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Avec tout le respect que j'ai, sincèrement, pour eux, les auteurs de cette tribune me semblent mal poser le débat. 1/34
Ils sous-entendent qu'en s'en donnant la peine, on pourrait produire des analyses "dynamiques" ayant le même caractère probant que les analyses "statiques" qu'ils dénoncent, mais qui auraient en plus la pertinence des analyses de long terme. 2/34
Or les deux approches ne sont pas simplement différentes par leur caractère statique ou dynamique, elles sont de nature radicalement différentes. Les "statiques" sont quasiment factuelles, les "dynamiques" sont causales. 3/34
Et quoi qu'on en dise (souvent il est vrai), s'il y a une "révolution de la causalité" dans les études empiriques en économie, cette révolution concerne plus les moyens que les économistes entendent mettre en œuvre que la force de leurs résultats. 4/34
Détaillons. En quoi les analyses "statiques" sont-elles factuelles ? Elles consistent à établir, par centile de revenus, les revenus du travail, les revenus de capital, le patrimoine (mobilier et immobilier) des contribuables. 5/34
Une fois fait ce fastidieux travail de collecte de données, il n'est pas très difficile (conceptuellement en tout cas) d'appliquer deux barèmes fiscaux différents (avant et après la réforme), et d'en déduire qui gagne ou perd combien. 6/34
Certes, ces études, par construction, ne peuvent pas nous apprendre grand chose sur l'impact des réformes sur les comportements des contribuables. Mais ce n'est pas leur but. 7/34
Bien sûr, si je fais partie du centile 68 et que le parlement me double mon taux de l'impôt sur les revenus, il est possible que je décide de travailler moins, que je quitte le centile 68 pour un autre, et qu'au final mes impôts n'augmentent pas tant que ça. 8/34
Mais peu importe. Les message est simplement : étant donné ce que vous avez gagné l'an passé, si la réforme actuelle avait été en vigueur, vous auriez payé tant d'impôts en plus ou en moins. Ce qui est déjà pas mal, et assez peu contestable. 9/34
Venons-en aux études dynamiques appelées de leurs vœux par les auteurs de la tribune. En quoi consisteraient-elles ? Schématiquement, j'en vois deux catégories : les études 1- tirées par la théorie, 2- tirées par les données. 10/34
Les premières consistent à "calibrer" un modèle théorique. Cette pratique, fréquente, ne devrait jamais être présentée comme une évaluation d'une politique réelle. 11/34
Elle consiste à partir d'un modèle théorique dans lequel on sait, par construction, le type d'impact que peut avoir tel instrument politique sur telle variable économique. 12/34
Il s'agit alors d'attribuer une valeur, jugée, crédible par l'auteur de l'analyse, aux paramètres du modèle, pour chiffrer cet impact. 13/34
Au mieux, l'intérêt de l'exercice est d'évaluer la portée d'une théorie. Par exemple, si je propose une nouvelle théorie de la croissance, dans laquelle la fiscalité n'a pas le même impact (théorique) que dans les théories existantes, je vais être tenté... 14/34
de paramétrer mon modèle pour comparer l'impact d'une baisse d'impôt dans le cadre de ma théorie à la même baisse d'impôt dans le cadre d'une théorie concurrente. 15/34
Si la différence est importante, alors on reconnaitra peut-être un vrai enjeu à ma proposition théorique. De là à en faire une vraie étude d'impact, il y a un pas qu'il ne faudrait jamais franchir... 16/34
comme l'a fait Robert Barro par exemple l'an passé, en se vantant d'avoir obtenu comme cela la meilleure prévision de croissance de sa carrière concernant l'impact des réformes fiscales de Trump. 17/34
project-syndicate.org/commentary/tru… (je ne sais toujours pas s'il s'agit d'autodérision ou pas, mais je crains que non) 18/34
Le second type d'études "dynamiques" sont tirées par les données. En principe, il existe toute une panoplie de techniques permettant d'éviter les problèmes de causalité inversée. Mais dans le cas de l'impact d'une décision politique donnée... 19/34
on peut souvent admettre qu'elle est "exogène", dans le sens où les réformes politiques dépendent essentiellement de l'aléa du jeu électoral. 20/34
Dans ce cas, on utilisera des techniques statistiques qui consistent essentiellement à comparer les performances d'un pays ayant mis en œuvre telle ou telle politique à celles d'autres pays comparables avant et après la réforme. 21/34
Pour ce qui concerne la suppression de l'isf et la mise en place de la flat tax sur le capital, on ne peut pas le faire par anticipation. 22/34
Mais qu'est-ce qui empêche de le faire en négatif pour évaluer l'impact de la mise en place de l'ISF et de l'imposition des revenus de capitaux mobiliers à l'impôt progressif ? La première date de 1989, la seconde de 2013. 23/34
L'innovation en France a-t-elle subit des décrochages à ces deux dates ? A-t-on enregistré moins de brevets ? La productivité totale des facteurs a-t-elle ralenti ? 24/34
Les méthodes statistiques s'appliquant à ce type de cas sont faciles à mener. Mais quel que soit le résultat, les insatisfaits auront des contre-arguments : il y a eu d'autres choses que ces réformes à l'époque ; le contexte était différent... 25/34
Et soyez sûr que si l'on attend 10 ans pour mesurer l'impact des réformes fiscales actuelles, la contestabilité des résultats sera également extrêmement forte. 26/34
Rendons-nous à l'évidence : pour des réformes fiscales importantes, les effets statiques sont quasi-factuels, les effets dynamiques sont essentiellement spéculatifs. Il faut donc poser la question autrement. 27/34
Remplacer "pourquoi se contenter d'analyses statiques alors qu'on pourrait faire des analyses dynamiques" par "que faire lorsqu'on connait les impacts immédiats d'une réforme mais qu'on ne peut pas connaitre ses impacts à long terme ?". 28/34
Ma réponse est qu'il faut utiliser l'impact immédiat pour identifier la charge de la preuve. Vous défendez une mesure qui favorisent le haut de la distribution des revenus, lequel bénéficie déjà d'un contexte favorable ? 29/34
qu'est-ce qui vous permet de penser que ce creusement des inégalités créera de la croissance qui bénéficiera même aux pauvres ? 30/34
Et le moins qu'on puisse dire est que les éléments donnés par les auteurs de la tribune sont peu probants : de l'économétrie implicite à trois ou quatre points comparant la France aux pays du nord de l'Europe en termes de mobilité sociale. 31/34
La fiscalité a fortement augmenté dans les pays développés entre la fin de la 2ème guerre et les années 70, ce qui a rendu crédible l'idée que les difficultés des années 70 étaient liées à une fiscalité trop progressive. 32/34
On sait aujourd'hui que les réformes rendant la fiscalité moins progressive ces 40 années ne se sont pas accompagné d'une plus forte croissance, ni d'une réduction des inégalités (par le haut en tout cas). 33/34
On peut toujours produire des analyses dynamiques montrant qu'elles auraient du le faire. Mais c'est insuffisant pour inverser la charge de la preuve. #fin 34/34
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