Thread by @la_revue_Sesame

Qu’y a-t-il de commun entre le Yang-Tsé Kiang et l’Adour ? Ce sont des fleuves ? Oui. Mais ce n’est pas ça. Regardez plutôt sur les berges quels drôles d’arbres y poussent… On parle groseille de Chine et souris végétale… C’est le #thread du mercredi. vous venez ? 1/n

À l’origine donc, le #kiwi, puisque c’est de cela dont on parle, s’appelle alors Yang Tao (pêche du yang tsé) en chinois, pousse à l’état sauvage et est consommé via la cueillette. Cet arbre, cette liane plutôt, intrigue d’ailleurs les visiteurs étrangers… 2/n

Tapez « histoire kiwi » dans votre fureteur préféré et vous tomberez rapidement sur le nom d’un jésuite, Pierre Le Chéron d’Incarville… 3/n

… qui, tout au long de son séjour en Chine au XVIIIe siècle, a exploré la flore chinoise et mis en place un fructueux échange de graines ente les deux pays 4/n
fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Ni…

C’est à lui que l’on doit visiblement la première description occidentale du kiwi, qui ne s’appelait donc pas encore ainsi et s’appellera dans un premier temps "groseille de Chine" (notez c'est important. D’autres s’y intéresseront comme Augustine Henry à la fin du XIXe… 5/n

Ce botaniste amateur remarque que les fruits pourraient certainement être améliorés par une conduite en verger au lieu de folâtrer librement dans la nature et en expédie en Europe… Mais c’est un autre botaniste anglais, E.H. Wilson, qui sera déterminant pour le kiwi. 6/n

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il est surnommé « Le Chinois » tant il a arpenté le territoire chinois pour collecter des plantes et les expédier vers l’Occident, ce que le jésuite français n’avait pas eu le loisir de faire… 7/n

fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_He…

Par l’intermédiaire de Wilson, le kiwi fait son entrée au catalogue de son employeur d’alors, le grand pépiniériste anglais Veitch & Sons, qui, pour autant, n’a pas su transformer sous le climat anglais le potentiel du kiwi détecté par Henry et Wilson. 8/n

Parce que, c’est ce qu’écrit Wilson, l’entreprise n’a pas réussi à surmonter l’absence d’autofertilité du kiwi… Il faut là faire une parenthèse et détour par la biologie… 9/n

Comme d’autres espèces dioïques, le kiwi a des arbres mâles et des arbres femelles et il faut correctement agencer les vergers pour la pollinisation. Sans compter que les fleurs ne sont pas très attirantes pour les abeilles… Fin de la parenthèse. 10/n
jardinsdefrance.org/le-kiwi-actini…

Revenons donc au début du XXe siècle, entre-temps, même Vilmorin s’est frotté au kiwi. En France, les premiers plants déboulent en 1904, dans le sud, puis en 1920 au Jardin des Plantes où, faute de connaissances de la taille en particulier, ils ne fructifieront qu’en 1937… 11/n

Les graines arrivent également aux États-Unis qui donnèrent… Un unique kiwi (qui ne s’appelait pas encore comme ça) en 1917. Pas assez pour lui faire dépasser le stade de plante d’ornement dans le pays. 12/n

Il y a toutefois une certaine ironie de l’histoire, fait remarquer A.R. Ferguson, auteur d’un article complet sur cette aventure. Autant l’arrivée du kiwi en Grande-Bretagne et aux États-Unis est documentée, autant elle demeure discrète tant on en sait peu…/… 13/n

…/… sur l’introduction de la plante en Nouvelle-Zélande d’où elle partira à la conquête du monde ! Le kiwi y a débarqué, comme ailleurs, au début du XXe, probablement sous forme de graine dans la poche d’une institutrice partie passer quelques jours de vacances en Chine. 14/n

Et c’est ainsi que tout démarre dans un petit verger néozélandais. Si vous n’en avez pas eu assez, vous avez dans ce fort papier de Ferguson un historique assez précis de la colonisation de la planète par le kiwi… 15/n
arnoldia.arboretum.harvard.edu/pdf/articles/1…

Vous avouerez que « Pêche du Yang Tsé » c’est un peu long pour le marketing même si c’est joli. Alors il a fallu trouver un nouveau nom. La première traduction fut, en anglais, « groseille à maquereau de Chine » (gooseberry). Ce qui est assez peu attractif… 16/n

Et cela pose des problèmes aux exportateurs NZ de kiwis sur le marché américain. Les douanes leur cherchent des poux dans la tête sur des questions de contamination à l’anthrax, interdisent l’entrée des produits… On est dans les années cinquante. 17/n

L’exportateur Turners & Growers est alors sommé par son importateur américain de trouver un nom plus sexy pour s’affranchir de la connotation négative que pouvait avoir le terme « groseille » auprès des consommateurs locaux. 18/n
time.com/4662293/kiwifr…

l se dit aussi que c’était pour éviter de mentionner l’origine chinoise (mais je n’ai pas trouvé de mention étayée de cela), car on est alors en pleine guerre froide… 19/n

Après avoir refusé « melonette », l’exportateur a porté son choix sur l’oiseau emblématique du pays, le… kiwi. Qui, à l'instar du taureau Osborne en Espagne, devient vite emblématique 20/n
sbs.com.au/food/article/2…

Le terme a d’ailleurs été, comble de l’histoire, traduit en chinois et depuis, pour protéger leur origine le kiwi néozélandais est aujourd’hui majoritairement commercialisé sous la marque Zespri, pour le différencier des autres bassins de production 21/n.
zespri.com/fr-FR/blogdeta…

Mais attendez, ce n’est pas tout ! En France, au tournant de la deuxième guerre mondiale, c’est le nom « souris végétale » qui est retenu pour commercialiser ce fruit… À cause de sa peau ornée de ce qui ressemble à un pelage de poils courts… 22/n

Ça ne vous rappelle rien ? Ça résonne drôlement avec nos préoccupations sémantique actuelles autour des « viandes » de synthèse ou végétales vous ne trouvez pas ? 23/n

Bon, peu enjoués à l’idée d’ingurgiter une souris, fût-elle sucrée, les consommateurs n’ont pas adhéré laissant en plan le potentiel du fruit avant la 2d guerre mondiale 24/n
jardindesplantesdeparis.fr/fr/aller-plus-…

Et le Kiwi s’est effacé avant de revenir un peu plus tard… Dans les années soixante. Et c’est là qu’on retrouve les berges de l’Adour puisque c’est dans le sud-ouest qu’Henri Pedelucq implante de nouveaux vergers… 25/n

… pour profiter de l’engouement naissant des consommateurs européens pour les kiwis importés de Nouvelle-Zélande. Très vite, le Lot-et-Garonne, avec Jacques Sanz, montera dans la barque. Les premiers kiwis français sont commercialisés en 1972… 26/n

C’est le début de deux décennies de développement jusqu’à la crise de 1992 qui va rebattre les cartes. En cause, la présence des kiwis néo-zélandais toute l’année sur le marché mondial alors que la production européenne enfle… 27/n

… et la décision italienne de casser les prix pour obliger les Néozélandais à « partager le calendrier du marché » qui rend, ajoutée à la dévaluation de la lire, les kiwis français peu compétitifs. 28/n

Bénéfice de la crise, la consommation se développe à la faveur de prix bas et en 1997, le marché retrouve son équilibre… 29/n

lekiwidefrance.fr/les-producteur…

Aujourd’hui, la Chine est devenue le premier producteur mondial de kiwis devant l’Italie, la Nouvelle-Zélande, l’Iran et le Chili… 30/n
nzhistory.govt.nz/the-chinese-go…

Si la variété phare, le Hayward à chair verte, créé en Nouvelle-Zélande en 1928, domine le monde, de nouveaux kiwis ont percé, à chair jaune ou rouge… 31/n
alimentarium.org/fr/savoir/kiwi

Mais tous les vergers de kiwis du monde doivent quelque chose à l’institutrice néozélandaise qui a ramené les graines et à la ferme d’Alexander Allison à Whanganui… 32/n

où a débuté cette incroyable conquête qui a mené les lianes des actinidias du Yang Tsé Kiang jusqu’aux berges de l’Adour ! 33/33 #fin

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