Il est à présent temps de faire cesser ce défaut de l’esprit qui consiste à penser uniquement en « pour/contre ».
Nous touchons ici aux fondements de la démocratie et la réflexion doit être dialectique et collective.
Explications et mises en perspective. 👇
1. Cette question ne peut être considérée comme « illégitime » car en vertu de l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 « la souveraineté nationale appartient au peuple ». Elle peut donc être posée de droit par le peuple car elle est touche à sa souveraineté.
2. Le bien-fondé de cette question est d’autant plus nette que ce même article 3 énonce que le peuple « exerce » sa souveraineté par deux moyens dont l’un des deux est le « référendum ». Il est donc un « moyen » considéré comme légitime par les Constituants de 1958.
3. Dire pour autant que toute médiation politique est illégitime n’est pas plus vrai. L’article 3 énonce que l’autre moyen d’expression de la souveraineté nationale réside dans « ses représentants ».
4. A la Lumière de ces éléments il convient de reconnaître que la Constitution offre ces deux voies d’expression concurrentes. La « coutume » constitutionnelle de la Ve République a fait prévaloir la voie représentative mais elle n’a pas de valeur constitutionnelle supplémentaire
5. Le RIC remet en cause cette « coutume ». Il vise à revitaliser une disposition constitutionnelle existante et lui donner une teneur nouvelle (sous la Ve République nous avons eu que 9 référendums).
6. Au titre de la Constitution et de son article 11, l’organisation du référendum appartenait à l’origine au président de la République (sous proposition gouvernement) et pour certaines matières bien définies.
7. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 et après la prise en compte de la demande de « davantage de démocratie » par le Comite Vedel puis le Comite Balladur, une nouvelle voie référendaire a été ouverte.
8. Un référendum peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
9. Mais cette nouveauté a été jugée trop timide car elle ne permet pas « l’initiative populaire » et soumet le référendum à l’initiative parlementaire.
10. Le RIC cache dans son ourlet davantage donc que la question référendaire. Il interroge la place du peuple dans la démocratie française qui n’est pas une démocratie « pure » mais une démocratie représentative. Cela n’est pas sans interroger l’idée démocratique.
11. Car comme l’écrivait Bernard Manon dans les « Principes du gouvernement représentatif » (1996): « Les démocraties contemporaines sont issues d’une forme de gouvernement que ses fondateurs opposaient à la démocratie ».
12. Au sens de la science politique pure, nous ne vivons donc pas en « démocratie » mais dans un régime hybride inspiré de ce que les Anciens appellaient le régime mixte (et qui était caractérisé par un mélange de monarchie, d’aristocratie et de démocratie).
13. Il appartient désormais aux partisans du « gouvernement représentatif » et à ceux de la « démocratie pure » de discuter, de débattre et de présenter des arguments pour justifier leurs préférences. Puis le peuple tranchera.
14. Alors nous pourrons dire que nous avons saisi pleinement les enjeux de l’époque, enjeux qui bien plus qu’une interrogation sur le meilleur des gouvernement aura été un interrogation sur le meilleur des régimes.
Bernard Manin*
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"Oblomov" est une figure en Russie aussi évocatrice qu'un "Faust" ou qu'un "Dom Juan".
Retour sur une oeuvre fondamentale de la littérature qui a fascinée aussi bien Pontalis que Levinas, et dont Dobrolioubov dans un article fameux en a fait une doctrine : "l'oblomovisme".
1. "Oblomov" (1859) est l'oeuvre majeure de l'écrivain russe Ivan Gontcharov (1812-1891). Il a été considéré comme un livre essentiel dès sa parution par ses contemporains parmi lesquels on trouve Tolstoï ou Dostoïeveski qui ont chacun fait part de leur admiration.
2. L'histoire du roman est bien connue: c'est l'histoire d'un homme qui ne veut pas quitter son divan.
Ce court résumé ne laisse pourtant pas imaginer la richesse de cet ouvrage en tt point extraordinaire. Car derrière cette apparente simplicité se cache un roman philosophique
On se demande toujours si cela vaut la peine de gaspiller du temps à critiquer les choix éditoriaux de Stéphane Bern ou la propagande contre-révolutionnaire d'un L. Deutsch, mais puisque beaucoup me demandent mon avis sur la série Netxflix "La Révolution", je vais en dire un mot.
1. En réalité, je ne devrais rien rajouter à ce qu'a dit @jcbuttier : c'est un navet.
Et comme pour tout navet, le seul commentaire à y ajouter devrait être d'encourager à passer son chemin et d'aller ouvrir un livre de Michelet, Quinet, Mathiez, Walter ou Soboul.
2. Mais il y a une chose qui peut et doit susciter plus que ce désintérêt. C'est l'effet délétère que peut produire cette série.
J'ai tendance en effet à considérer que toutes nos analyses doivent partir du réel, des conditions matérielles de vie, de l'ethos populaire
L’automne rôde à nos portes et le mois nouveau appelle à relire (ou lire) cette nouvelle souvent délaissée de Flaubert (« Novembre », 1842),
écrit de jeunesse qu’il a un peu renié et qui éclaire pourtant si bien toute son œuvre. #VendrediLecture#Thread#litterature
1. Il y a « plusieurs » Flaubert.
Le jeune Flaubert, le Flaubert de la maturité et le Flaubert au soir de sa vie.
Le dernier est réactionnaire en atteste ses commentaires sur la Commune,
Celui du milieu - le plus connu - a quelque chose d’un « anar’ de droite », détestant
2. les conventions bourgeoises sans chercher à y substituer une société nouvelle.
Il y a chez ce Flaubert une sorte de refus de ce Monde qui n’investit pas pour autant le souffle socialiste/marxiste de son temps que d’aucuns croient alors régénérateur.
Pour les amoureux d'Histoire des idées politiques, un petit thread sur un livre peu connu mais à l'influence pourtant majeure sur l'histoire révolutionnaire :
"Que faire" (1863), de Nikolaï Tchernychevski,
ce roman qui a bouleversé Dostoïevski, Lénine, Emma Goldman, Nabokov...
1. "Que faire ?" n'est pas un traité politique mais un roman à première vue assez inoffensif et dont on peine au commencement à comprendre pourquoi il a tenu une place si importante dans la littérature révolutionnaire.
2. Quelque part entre Goethe, Balzac et Dostoïevski, il narre les problématiques amoureuses & sociales de différents protagonistes (Vera Pavlovna, Lopoukhov, Kirsanov) dans un style un peu ampoulé et pas toujours simple à suivre (le problème de traduction est palpable).
Ici et là, on interroge sur ce que la politique peut et doit répondre à la situation de désolation que nous traversons. Nous ratons, je crois, une étape.
Nous intimons la politique pour masquer que nous avons en grande majorité abandonné son préalable fondateur : le politique.
Nous avons oublié les enseignements de la philosophie politique, nous avons oublié que nous sommes enfants d'une tragédie : nous sommes animal social, condamné à devoir vivre avec les autres.
La création de la Cité découle de cette fatalité, le nomos grec, le jus romain aussi.
La récente gestion de cette donnée par la démocratie est "un accident" comme le dit Moses Finley dans L'Invention de la politique. C'est à dire qu'elle est une nouveauté de l'Histoire, un bien précieux que nous sommes en train de perdre faute de ne plus "penser le commun".
La Nation est un mot qui pose question. Je le comprends car je ne l’ai pas reçu en héritage et j’appartiens à une génération pour laquelle il est un mot chargé négativement. Je sais bien ce qu’il charrie.
J’ai toutefois décidé de le questionner pour @RevueGerminal
Explications.
1. J’essaie de comprendre d’abord pourquoi ce mot est tant rejeté.
J’y vois 2 raisons principales. D’une part, il est lesté des horreurs du XXe s : les 2 guerres mondiales, le colonialisme, le fascisme, la Shoah. Il est perçu comme le premier domino qui entraîne les autres dans
une réaction en chaîne funeste. Il faudrait dc veiller à ne jamais le remettre debout
D’autre part, l’extrême-drte, qui traditionnellement mobilisait plutôt la monarchie & le catholicisme, use désormais du vocable depuis que la gauche l’a abandonné, créant ainsi un cercle vicieux