Sa mère tombe
"J’ai appelé les pompiers qui ont brisé la vitre extérieure. Avec leur échelle, ils sont entrés et ont ouvert la porte de l'appartement. Je suis entrée et ma mère était nue sur le sol où elle avait passé visiblement plusieurs heures." #ehpad radiofrance.fr/franceinter/po…
"Voir sa mère âgée et nue n'est pas une expérience banale et simple, mais la voir nue, et allongée sur le sol, le regard perdu, hagard, a été traumatisant. Qu’est-ce que la grande vieillesse pour une vieille femme qui tombe dans son appartement, qui ne peut pas se relever ?
Mais qui ne veut pas aller à la maison de retraite, ce que je comprends parfaitement, mais qui ne peut plus vivre seule. Comment fait-on ? Comment se débrouille-t-on pour gérer ces situations ?
Je lui avais promis que je serai là pour son arrivée en #ehpad
Elle pleurait
et je lui disais 'Mais maman, tu verras, tu seras bien ici, ils vont bien s'occuper de toi', sachant que ça n'était pas vrai. Elle savait très bien que ce n'était pas vrai. C'est un déménagement sans retour. C'est son dernier logement, sa dernière demeure, avant le décès. »
Un espace qui se clôture
Le sociologue constate : « Pour qu'elle ne tombe pas, le personnel de la maison de retraite avait relevé les barreaux de son lit, pour qu'elle n'ait pas la tentation d'aller chercher des affaires dans le placard, on avait fermé à clé et enlevé la clé…
Elle me le racontait au téléphone. Son espace restreignait, se réduisait.
J'ai beaucoup lu et travaillé dans le cadre d'une tradition philosophique de Merleau-Ponty, Sartre… Pour laquelle la définition de l'existence humaine est pouvoir se projeter dans le temps et dans l'espace
Quand vous ne pouvez plus bouger de votre lit, l'espace se réduit à presque rien
Vous ne pouvez pas non plus vous projeter dans l'avenir en disant 'la semaine, l'an prochain', je ferai ça'. Donc ce qui définit l'existence humaine se réduit de plus en plus. Tout s’était refermé."
"Si vous prenez les concepts de la philosophie politique de tte une liste, le contrat social, le dissensus ou même le consensus, la prise de parole, la résistance, la manifestation, la désobéissance civile, le peuple assemblé, tous ces concepts impliquent des cerveaux qui peuvent
discuter des libérés, des corps qui peuvent descendre dans la rue. Je me suis demandé quelle était la place pour ma mère dans la philosophie politique ? Elle me laissait des messages interminables la nuit qui disait : 'On me maltraite ici, je ne sais pas ce que je leur ai fait.
Je ne sais pas pourquoi ils me veulent du mal, mais on me maltraite.'
Évidemment, que les personnes âgées dans les maisons de retraite ne vont pas se rassembler dans le couloir, faire une pétition, partir en manifestation… ! Arrivée à l’#Ehpad, ma mère ne put plus dire 'nous'"
Simone de Beauvoir a écrit 2 grands livres : 'Le 2e sexe' et 'La vieillesse', l’un est devenu best-seller, l’autre pas
Il y a un mouvement féministe, mais il n'y a pas un mouvement des vieux qui ferait exister génération après génération l'intérêt pour un livre sur la vieillesse"
Avoir été un fils et ne plus l'être
Didier Eribon fait le triste constat :
"Toute ma vie, j'ai refusé d'être un fils. J'ai quitté ma famille quand j'avais 19 ans. Je ne voulais plus être le fils de cette famille. Je ne voulais plus être un fils. Je suis l'ami de mes amis.
Et puis je suis redevenu un fils quand j'ai appris la mort de mon père, quand j'ai retrouvé ma mère, je me suis réconcilié avec elle. J'étais redevenu un fils et par la même occasion, un frère.
Comme le dit l'écrivain américain John Edgar Wideman, 'dans la famille, on a une carte
de membre qui est toujours dans un tiroir et vous pouvez toujours la ressortir et la faire valoir'
Je suis membre de la famille, on ne quitte pas sa famille aussi simplement. Quand ma mère est morte, je n'étais plus un fils et c'est cette part de mon identité,
même s’il elle avait été déniée un temps, j'étais redevenu un fils et là, je ne l’étais plus du tout."
1940, en Allemagne, des prêtres prisonniers demandent à Jean-Paul Sartre, prisonnier depuis quelques mois avec eux, de rédiger une petite méditation pour la veillée de #Noel. Sartre, l’athée, accepte
« Vous avez le droit d’exiger qu’on vous montre la #Crèche. La voici. 👉
Voici la #Vierge, voici #Joseph et voici l’#Enfant#Jesus. L’artiste a mis tout son amour dans ce dessin, vous le trouverez peut-être naïf, mais écoutez. Vous n’avez qu’à fermer les yeux pour m’entendre et je vous dirai comment je les vois au-dedans de moi.
La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant
Ce qu’il faudrait peindre sur son visage, c’est un émerveillement anxieux, qui n’apparut qu’une seule fois sur une figure humaine, car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles
Elle l’a porté neuf mois
Les medcos "Terminer paisiblement ses jours en #ehpad, entouré de sa famille, avec l’aide de personnels formés à l’amélioration de la qualité de vie et aux pratiques gériatriques, semblait être depuis bien longtemps le souhait de tous nos résidents 👉 mcoor.fr/2022/12/08/con…
L’ouverture de la convention citoyenne sur la fin de vie fait surgir une épée de Damoclès sur la tête des résidents d’ #ehpad, avec la perspective d’une loi qui potentiellement pourrait imposer à nos structures la pratique de l’ #euthanasie ou de #Suicides assistés
Poke @JCCOMBE
La grande majorité des résidents est atteinte de maladies neuro-dégénératives. Ils ne sont plus en capacité de donner un avis éclairé.
L’application d’une directive anticipée rédigée avant l’apparition de leur maladie leur retirerait le droit de pouvoir changer d’avis 👉
Christian Bobin
Avant d'entrer dans la maison où il est aujourd'hui, mon père a séjourné pendant qq semaines chez les morts, à l'hôpital psychiatrique. Les morts n'étaient pas les malades mais les infirmiers qui les abandonnaient pour la journée entière sans aucun soin de parole.
Les morts étaient ces gens de bonne santé et de vive jeunesse, répondant à mes questions en invoquant le manque de temps et de personnel, et qui, agacés, finissaient par conclure "de toute façon, vous ne pouvez pas comprendre. Vous êtes dehors et il faut être dedans, du métier 👉
pour avoir la bonne intelligence, légitime"
Les morts étaient ces gens murés dans leur surdité professionnelle
Personne ne leur avait appris que soigner c'est aussi dévisager, parler, reconnaître par le regard et la parole la souveraineté intacte de ceux qui ont tout perdu 👉