#Thread - Avez-vous entendu parler de la « guerre des six jours » à Kisangani ? Me voici sous les balles.
C’était un 5 juin comme aujourd’hui. Mais c’était un lundi, il y a 22 ans jour pour jour. Deux décennies donc déjà écoulées. Pourtant, le souvenir est encore vif.
Ce jour-là, l’armée du #Rwanda et celle de l’#Ouganda décident de s’affronter dans une ville de la #RDC : Kisangani.
J’étais dans ma salle de classe quand j’ai entendu les premiers tirs. Peu avant la récréation de 10 heures. Panique au collège Maele. M. Kabwe, notre prof de physique de la 4e année secondaire, essaie de nous rassurer et nous prie de nous mettre à terre.
Dehors, c’est la confusion. La direction de l’école invite d’abord les enfants à s’abriter tous dans la grande salle (celle-ci sera plus tard touché par un obus, sans faire des victimes), puis perd le contrôle.
Les crépitements des armes automatiques se font entendre.
Je vois mon pote Hugues.
- Alors, on fait quoi ?
Avant qu’il ne me réponde, on entend un grand « boum ! ». Des armes lourdes entrent dans la partie. Hugues se met à courir, je le suis.
L’option est donc levée : on doit fuir sous les balles jusqu’à la maison, à 45 minutes environ à pied du collège Maele.
Arrivés vers la 4e avenue Tshopo, on ne peut plus avancer. Des balles sifflent tellement qu’on se croirait en plein champ de bataille. Hugues et moi décidons de se cacher dans une épicerie.
On y trouvait des mamans. En tout cas, beaucoup de femmes, veilles et jeunes. Certaines allaient au boulot, d’autres revenaient du marché. La guerre a surpris tout le monde à 9 heures du matin.
Impossible d’avancer. Ça tire encore et encore. Une jeune écolière se pisse dessus, elle tremble de peur. D’autres femmes lui prêtent un pagne et essaient de la calmer. Sans succès.
Moi, je me dis que, peut-être, je ne reverrai plus ma mère. J'écris alors à même sol : « Je t'aime, maman.» Comme un testament.
Les crépitements des balles s’estompent un peu. On peut reprendre la course vers la maison. Pas pour longtemps. Puisque, quelques 500m plus loin, on aperçoit des militaires rwandais avancer avec des pioches… On se cache de nouveau.
Après leur passage, on se remet à courir. Les crépitements des balles reprennent aussi. Hugues doit s’arrêter chez lui à la 11e avenue, moi je dois continuer seul jusqu’à la 16e.
- Courage ! me lance-t-il.
Je continue ma course sous les balles. Arrivé à la 13e, je vois un corps immobile au sol. Un jeune homme. Bien habillé, pantalon en tissu, chemise grise manche longue et gilet de son costume trois pièces au-dessus.
Le marché très animé (à l’époque) de la 15e est vide. Plus personne, à part quelques « enfants de la rue » qui n’ont sûrement nulle part où aller.
Me voilà arrivé à la maison. Seule ma grand-mère est là. Elle est revendeuse de la Bralima. Des caisses de bière achetées le matin traînent d’ailleurs encore dehors. On commence à les rentrer à la maison, avec un oncle et je-ne-sais-plus-qui.
Ma mère était déjà à son lieu de travail, à l’Institut supérieur de commerce, lorsque la guerre a commencé. Aucune nouvelle. Bien évidemment, le téléphone était encore un luxe.
Quelques minutes plus tard, ma tante qui habitait pas loin nous rejoint, avec mes cousins. La grande famille se reconstitue. Mais pas de provisions.
Soudain, on entend des cris dehors. Des jeunes du quartier portent un aîné touché à l’épaule par une balle perdue. Plus loin, le papa de mon ami Séraphin n’aura pas la même chance.
Des victimes continueront à tomber durant ces six jours horribles.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh