Si on remonte suffisamment loin dans le passé, nous sommes tous africains. Probablement de quelque part dans la vallée du Grand Rift, entre l’Érythrée et le Mozambique, dans le coin des grands lacs. #Thread
Il se trouve que certains de nos très lointains ancêtres ont eu la drôle d’idée de quitter le berceau originel. Pourquoi ? On ne sait pas trop. Si ça se trouve (et c’est même très probable) ils sont sortis d’Afrique sans s’en rendre compte.
C’est-à-dire qu’on a ici affaire à des chasseurs-cueilleurs, qui, comme tous bons chasseurs-cueilleurs, tendent à se déplacer régulièrement. Traverser le nord du Sinaï en suivant la côte méditerranéenne, ça peut être accidentel.
Et ce, d’autant plus qu’on parle là de dizaines de millénaires : on estime que la révolution néolithique, plusieurs millénaires plus tard, s’est diffusée à une vitesse moyenne d’un kilomètre par an (soit environ 11 cm par heure).
Ce n’est pas qu’ils marchaient lentement. C’est simplement que ces braves gens étaient du genre à squatter le même coin pendant une ou plusieurs années puis, pour une raison ou l’autre, à aller voir plus loin si l’herbe était plus verte.
Alors oui, c’est très lent — loin des grandes aventures épiques qu’on imagine parfois — mais ça suffit largement pour aller de Brest à Vladivostok en 9'000 ans (et je vous rappelle qu’on parle ici de plusieurs dizaines de millénaires).
En vrai, des sorties d’Afrique, il y en a sans doute eu un paquet. Sauf que la plupart de ces premier pionniers se sont fait naturellement sélectionner (ils sont morts sans descendance) ou ont fini par se dire qu’il valait mieux rentrer à la maison.
(Si vous êtes originaire du nord du Cameroun, faites-vous tester pour voir si vous faite partie de l’haplogroupe R1b. Si c’est le cas, je vous laisse vous renseigner pour découvrir par où sont passés vos ancêtres paternels : vous allez bien rigoler.)
Sauf que dans toutes ces tentatives, il semble bien qu’il y en ait une qui ait mieux marché que les autres : environ 90% de ceux d’entre nous qui vivent hors d’Afrique descendent d’une même lignée patrilinéaire (l’haplogroupe F).
(Mesdames, n’y voyez aucun sexisme : il se trouve que l’ADN mitochondrial grâce auquel on sait remonter des lignées matrilinéaires a tendance à muter assez rapidement et que, du coup, c’est un poil plus compliqué à suivre.)
(Pour les mecs : un petit nombre d’entre vous font partie de l’haplogroupe C1a2. Si c’est le cas, sachez que plus « de souche » que vous, c’est pas possible : vous descendez potentiellement d’un gars arrivé ici avant le dernier maximum glaciaire.)
Et comme la sélection naturelle est un truc assez impitoyable, seules quelques branches descendantes de la famille F ont survécu jusqu’à ce jour. Il y a les G, les I et les J (vous êtes un bon nombre à me lire qui descendez d’un de ces groupes).
Mais il y a surtout les K et, notamment, les K2 qui sont les ancêtres des O (ultra-majoritaires en Asie de l’Est), des Q (ceux qui ont peuplé l’Amérique précolombienne) et les R, sur lesquels je vais m’attarder un peu plus.
La famille R, qui est donc une sous-branche de la famille K, qui est elle-même une sous-branche de la famille F, qui est elle-même une sous-branche de la famille A (la 1ère, la V.O.) est sans doute apparue en Asie du nord avant le dernier maximum glaciaire.
On suspecte ces gens d’avoir été des chasseurs de mammouths qui se baladaient entre la Sibérie et l’Europe de l’est, c’est-à-dire dans la Grande steppe, sans doute en suivant les migrations de leurs pachydermes préférés (point #barbecue).
Ce que ce groupe à de rigolo, c’est qu’ils sont les ancêtres communs (par voie patrilinéaire) de la majorité des européens et des habitants du sous-continent indien. Le mot « indo-européen » vous vient peut-être à l’esprit.
Comment en sont-ils arrivés là ? Évidemment, on ne sait pas trop. L’hypothèse la plus fréquente est que, quand les mammouths se sont fait naturellement sélectionner, ils se sont rabattus sur d’autres bestioles comme les bisons ou les aurochs.
Or, il se trouve qu’avec beaucoup de patience, l’auroch peut être domestiqué (et devenir une vache) et que certains de ces gens-là se sont retrouvés dans *the place to be* du début de la révolution néolithique : la Mésopotamie.
Bref, il y a quelque chose comme 10'500 ans, des gens de cette famille sont devenus parmi les premiers éleveurs de l’histoire de l’humanité puis, considérant que la steppe était un endroit idéal pour y élever du bétail, ont fait exactement ça.
Du coup, cette bande de cow-boys avant l’heure a élevé du bétail dans la zone qui couvre, grosso modo, la steppe pontique (au nord de la mer noire, l’Ukraine actuelle), le nord-Caucase et le nord de la mer Caspienne.
Et de là, sans qu’on sache pourquoi, ils se sont dispersés : plusieurs groupes sont partis vers le sud-est et se sont retrouvés en Inde et d’autres, sans doute plus tard, ont commencé à migrer vers l’ouest… C’est-à-dire vers l’Europe de l’ouest.
Tout le monde n’est pas parti : la famille R1a est globalement resté dans le coin et forme encore aujourd’hui la lignée patrilinéaire dominante des peuples slaves (même si on en trouve aussi pas mal chez les germaniques et les baltes).
Ce que ça a de fascinant, c’est que cette découverte de la génétique moderne vient appuyer une vieille idée chère à de nombreux linguistes : celle d’une origine commune des langues dites indo-européennes.
Un exemple amusant (et ça n’est qu’un exemple parmi tant d’autres), c’est le mot « mère ». En français, ça n’a rien d’évident mais cherchez l’équivalent en latin, en anglais (ou en allemand) et en sanskrit ou en farsi (a.k.a. persan) et ça devient frappant.
Bref, une partie de la famille a fini par migrer vers l’Europe de l’ouest, principalement des membres de la branche R1b (note aux camerounais : votre branche de R1b était déjà rentrée en Afrique à ce moment-là, l’élevage n’est pas arrivé en Égypte par magie.)
Un truc qu’il faut bien avoir en tête, c’est que nos cow-boys des steppes sont très loin d’être manchots : clairement, ils ont participé à la première révolution néolithique de l’histoire, celle de la Mésopotamie et du sud de l’Anatolie.
Non seulement ils maitrisent l’élevage (et même un peu d’agriculture) mais, après quelques millénaires passés dans la steppe pontique, ils sont sans doute les premiers à avoir domestiqué la bestiole endémique du coin : le cheval.
Avec ça, ils ont probablement inventé (littéralement) la roue, les premières charrettes et sont aussi de remarquables forgerons ; ce qui mis bout à bout, fait d’eux de redoutables guerriers, notamment sur les terrains découverts.
Et ce sont ces gars-là qui, sans doute vers 2'500 ans avant notre ère, commence à remonter le Danube, franchissent la porte de fer et se retrouvent dans ce que nous appelons aujourd’hui l’Autriche et l’Allemagne, c’est-à-dire au cœur de l’Europe.
Évidemment, comme je ne notais plus haut, c’est un mouvement très lent qui s’étale sur des siècles et, chemin faisant, nos cavaliers-éleveurs des steppes se mélangent aux populations locales de façon plus ou moins pacifique.
C’est-à-dire que, pour continuer sur mon analogie douteuse avec les cow-boys, en Europe il y a des indiens (et depuis très longtemps). La première vague de peuplement date d’avant le dernier maximum glaciaire (la grotte Chauvet, c’est eux).
La seconde date du dégel et des premiers temps du néolithique : ce sont des agriculteurs venus du Levant qui semblent avoir développé une passion pour le dressage de gros cailloux et même l’empilage de gros cailloux sur d’autres gros cailloux.
Au final, quand nos gars des steppes débarquent, ils semblent tomber sur des populations essentiellement pacifiques de gentils fermiers un peu primitifs… Ce qui, vous l’imaginez bien, leur donne quelques avantages.
Petit à petit, au fil des siècles, nos indo-européens vont coloniser quasiment toute l’Europe. Ce n’est pas qu’ils remplacent la population autochtone mais plutôt qu’ils prennent le pouvoir et importent leurs cultures, à commencer par leurs langues.
Et avec le pouvoir, on a de bonnes raisons de penser qu’ils s’arrogent aussi les filles. C’est sans doute comme ça que la lignée patrilinéaire R1b est devenue majoritaire, par exemple, en France (plus de 58% des français actuels).
Bref, depuis le haut cours du Danube (là où, 1'200 ans avant J.-C. émerge la culture de Hallstatt), les nouveaux venus essaiment. Une branche (gallo-ibérique) traverse la France actuelle en direction de l’Espagne et tombe, forcément, sur les basques.
Les filles basques étaient-elles plus difficile à convaincre ? C’est possible. Toujours est-il que c’est un des rares endroits où nos cow-boys n’imposent pas leur langue — le basque est probablement la seule langue européennes qui date d’avant eux.
Une autre branche (celtique-atlantique) remonte vers le nord-ouest et fini par envahir les îles britanniques. On a quelques raisons de penser que ça c’est plutôt mal passé pour les locaux (comprenez : ils se sont probablement fait massacrer).
Une troisième branche (germanique) tire plein nord, vers le nord de l’Allemagne actuelle et la péninsule du Jutland. C’est eux qui, après mélange avec les locaux (notamment les I1), sont très probablement à l’origine des cultures germaniques.
Plus récemment, une quatrième branche (italo-celtique) traverse les Alpes en direction de l’Italie actuelle et, comme partout ailleurs, y importe sa culture et l’ordre social patriarcal et guerrier qui caractérise nos gars des steppes.
Évidemment, ces évènements se déroulants sur des siècles pour ne pas dire un ou deux millénaires, vous vous doutez bien que les gars qui arrivent dans la vallée du Po ont sans doute oublié depuis des lustres d’où venaient leurs ancêtres paternels.
Encore un bon millénaire plus tard, quand leurs descendants devenus romains vont commencer à s’intéresser à la Gaule, aux Îles Britanniques et à la Germanie, ils ont totalement oublié que ce sont de lointains cousins qui gouvernent ces contrées.
Évidemment aussi, même si « nos ancêtres les gaulois » sont largement R1b (sous-clade U152), ils ne le sont pas exclusivement : on trouve aussi pas mal de sous-branches G2a, de E et de I2a… Bref de migrations bien plus anciennes.
Aujourd’hui, R1b est surtout concentré à l’ouest, le long de la façade Atlantique (Îles britanniques, Bretagne et Pays basque espagnol)… Et oui : on en trouve aussi une bonne concentration autour du nord du Cameroun. #Fin
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Quitte à commencer quelque part, autant partir de loin (attention : ça va être un peu long).
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Le Natoufien
Le Natoufien est une culture archéologique datée d’environ 12’500 à 9’500 av. J.-C., juste après le dernier maximum glaciaire. Fait remarquable : ces gens-là pourraient bien être les tous premiers êtres humains à avoir la drôle d’idée de se sédentariser.
En termes d’expansion géographique, les Natoufiens occupent principalement la région qui correspond à Israël, la Palestine et l’Ouest de la Jordanie mais il existe aussi une branche septentrionale du Liban jusqu’au lac el-Assad (Syrie).
De 1516 à 1918, toute la région du Levant (Israël, Jordanie, Liban, Palestine et Syrie) était sous domination ottomane. Sur la fin, la région était divisée en trois vilayets (Syrie, Alep et Beyrouth), un sandjak (Jérusalem) et le Moutassarifat du Mont-Liban.
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<note>
Résumé éclair : jusqu’en 636, le Levant était sous domination romaine puis byzantine. De 661 à 1517, se succèdent les califats arabes (Omeyyadeset et Abbassides), les dynasties Fatimide (chiites) et Ayyoubides (kurdes) et, enfin, les Mamelouks.
Bref, de l’an 1 à 1917, aucun des pays qui composent le Levant actuel n’a existé de façon indépendante et les noms de ces pays n’ont quasiment jamais été utilisés pour désigner la moindre région administrative et encore moins un pays.
Nous avons été méchants avec les gentils Communistes. Il est temps de nous faire pardonner en les aidant à trouver des excuses aux exploits de leurs prédécesseur au cours du siècle écoulé.
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Pour chaque cas, vous devez choisir une des quatre réponses suivantes :
Propagande ! – Rien de tout cela n’est vrai. C’est l’œuvre des bourgeois capitalistes, impérialistes, fascistes et nazis qui inventent des crimes qui n’ont jamais eu lieu ou gonflent les chiffres pour salir les Révolutionnaires.
Comme c’est un sujet qui revient fréquemment (bien qu’indirectement) dans le débat public, il m’a semblé utile de tenter un rapide résumé de ce que la génétique nous apprend sur notre histoire.
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Notre mécanisme de reproduction fait que nous sommes tous le fruit d’un certain type d’interaction (...) entre un individu de sexe masculin (XY, votre papa génétique) et un individu de sexe féminin (XX, votre maman génétique).
Le résultat de cette interaction (bébé) hérite à parts égales du patrimoine génétique de ses parents biologiques (50% de maman et 50% de papa) ; lesquels ont eux-mêmes hérité du patrimoine génétique de leurs propres parents dans les mêmes proportions.
Au début du XXe siècle, la gauche française est dominée par les Radicaux — formellement, le Parti républicain, radical et radical-socialiste (PRRRS), fondé en 1901. C’est la gauche de Léon Gambetta, d’Émile Combes, de Georges Clémenceau et d’Édouard Herriot.
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Leur programme social, c’est l’école publique, la liberté de la presse, le suffrage universel, les politiques de redistribution (notamment via l’impôt sur le revenu) et un attachement viscéral à la laïcité qu’on peut qualifier sans exagérer d’anticléricalisme militant.
Mais un aspect fondamental de leur ADN politique, c’est leur attachement à la République parlementaire. C’est en ce sens qu’ils sont « radicaux ». De leur point de vue, la violence en politique et l’autoritarisme, ce sont des idées de droite, celles de leurs adversaires.
Le 23 août 1939, Viatcheslav Molotov est à Moscou. Pour le ministre des affaires étrangères de Staline, ça n’a rien d’inhabituel ni de particulièrement suspect.
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En revanche, il se trouve que Joachim von Ribbentrop -- qui est ministre des affaires étrangères d’Adolf Hitler -- se trouve aussi à Moscou exactement à la même date.