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Cet article par Veronica Guerrieri et ses coauteurs concernant l'impact d'un choc d'offre (type pandémie) sur la demande est déjà un classique economics.mit.edu/files/19351 De façon anecdotique, il va me permettre de clarifier mon pronostic, audacieux, d'inflation à venir. 1/46
Pour mémoire, je suis à l'opposé de ce que Paul Krugman appelle les Inflationistas ( ), à savoir ces conservateurs qui poussent des cris d'orfraie au moindre assouplissement de la politique monétaire 3/46
et pour tout dire, je suis favorable à ce que la politique monétaire s'assouplisse en réponse à la crise, car je suis complètement favorable à deux trimestres d'inflation, donc mon pronostic n'est pas un appel à l’inaction. 4/46
Simplement, j'ai fait ce pronostic parce qu'il est l'application directe des modèles macroéconomiques les plus orthodoxes, les même qui prédisent une baisse de l'inflation suite à un choc de demande type 2008. 5/46
Et c'est précisément ce que montre la première section de l'article de Guerrieri (qui n'est pas, évidemment, la partie originale), si bien que si je me vautre, on pourra en dire autant de l'orthodoxie jusqu'en 2020. Voici quelques explications simples et non techniques. 6/46
Commençons par une anecdote. J'ai souvent entendu dire que les enseignants, en France, étaient payés sur une base de 10 mois de travail par an, annualisée (multipliée par 10) puis mensualisée (divisée par 12). (j'ignore si c'est vrai mais tant pis) 7/46
A votre avis, que se passerait-il dans une telle situation, si leur salaire n'était effectivement payé que sur 10 mois ? Pensez-vous qu'ils vivraient dans la misère 2 mois par an ? 8/46
Il est probable qu'ils effectueraient eux-même le lissage de leur consommation sur les 12 mois de l'année, en épargnant pendant 10 mois pour avoir une consommation normale en juillet et en août. 9/46
Que se passerait-il si cette histoire, au lieu d'être prévue, se produisait "à l'improviste" ? On vous annonce que, pendant deux mois, votre salaire est suspendu (=confinement). Au bout de deux mois, vous le retrouverez, mais sans compensation pour les 2 mois perdus ? 10/46
Il est assez probable que votre consommation ne descende pas à 0 pendant 2 mois. Vos salaires futurs vous permettront de rembourser un petit crédit à la consommation (ou un découvert, ce qui revient au même), intérêt + capital. 11/46
Il y a donc fort à parier que vous préférerez réduire un peu votre consommation future pour augmenter votre consommation actuelle. 12/46
L'ampleur de votre désir de lisser votre consommation est appelée, dans le jargon des économistes, (tenez-vous bien) l'"élasticité de substitution intertemporelle". Plus cette élasticité est faible, plus vous voulez une consommation régulière. 13/46
Suite à une privation soudaine de revenu pendant deux mois, même si votre banquier accepte de vous prêter de l'argent (nous reviendrons là-dessus), il y a deux raisons qui font que votre consommation diminue : 14/46
La première, c'est que le remboursement du crédit que vous allez contracter pour consommer pendant 2 mois va affecter votre consommation future, par conséquent même dans une perspective de lissage complet de votre consommation, ce lissage se fera à un niveau plus faible... 15/46
qu'en l'absence de choc. Ex : si je gagne 2000€/mois et que le remboursement de mon crédit m'oblige à diminuer ma consommation future à 1800€, alors je ne vais évidemment pas consommer plus de 1800€/mois pendant la période de privation de revenu. 16/46
La deuxième est que le taux d'intérêt que je vais devoir payer pour lisser ma consommation peut me dissuader de me livrer à un lissage "total". Pour éviter un taux d'intérêt trop élevé, je peux me serrer la ceinture pendant deux mois. 17/46
Et plus mon "élasticité de substitution intertemporelle" est forte, plus je serai enclin à me serrer la ceinture pour éviter de payer trop d'intérêt, et donc plus je ferai diminuer ma consommation. 18/46
Vous l'avez compris, ce choc d'offre (puisque c'est bien de cela qu'il s'agit), fait diminuer ma consommation, mais moins que mon revenu. Si bien qu'au niveau de l'économie, la demande baisse moins que l'offre, d'où l'inflation. 19/46
C'est simpliste ? Peut-être, mais c'est ce que racontent les modèles utilisés par tous les grands organismes. 20/46
Que se passe-t-il si, contrairement à l'hypothèse faite plus haut, mon banquier refuse de me prêter de l'argent ? 21/46
Dans ce cas, de deux choses l'une : soit absolument personne ne peut emprunter de l'argent, et alors, en effet, la consommation baisse autant que le revenu, et donc pas d'inflation ni de déflation. 22/46
Soit certaines personnes peuvent quand même emprunter, et alors la consommation diminuera quand même moins que le revenu, d'où inflation. Vous le voyez, dans ce modèle, l'absence d'inflation est un cas limite improbable. 23/46
C'est exactement ce que j'avais en tête quand j'ai pris mon pari, et c'est exactement ce que raconte la première section de l'article de Guerrieri. 24/46
MAIS... 25/46
La deuxième section propose un scenario différent, dans lequel il est possible que la consommation baisse davantage que le revenu. Le voici. 26/46
Supposons que les biens et services "interdits" pendant le confinement, ceux qui sont à l'origine de la perte de revenu, soient différents de ceux qui demeurent autorisés. Pensez "coupe de cheveux" dans le premier cas, "steak haché" dans le second. 27/46
Dans ces conditions, il faut tenir compte d'une autre "élasticité de substitution" que celle déjà évoquée plus haut : celle entre les différents types de biens qu'on peut consommer au cours d'un même mois. C'est... l'"élasticité de substitution intRAtemporelle" 28/46
Ici, la question est légèrement différente. Il s'agit de se demander si vous avez plus ou moins envie de consommer certains types de biens lorsque d'autres types de biens sont indisponibles. Prenons des exemples. 29/46
Si les baguettes de pain sont interdites, alors vous voudrez consommer moins de beurre, même si le beurre est autorisé. Le pain et le beurre sont complémentaires : leur élasticité de substitution est faible. 30/46
Si les apéros au bar sont interdits, alors vous voudrez consommer plus de canettes de bière dans votre canapé. Les apéros au bar et les canettes de bière sont substituables : leur élasticité de substitution est forte. 31/46
On le comprend, si l'interdiction de certains biens pendant deux mois fait perdre de leur intérêt aux biens restant, alors il peut être rationnel de diminuer aussi sa consommation de biens autorisés afin d'épargner, pour pouvoir consommer davantage des deux après la crise. 32/46
Nous en arrivons donc aux deux conditions qui pourraient faire que la consommation diminue plus que le revenu, créant ainsi de la déflation : 33/46
1- Que l'élasticité de substitution intratemporelle soit faible (les biens interdits sont complémentaires avec les biens autorisés) 34/46
2- Que l'élasticité de substitution intertemporelle soit forte (on accepte facilement de repousser la consommation de quelques mois) 35/46
Les auteurs montrent que ces deux conditions se résument au fait que l'intratemporelle soit inférieure à l'intertemporelle. C'est ce qui est montré dans ce graphique 36/46
J'adore ce résultat, pour une raison simple : si je perds mon pari (hypothèse hautement probable j'en conviens), je saurai pourquoi. Et comme il est difficile d'estimer l'élasticité de substitution entre les activités interdites et les autres, l'incertitude est de mise. 37/46
Mais il ne me fait pas pour autant changer mon fusil d'épaule. Car outre que ça ne se fait pas, je doute que l'élasticité intratemporelle soit faible, et je doute que l'élasticité intertemporelle soit forte. 38/46
J'ai au contraire l'impression 1- qu'il y a une grande inertie dans les comportements de consommation, et 2- que les gens tendent à utiliser l'argent qu'ils économisent en restaurant et apéros pour d'autres usages. 39/46
Mais ça ne s'appuie sur aucune donnée, et donc reste hautement spéculatif. 40/46
Je termine (40 tweets c'est pas assez) en vous expliquant pourquoi mon pronostic d'inflation n'est pas un appel à l'inaction. 41/46
Les banques centrales ont un objectif d'inflation (souvent de 2%) qui pourrait les pousser à une attitude très rigide en cas de hausse des prix. Mais cet objectif n'est pas le meilleur qui soit. 42/46
Je fais partie des gens qui militent pour qu'elles adoptent un objectif de croissance nominale de 4% par exemple. En effet, une croissance régulière du PIB nominal est de nature à stabiliser l'économie davantage qu'une inflation stable. 43/46
En particulier, la soutenabilité des endettements est souvent évaluée avec un ratio (dette nominale) / (revenu nominal). Or, suite à un choc, le revenu nominal tend à baisser, alors que les dettes sont inchangées. 44/46
C'est pourquoi l'inflation est une bonne façon de stabiliser l'économie dans le cas où l'on décide de faire chuter le PIB réel pour des raisons sanitaires. 45/46
Donc, mon message aux banquiers centraux est : "si vous gardez votre objectif d'inflation stable au détriment du ciblage du PIB nominal, alors je vous en prie, faites comme si j'allais perdre mon pari." #fin 46/46
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