On y trouve toutes les informations budgétaires (incompréhensibles), mais aussi tous les objectifs de performance, et toutes et c'est vraiment très intéressant.
Ici, les indicateurs de performance du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », qui explique bien la stratégie de l'Etat, qui se décline ensuite en pressions jusque dans les salles de cours.
Ici, le grand objectif général : 53% d'une classe d'âge diplômé du sup' en 2022, 55% en 2023.
Sauf qu'on est déjà à 56,2% en 2020.
Notre objectif serait donc plutôt de ralentir que d'accélérer.
La cible des Jeunes sortant de l'enseignement supérieur sans diplôme post-bac reste d'ailleurs fixée à 20%.
Ca veut dire : Nous n'avons aucune ambition de diplômer plus de jeunes.
Non ambition confirmée par l'indicateur « Part des néo-bacheliers ayant obtenu au moins une proposition à la fermeture de Parcoursup », qu'on laisse à 94,2 % (admirez la précision).
Par contre, nous avons ambition d'améliorer légèrement la « réussite étudiante », qui n'est en fait que la diplomation à l'heure.
On ne veut pas former plus, mais seulement diplômer plus vite.
Un des moyens pour y arriver est la chasse à l'absentéisme.
Ça a l'air bien comme ça, sauf qu'un bon moyen d'améliorer l'assiduité est d'exclure les étudiants qui sont contraints d'avoir un emploi pour vivre, ou ceux qui ont des problèmes de santé, par exemple.
Ensuite, on a l'insertion professionnelle.
C'est un objectif pour la formation, pour lequel la formation ne peut pas grand chose. S'il y a une crise économique ou sanitaire, la formation n'y peut rien par exemple, alors que ça impacte lourdement l'insertion pro.
Ici un indicateur intéressant également : la Part des mentions à faibles effectifs. En L : effectifs < 50, en M : < 30.
Fascinant : l'indicateur augmente, et les objectifs encore plus...
... Et c'est le résultat d'une politique « volontariste » de... diminution de l'indicateur !
Great success!
Et bien sûr, on ne dégaine pas des raisons budgétaires ou pédagogiques, mais « renforcer la sobriété
énergétique ».
Of course!
Sauf bien sûr à diminuer le nombre d'étudiants :
si votre formation diplôme 100 personnes, dont 80 trouvent un emploi ; diminuer les effectifs à 80 est un très bon moyen d'arriver à 100% d'insertion pro.
¯\_(ツ)_/¯
Notamment absents de ces indicateurs : la transmission des connaissances et l'émancipation.
L'objectif qui nous est fixé est de diplômer le bon nombre de personnes par rapport à l'emploi, en investissant le moins possible. Point barre.
Côté recherche aussi on trouve des choses intéressantes, comme par exemple les objectifs de production scientifique... Qui baissent !
A horizon 2025 : 7.3% contre 9,1% en 2020, et 1.2% contre 2% en 2020 dans des « Part des publications de référence internationale ».
Même si le texte note qu'on est plutôt sur une « résistance », cette baisse prévue est officiellement une « ambition de consolider ainsi que d’améliorer leur positionnement ».
Parce que pourquoi pas ?
Cette politique volontariste de baisse des performances recherche est confirmée dans les indicateurs du programme 184 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Les objectifs « Efficience environnementale » démontre bien la grande ambition de notre nation en la matière.
On prévoit d'abord une augmentation de la consommation énergétique, et puis une diminution (magique) de 0.6%...
Regardons maintenant le programme 231, Vie étudiante.
Les objectifs de taux d'accès à l'enseignement supérieur des jeunes de 20/21 ans selon leur origine sociale nous montrent quoi ?
+1 point pour les enfants de Employés, Ouvriers
+2 points pour les enfants de Employeurs, cadres, professions intermédiaires
C'est une politique.
A cet objectif de taux d'accès s'ajoute quand même un objectif de représentation, qui lui est censé augmenter pour les enfants d'ouvriers,employés.
Dans tous ces objectifs, encore rien sur la transmission des connaissances, l'émancipation, l'écologie ou la formation à la méthode scientifique pour faire face aux crises.
Tous ces indicateurs auraient pu être établis il y a 40 ou 50 ans.
Allons donc voir le programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la
mobilité durables.
Rien sur l'émancipation. Le programme est strictement industriel : du techno-solutionisme.
Bref, encore plein de choses dans ces documents très riches, au coeur du nouveau management public de l'ESR.
Ce pur « gouvernement par les chiffres » nous montre bien mieux que les discours politiques nos ambitions réelles et nos stratégies.
Et ce n'est pas rassurant.
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Depuis 1995 : stabilité dans les premier et second degrés, explosion dans le supérieur (+36%).
Dans le supérieur, on est passé de 1,2 millions d'étudiants en 1980 à presque 3 millions en 2021.
La courbe des apprentis du secondaire est marrante.
Côté handicap dans l'enseignement scolaire, ce graphique montre la politique :
- stabilité des établissements spécialisés,
- croissance linaire par ailleurs.
D'abord la question technique, très bien développé ici, et qu'on peut résumer par : il est possible de s'organiser pour limiter les couts énergétiques sans trop perturber les activités d'enseignement et de recherche.
Aucun État n'a jamais investi dans l'éducation en raison de la démographie.
Les États investissent pour atteindre des objectifs. Le notre est l'insertion professionnelle. Donc on investi en fonction des besoins des employeurs.
Au début de la massification, dans les années 60, les intérêts des employeurs et la démographie étaient alignés.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui : on a fait plus d'enfants qu'on a créé d'emplois, et en particulier d'emplois nécessitant des études supérieures.
Nos votes ne cessent de le confirmer : nous ne voulons pas d'une éducation collectivement émancipatrice, nous voulons d'une éducation individuellement insérante dans l'emploi au plus haut niveau possible.
Or, il n'y a pas, et il n'y aura jamais, de places pour tout le monde.
#HelpESP Besoin d'aide d'économistes et démographes : est-ce que la suite vous parait réaliste ?
Une exploitation (trop brutale) de l'enquête emploi me conduit à ce graphique, qui montre la part des diplômés du supérieur dans la population et les salaires des 30-34 ans.
Lecture : en 1982, les Bac+x représentaient 16% des 30-34 ans, et ils captaient 22% des salaires des 30-34 ans. En 2020, ils représentent 50% et captent 58% des salaires.
Je suis à peu près sûr pour la part de la population, mais pas pour la part dans les salaires.
Si on calcule le salaire moyen des Bac+ comme un ratio du salaire moyen de tous les 30-34, on obtient ça :
Ce salaire passe de 1,4x en 1980 à 1,5x en 1995 puis 1,2x en 2010.
En 5 ans, nous sommes passés de « l'Etat n’investit pas suffisamment pour la formation de tous les jeunes » à « une partie de nos jeunes ne méritent pas qu'on les forme, et c'est normal ».
Mon avis : nous nous sommes enlaidis. Nous avons enlaidi notre société.
Honte sur nous.