#VendrediLecture dans ce livre qui vient de sortir chez @Anacharsis_Edit , Alexis Lycas @lxslcs se penche sur l'histoire des Man, un peuple qui a vécu autour du fleuve Bleu pendant un peu plus de 1000 ans (200 av JC - 900 ap JC).
Un thread ⬇️!
Le livre est dense, érudit, passionnant. Plusieurs choses en ressortent. D’abord, un rapport complexe aux sources : les Man n’ont en effet produit aucune source. On est donc dépendants des sources produites par les dominants, notamment de sources « chinoises »
Par conséquent, comme l’écrit joliment l’historien, « ce livre parle de ceux qui parlent (les Han) de ceux qui ne parlent pas (les Man) »
Et précisément, A. Lykas n'essaye pas de faire parler les Man (impossible), il travaille sur les discours produits sur eux, autour d'eux
D’ailleurs, le terme même de « Man » vient uniquement de sources extérieures. C’est ce qu’on appelle un terme "étique", par opposition à un terme "émique" (qui vient donc des personnes étudiées). #minutejargon
Alexis Lycas brasse un ensemble de sources disparates : des chroniques, des poèmes, mais aussi toute une historiographie plus ou moins récente qui a tenté de cartographier cette population floue que sont les Man...
Le chapitre 4, consacré aux mécanismes par lesquels les Han ont tenté (avec une réussite variable selon les périodes) de contrôler cette population est à mes yeux le plus intéressant. Alexis Lycas y insiste sur la variété des mécanismes déployés au fil des siècles.
Présence militaire, bien sûr, soit structurelle (des garnisons) soit ponctuelle (des expéditions, notamment lors des révoltes des Man, qui scandent la période) ; mais aussi jeu du tribut/de l’impôt.
En théorie exemptés de l’impôt en raison d’un lointain ancêtre appartenant à la famille impériale, les Man payent en réalité un impôt spécial, le cong, souvent payé en tissu et qui joue un rôle clé dans l'économie publique de la région
Autour de l'impôt se noue un jeu très subtil, à la fois administratif, politique et rhétorique, qui place au coeur des mécanismes de pouvoir la figure du fonctionnaire. Les pages 207-214 du livre sont véritablement passionnantes à cet égard.
Pour consolider leur emprise sur la région, les élites chinoises recourent également à des octrois de titres, de privilèges, de distinctions, etc, qui participent aussi de la lente sinisation des Man, au fil des siècles.
"Les Man" sont une invention du pouvoir impérial : on ne saura jamais comment ces populations parlaient d'elles-mêmes, comment elles se percevaient. Mais la manière dont elles ont été décrites, racontées, fabriquées par les Han en dit long sur la nature du pouvoir impérial.
Traversée rapide d'un ouvrage qui a beaucoup plus à offrir et dont je vous recommande vivement la lecture si vous vous intéressez à la Chine impériale, mais aussi à ces questions d'altérité, de pouvoir, etc.
Aujourd’hui, je vous raconte une histoire incroyable mais 100% véridique. Une histoire de revenant, de moines inquiets et d’une reine qui rend la justice...
On est en février 1137, dans le royaume de Jérusalem. A la cour royale, personne n’en croit ses yeux... Un thread ⬇️ !
Devant le roi Foulques et la reine Mélisende, Geoffroy de la Tour, un petit noble latin, se présente. Stupéfaction de l’assemblée : il vient d’être libéré d’une prison du Caire, dans laquelle il a passé... 33 ans !
Vous avez bien lu : 33 ans. Il a été capturé vers 1103-1104, et les diverses tentatives faites par sa famille pour obtenir sa libération n’ont jamais abouties. Jusqu’en 1137, grâce à l’intermission d’un évêque arménien proche du nouveau vizir (arménien lui aussi) d’Egypte.
En 1122, un écrivain égyptien, al-Turtushi, écrit un texte appelé Une lampe pour les dirigeants. C’est un petit miroir au prince, un traité philosophico-politique destiné aux souverains.
Il y raconte une étrange rencontre entre un ermite chrétien et un émir... Un thread ⬇️!
L’histoire se passe en al-Andalus. L’émir de Saragosse reçoit la visite d’un ermite chrétien, qui a renoncé aux richesses matérielles pour vivre dans la pauvreté. Pendant plusieurs jours, l’émir fait défiler toutes ses richesses devant l’ermite...
Et ça y va : chevaux, soldats, esclaves, soieries, or, bijoux, etc.
Dans son dernier livre, @raphaeldoan imagine une uchronie. Une uchronie, c’est une histoire qui n’a pas eu lieu, à partir d’un « turning point » : et si Napoléon avait perdu à Austerlitz ?
En l’occurrence : et si les Romains avaient inventé la machine à vapeur ? Un thread ⬇️!
Ce n’est pas du tout absurde. Comme le rappelle l’auteur, une machine à vapeur très embryonnaire était connue dans l’Antiquité. Mais elle était trop peu efficace. Il aurait suffi de quelques tuyaux plus étanches et pouf, voilà des Romains en pleine révolution industrielle...
En outre, les Romains aimaient l’innovation technologique, souvent soutenue par l’Etat impérial. Meilleures grues, meilleures techniques de construction, automates, etc... Pas improbable d’imaginer qu’une telle machine aurait rencontré un grand succès.
Cette petite pièce n'a l'air de rien mais c'est vraiment une découverte capitale : le premier denier au nom de Charlemagne et de sa femme, la reine Fastrada.
Frappé à Aix en 793, ce denier, étudié par @SimonCoupland, a plein de choses à nous dire... Petit thread ⬇️
Cette pièce a été achetée (sur eBay !) par le Centre Charlemagne d'Aix la Chapelle en 2022. Malheureusement, on ne sait pas où elle a été découverte, mais on est sûr qu'elle est authentique (notamment par la taille des lettres, des croix, etc).
Elle est importante, d'abord parce que c'est la seule pièce carolingienne sur laquelle le nom d'une reine est mentionnée... !
@NinoXeno Ok c'est passionnant comme question. "Comment savez-vous ce que vous dites", c'est la base du raisonnement critique. Je réponds en prenant un peu le temps.
D'abord : j'expose, précisément, d'où je sais. Je cite la biblio, des livres, des articles, etc.
@NinoXeno Autant que possible, je cite des sources "primaires", càd des documents produits à l'époque qu'on étudie. C'est le fondement de tout discours historique et il faut toujours revenir à ça : les sources. Dans la vidéo de TdE, évidemment, aucune source.
@NinoXeno Comment est-ce que je "sais" ? J'ai eu des cours, j'ai lu des livres, je participe à des colloques, j'écoute des podcasts (@PMedievistes ou @parolesdhist), je discute avec des collègues, etc. Dynamiques d'accumulation d'un savoir technique, comme dans tous les métiers.
Il y a 8 jours, Thaïs d’Escufflon, influenceuse identitaire, a sorti une vidéo sur l’histoire d’Al-Andalus en général et du Cid en particulier.
Au menu, exagérations, anachronismes et mensonges, au service d'une vision raciste et nationaliste de l’histoire : un thread ⬇️!
Avant de commencer : le thread ne portera pas sur le fond politique de la vidéo. Thaïs d’Escufflon (que j’abrège en TdE) porte clairement ses couleurs et mentionne tous les mots-clés de cette extrême-droite (remigration, français de souche, contre-attaque, etc). Sur ça : 🤫
De même, elle dit explicitement qu’il s’agit pour elle de trouver un « héros » qui puisse servir de « modèle », qui puisse « inspirer » son camp politique. Soit, tant qu’on sait que c’est là une démarche qui est aux antipodes de l’histoire comme discipline scientifique...