secteur bancaire avec les « too big to fail ». Après la crise de 2008, on a décidé de désigner des « banques systémiques » (une vingtaine) soumises à des règles prudentielles et des contrôles beaucoup plus forts. 8/
Ici idem, ce sera la Commission européenne qui désignera les entreprises régulées, les gatekeepers. On peut s’attendre à y voir les GAFA et leurs principales places de marché.
Vous allez me dire : ok mais quelles obligations vont leur être imposées ? 9/
Le #DMA prévoit bien cela mais j’ai presque envie de dire que ce n’est pas le plus important. La Commission et le législateur européen vont apprendre en marchant : en régulant les gros, on va mieux les connaître et affiner au fur et à mesure les besoins de régulation, etc. 10/
En revanche il y aurait un danger : que se forme une sorte d’alliance entre la Big Tech et les États. On connaît les tentations de surveillance et de censure, même parfois avec les meilleures intentions du monde. Il faut s’en prémunir… 11/
… et même si ce sera davantage le sujet du #DSA (régulation des contenus) que du #DMA (régulation des marchés), il sera essentiel de faire vivre des exigences très fortes de transparence et d’association des parties prenantes à la régulation. Comment ? 12/
Je vous ai mis cela dans une petite note que j’avais réalisée avec mes équipes de l’Arcep il y a 2-3 ans : « les quatre règles d’or de la régulation des Big Tech » 13/
Ce qui est bien aussi c’est que la régulation change de nature. Il y a 20-30 ans, l’Europe a surtout régulé pour ouvrir à la concurrence des anciens monopoles publics (j’y ai participé dans les télécoms, je ne critique pas c’est factuel). Aujourd’hui la régulation devient … 14/
… aussi un instrument de limitation des dérives du marché. Après les excès de la finance, c’est le tour du numérique. C’est rassurant et aussi l’espoir que cela continue sur des thèmes majeurs comme celui de l’environnement 15/
De grandes firmes pèsent en effet sur la trajectoire de la transition écologique (agroalimentaire, transport, industrie, énergie…) et on pourra se demander un jour comment les faire converger vers l’intérêt général sans passer par des réglementations… 16/
… horizontales s’appliquant à tous, avec le risque que celles-ci aliment un sentiment d’« écologie punitive » comme on dit.
Mais c’est une autre histoire :)
Merci de m’avoir lu. 17/17
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@apiquard On rentre dans le vif du sujet et c’est sain qu’il y ait un débat. Par exemple sur l’accès aux informations du régulé par le régulateur, celui-ci ne peut être en effet absolu. Dans les télécoms par exemple on doit motiver certaines demandes d’infomations au regard ... (1)
@apiquard ... des objectifs de régulation poursuivi et de manière proportionnée (on ne peut pas demander la liste des employés si c’est pour régler un problème d’interconnexion par exemple). Autre exemple celui du montant de la sanction, c’est évidemment essentiel qu’il soit ... (2)
@apiquard ... dissuasif car ce sont des acteurs de très grande taille et donc il faut un plafond élevé ; mais en pratique le montant de la sanction doit être justifié et proportionné au dommage causé, ce qui fait par exemple qu’en droit de la concurrence les sanctions imposées ... (3)