Aujourd'hui, on va vous parler du #coronavirus. Vous savez sûrement que les Français rapatriés de #Chine ont été placés en isolement : une mesure qui semble évidente, mais qui en réalité a été inventée... au Moyen Âge ! Un thread ⬇️ #histoire#medievaltwitter
Les médecins médiévaux forgent peu à peu un concept de la contagion. La notion est alors plus vaste qu'aujourd'hui : elle englobe le contact physique avec le malade, mais le simple fait de regarder un malade peut suffire à attraper sa maladie !
Certes, il faut attendre le XIXe siècle pour identifier précisément les microbes, à l’origine de ces maladies. Mais reste que dès le XIIe siècle on a bien compris que certaines maladies étaient « contagieuses »
C'est notamment le cas de la lèpre (sachant qu'à l"époque on range sous ce terme toute une série de maladies de peau en réalité très différentes).
Vers 1250, Thomas d'Aquin explique qu'un couple dont l'un des époux est lépreux a le droit de divorcer, car la lèpre est une « maladie contagieuse » (morbus contagiosus).
Dans la traduction du Canon d'Avicenne, l'ouvrage le plus utilisé en médecine pendant six siècles, la lèpre est une maladie « invasive » (invadens). Dans ce contexte, la proximité des lépreux devient inacceptable.
Et du coup, on les isole. A partir du XIIe siècle, des léproseries se multiplient en Europe pour accueillir les malades. Elles sont souvent gérées par des moines, notamment de l'ordre de saint-Lazare, d'où le nom de « lazaret », qu'on retrouvera par la suite pour les quarantaines
L'isolement des lépreux est définitif, vu qu'on ne guérit pas de la peste. Cependant, les léproseries ne sont en aucun cas des mouroirs, mais plutôt des établissements propres et bien gérés, disposant souvent de fonds confortables grâce à la charité des riches voisins
Deuxième étape dans l'invention de procédures de quarantaine : la Peste noire. En Occident, elle tue entre 40 et 70 % de la population au milieu du XIVe siècle (relisez tranquillement ce chiffre : entre 40 et 70 %. Voilà voilà #yapluspersonne).
Dans l'urgence, de nombreuses villes prennent des mesures visant à isoler les malades : on les enferme dans leurs maisons, qui sont parfois gardées, on les expulse de la ville ou on les force à arborer un signe distinctif pour qu'on puisse facilement les éviter
Ce qui évidemment ne suffit pas à empêcher la diffusion de l'épidémie : les consignes sévères des autorités municipales sont rarement respectées. Les malades fuient la ville, les biens et vêtements des défunts peuvent être volés et réutilisés...
En 1377, la ville de Durazzo innove en interdisant l'accès à la ville « à tous ceux qui viennent d'une zone infestée par la peste », sauf s'ils sont auparavant restés « pour se purger » dans un village désigné pour cet usage, à l'extérieur de la ville
La durée de ce séjour est fixée à un mois. Venise imite immédiatement l'idée, en portant la durée à 40 jours : d'où le nom de quarantaine. Pourquoi 40 jours ? Cela vient peut-être d’Hippocrate, qui explique qu"une maladie durant plus de 40 jours est inguérissable
Le principe de la quarantaine se diffuse alors en Europe, d'abord dans les grandes villes portuaires. Un peu partout, on crée des lazarets pour héberger les personnes mises en isolation : à #Marseille, c'est par exemple la Tour Paul (1558)
Il est assez amusant d'ailleurs de noter que la première « quarantaine de terre », concernant donc les marchands et pas uniquement les marins, est instituée à Brignolles, en Provence, en 1464 : pas si loin de l'endroit où sont aujourd'hui isolés les Français rapatriés de Chine !
L'invention de la quarantaine semble ainsi être une histoire de progrès successifs dans le contrôle de la maladie. Mais il y aussi un volet plus sombre...
En effet, le fait de désigner un groupe de personnes comme « contagieux » entraîne une peur diffuse, qui se cristallise lors d'épisodes de violence.
C'est particulièrement le cas pour les lépreux. Dès la fin du XIIIe siècle, ceux-ci sont accusés d'empoisonner les puits. Ils sont chassés, réprimés, voire brûlés. En 1321, le roi Philippe V émet par exemple une ordonnance extrêmement sévère contre les lépreux.
La figure du lépreux se confond alors avec deux autres figures redoutées et détestées : celle du juif et celle de l'hérétique.
Plus diffusément, @arnaud_fossier a bien montré qu'au même moment, le discours de la contagion est également appliqué à l'hérésie. Une confusion cruciale, qui participe de la lente fabrication d'un "biopouvoir" #teamFoucaultjournals.openedition.org/traces/5128
@arnaud_fossier Aujourd'hui, cette peur du malade nourrit un violent racisme anti-asiatique dans le monde entier. Cf les #jenesuispasunvirus
@arnaud_fossier Une réaction, évidemment, qui est totalement irrationnelle. De même que les lépreux n'empoisonnaient pas les puits, de même « les Asiatiques » ne sont ni à craindre, ni à fuir. Seul le racisme est un vrai poison... !
@arnaud_fossier Et petite correction : erreur dans le thread, on a écrit Durazzo mais c'est évidemment Raguse/Dubrovnik qui invente la quarantaine ! Voir le thread de @MickaelWilmart
Le retour des "corvées médiévales" ? Pour illustrer cette idée, @EugenieBastie utilise ici une enluminure hyper célèbre, très présente sur Internet notamment.
Et si je vous disais que cette enluminure ne représente pas du tout ce qu'on croit y voir... ?
Un thread ⬇️!
Cette enluminure vient d'un manuscrit copié vers 1320, probablement en Angleterre, peut-être pour la reine Isabelle de France.
En 1553, la reine Marie d'Angleterre acquiert ce superbe psautier, magnifiquement illuminé, d'où son nom de "Psautier de la reine Marie".
Le manuscrit rassemble un Ancien testament, un psautier (donc un recueil de Psaumes), un bestiaire et des vies de saints, le tout en latin avec quelques passages en français. Il est illustré par 800 enluminures, toutes de la main du même enlumineur (ou enlumineuse)
Depuis septembre, la France entraîne une brigade de soldats ukrainiens, nommée Anne de Kyiv. Qui est-elle, et pourquoi Kyiv et pas Kiev ?
Un peu de médiévalisme politique, tissé d'enjeux mémoriels et géopolitiques... Un thread ⬇️ !
Anne de Kiev est une princesse, née vers 1024 et 1036. Elle est la fille du grand-prince de Kiev, qui règne sur ce qu'on appelle la Rus' de Kiev, un Etat slave encore tout jeune à l'époque.
Vers 1050, le roi des Francs Henri Ier envoie une ambassade à son père pour lui demander sa main. Elle rentre avec les émissaires et épouse le roi en 1051, devenant donc reine des Francs.
Au XIIIe siècle, un auteur anonyme compose un texte incroyablement virulent dans lequel il s'en prend aux nobles, aux clercs, à l'ordre du monde. Selon lui, les puissants sont des monstres...
Un thread sur ce texte⬇️!
Ce texte vient d'être édité et traduit par @M_PerezSimon et @PO_Dittmar chez @HonoreChampion. Il est connu par un unique manuscrit, qui n'a jamais été copié ni cité. Ecrit dans un mélange d'ancien français, de picard et de latin, la traduction a été une véritable épreuve !
@M_PerezSimon @PO_Dittmar @HonoreChampion En effet, l'auteur joue sur les mots, les sons, les rimes. Ses octosyllabes sont denses et complexes, comme ici avec cette belle (quasi) holorime, càd que les deux vers sonnent presque à l'identique (v. 925-926) :
"Il plut si violemment que le fleuve envahit la ville, couvrit la plupart des rues [...] Ce déluge tua 300 personnes"
Valence, 2024 ? Non : Florence, le 4 novembre 1333 ! Après la catastrophe se pose la question : quelle est la cause de ce désastre... ?
Un thread ⬇️!
Giovanni Villani, chroniqueur et témoin de l'événement, décrit parfaitement le début de la terrible crue qui dévaste Florence en 1333 : il pleut énormément, pendant plusieurs jours. L'Arno déborde, détruisant les moulins en amont de la ville, avant d'inonder la commune elle-même.
Villani insiste sur les dégâts : de nombreuses maisons s'écroulent, tout comme plusieurs piliers des ponts. L'eau atteint 8 bras de haut, càd plus de 5 mètres, ravageant tout sur son passage. "En contemplant les ruines, on croyait voir un chaos".
Michelle Zancarini-Fournel publie chez @LibertaliaLivre un petit livre sur les sorcières et l'usage de cette figure historique par les féministes. Clair, efficace, percutant, il rappelle le "réel historique" et critique les manipulations militantes de l'histoire. Un thread ⬇️!
L'autrice n'est pas spécialiste de la sorcellerie mais, en historienne de métier, elle s'appuie sur une bibliographie récente et cite de nombreuses sources. La première partie du livre est hyper utile car elle revient aux FAITS, loin des mythes et des clichés contemporains...
1/ La chronologie. Si on traque les sorciers et les sorcières depuis le Haut Moyen Âge, c'est à partir de 1420 que se met en place une chasse aux sorciers et aux sorcières institutionnalisée, qui va surtout s'intensifier au XVIe-XVIIe siècle.
Le capitalisme tue.
Le capitalisme a toujours tué.
La preuve avec une belle leçon d'histoire venue des inondations dans les Pays-Bas du Moyen Âge ! Un thread ⬇️
Le médiéviste Tim Soens travaille sur les Anciens Pays-Bas, du XIIe siècle au XVIIe siècle. C'est une région située sous le niveau de la mer et les humains y ont donc construit des digues depuis fort longtemps.
Régulièrement, ces digues lâchent, après un violent orage par exemple. Il y a donc des inondations, des dégâts dans les champs, parfois des morts. Mais les gens ont l'habitude et sont organisés.