Magali Reghezza Profile picture
@magalireghezza.bsky.social Géographe. Environnement, risques et catastrophes, résilience et adaptation. Compte personnel.

Feb 21, 2022, 43 tweets

J-7 pour l’AR6 II du #GIEC sur impacts/adaptation. Un nouveau plan national d’adaptation (PNACC) est aussi attendu avec la Stratégie française Énergie-climat (SFEC). En attendant, un dernier 🧵 sur #adaptation & #resilience (pensez aussi au rapport 2021 @hc_climat). C'est parti!

#resilience, #adaptation, #vulnerabilité sont toujours discutées dans le champ scientifique. Mais comment les rendre opérationnelles (et opératoire) ? 1/

Partons de l’objectif : la résilience au changement climatique et à ses impacts, rappelés dans les infographies disponibles sur le site de @BonPote , et pour la France, dans le rapport du @hc_climat 2/

La résilience désigne d’abord d’un état (state), résultat (outcome) d’un processus (process) plus ou moins long. Dans cette acception, elle renvoie soit à l’ajustement réactif (réponse pendant le choc/crise), soit l’adaptation incrémentale (transformation par apprentissage). 3/

Pour s’engager au contraire dans une logique préventive, il est nécessaire de mettre en œuvre des actions qui vont permettre à la fois de ↘️ l’exposition & la sensibilité aux impacts, et d’↗️ les capacités de réponse aux chocs et crises, donc d’agir en amont des perturbations. 4/

Cela ne vaut pas dire qu’il faille renoncer à l’ajustement et l’incrémental. Mais la reconstruction doit devenir préventive (build back better) ; la prévention rimer avec préparation & anticipation ; les changements être structurels pour s’attaquer aux racines du problème. 5/

Concrètement, peut-on développer en amont de toute perturbation des propriétés intrinsèques qui vont permettre effectivement d’être résilient ? Si oui, il suffit de créer, renforcer et développer ces propriétés (capacity building) 6/

Posée ainsi, la question réduit la résilience à des propriétés intrinsèques, innées ou acquises, et éventuellement, à la création/ ↗️ des ressources. Quid des conditions sociales, économiques et politiques qui permettent à ces capacités d’exister et de s’exprimer ? 7/

De plus, la résilience ne peut se constater qu’a posteriori : seule la perturbation va confirmer cette capacité de résilience (effondrement ou pas). Avec là encore une question : qui dit la résilience ? Et résilience pour qui ? Avec quel « état » à l’arrivée ? /8

La résilience est d’abord discours performatif. On est résilient parce que quelqu’un dit qu’on l’est. Je vous renvoie ici aux nombreux travaux sur les « narratifs » politiques de la résilience, repris dans cet ouvrage collectif dirigé avec @SamuelRufat 9/

Il n’empêche. La résilience rend à nouveau l'action possible, car elle implique que
➡️ menace ≠ crise si on ↘️ l’exposition et la vulnérabilité
➡️ la crise ne conduit pas forcément à l’effondrement (temporaire ou définitif) si on ↗️ les capacités d’adaptation. 10/

La résilience permet donc de contrer l’un des fameux discours de l’inaction (on y arrivera jamais ! ) résumés dans l’article de Bon pote 11/. bonpote.com/climat-les-12-…
👇

Le problème n'est plus « à quel prix puis-je éradiquer le danger », mais « quel niveau de dommages suis-je prêt à accepter? ». Mais alors, pourquoi atténuer ? Il suffit de s’adapter. FAUX : il y a des limites, de seuils au-delà desquels l'adaptation devient quasi impossible. 12/

La résilience demande d'agir conjointement sur la menace (atténuation) et la vulnérabilité (adaptation). Même si parfois, localement, ça ne fonctionne pas. On doit rechercher au maximum les co-bénéfices. 13/

Le niveau d’acceptabilité ne peut pas être purement objectif. Au-delà des seuils d’irréversibilité quantifiables, l’acceptabilité est toujours socialement négociée selon des valeurs des rapports de forces. Cf. le célèbre dilemme du tramway 👇 14/
ted.com/talks/eleanor_…

Ça se complique encore quand on sait que sur le terrain, il faut tenir compte des processus en cours (démographiques, urbains, économiques, etc.) et des innovations technologiques. Et envisager le système, mais aussi ses composantes. C'est là que surgit l'incertitude. 15/

L’incertitude, c’est ce que l’on ne sait pas (Lapalisse n'aurait pas dit mieux).
Dans le détail, l’incertitude désigne plusieurs situations : imprévu, aléatoire, inconnu, imprédictible, etc. Les situations sont résumées par cette célèbre citation de Rumsfeld. 16/

Ci-dessous, une application au changement climatique 17/
researchgate.net/publication/34…

Les catégories établies par Rumsfeld sont fondées sur la la combinaison entre notre niveau de perception (awareness) et de connaissance/savoir (knowledge). 18/

Les Modernes ont inventé la catégorie du risque pour maîtriser l’incertitude en la « métrisant », ie en lui donnant une « métrique » par le calcul de probabilité et les techniques de l’actuariat. Pb: selon le type d’incertitude, la technique actuaire ne peut plus fonctionner. 19/

Si le comportement de certains systèmes est imprédictible, c’est à cause de leur hyper-complexité et/ou de leur comportement chaotique. 20/

Lorsque l’on doit prendre une décision, on a affaire aux 4 situations décrites ci-dessous. Simple & compliqué relèvent du prédictible (known knowns & unknowns), complexe (unknowns unknowns) d’une prédictibilité réduite, chaotique de l’imprédictible strict (unknowables). 21/

Pour aller plus loin, trois ouvrages 👇 22/

Lorsque c’est compliqué, il « suffit » de découper le problème (analyse), de le déplier (explication), puis de rassembler le tout (synthèse). Compliqué, c’est « plié ensemble » : quand on découpe l’éventail pli par pli, puis qu’on le reconstitue, il reste éventail. 23/

« Complexe », c’est tissé ensemble, comme un tapis. Si on découpe le tapis ou si on tire le fil, on casse le tissage et on perd l’unité du tapis tapis. On parle de "paradigme de la complexité" (cf. E. Morin) 24/

Face à la complexité, il faut penser le système, ses composantes ET les interactions/rétractions. /25
revue.reticulum.info/concepts/

C’est de là que vient l’injonction à « penser global »
➡️ diagnostics systémiques
➡️ stratégies intégrant les secteurs d’actions ET leurs interactions
➡️ pilotage transversal
‼️ on n'agit ni global, ni systémique. L'action est territorialisée et sectorielle (subsidiarité) 26/

📢 La complexité et les incertitudes alimentent l’inaction. La résilience offre une alternative : on peut agir en ↗️ nos capacités d’anticipation, de réaction, de relèvement. D’où l’adaptation, qui suppose AUSSI de poursuivre l’atténuation. /27

Concrètement on fait quoi ?
On a un éventail d’attitudes et de degrés d’intervention, qui vont du maintien à l’identique (résistance) à la transformation structurelle (adaptation) 28/

nature.com/articles/s4200…

Trois grands domaines d’intervention sont possibles
➡️ Prévention des risques de catastrophes : atténuation & réduction de l’exposition/sensibilité & préparation
➡️ Gestion de crise
➡️ Post-crise : indemnisation, reconstruction préventive, apprentissage 29/

Quel que soit le domaine, on peut (et doit) combiner tous les leviers d’action déjà présentés dans le fil précédent et le rapport 2021 du @hc_climat 30/

Concrètement, à court terme :
➡️ consolider et ↗️↗️ les capacités de réactions face aux événements extrêmes
➡️ renforcer la gestion de crise (moyens humains, logistiques et financiers),
➡️ développer l'apprentissage (retours d'expérience) et reconstruction préventive 31/

➡️ élargir la prévention, au-delà des mesures dites « structurelles » (infrastructures de protection) et des changements de comportements individuels
➡️ faire évoluer l’ensemble des plans et documents de prévention pour intégrer un climat qui change /31 bis

➡️ passer de l’appréciation ex ante, avec multiplication d’appels à projet sans réelle évaluation postérieure, à une évaluation ex post systématique, impliquant une réorientation si besoin.
Ces mesures sont indiquées dans le rapport du @hc_climat.
/31 ter

Systématiser les diagnostics de vulnérabilités à l'échelle nationale et locale, sur la base des scénarios du #GIEC et ceux de l’@ademe , pour identifier les territoires, activités, infrastructures, habitats les plus exposés et anticiper les relocalisations et reconversion 32/

Le PNACC doit prendre la forme d’une stratégie nationale, territorialisée, qui dessine à horizon +5/10/20 ans une vision prospective et stratégique globale du territoire et des actions d’aménagement à engager 33/
ens.psl.eu/actualites/pla…

À moyen terme, il faut engager réforme juste du système d’indemnisation, pour intégrer les pertes et dommages indirects, les relocalisations temporaires ou provisoires, et l’ensemble des secteurs (notamment le secteur agricole)./34
senat.fr/notice-rapport… senat.fr/rap/r18-628/r1…

Le climat qui change doit être intégré à la robustesse des systèmes d’assurance maladie, de retraite, et plus largement de santé publique et de mutualisation des risques /35

Une réforme structurelle de la formation, notamment professionnelle, doit être engagée dès maintenant pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre de demain et pourvoir les emplois futurs, qui demanderont de nouvelles compétences et de nouveaux savoir-faire. 36/

Dans les dix ans, il faudra modifier l’organisation de notre territoire national et des territoires, en agissant sur le matériel (infrastructures, bâtis, écosystèmes), fonctionnel (types d’activité, liens de solidarités), organisationnel (où on localise quoi?) 37/

Cela suppose de réfléchir en termes d'aménagement DU territoire, tout en continuant à aménager LES territoires. Et de rendre plus efficace la gouvernance existante, au lieu d'inventer de nouvelles mailles de compétences et de chercher un illusoire optimum territorial /38

On peut enfin définir des principes d'arbitrage :
➡️ Privilégier les co-bénéfices, les solutions sans regret & réversibles
➡️ Intégrer systématiquement le climat qui change aux études d’impacts pour identifier les mal-adaptations
➡️ Solutions fondées sur la nature
/39

📢Changement climatique, crise de la biodiversité, érosion des ressources, pollutions. C'est maintenant.
Stratégie nationale énergie climat, SNBC3, PNACC 3, c'est bientôt.
Conclusion? 🤔 /40

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