Thread by @Alexdre_R

Après consultation, retour sur le mystère de notre aubergine béate.
Il s'agissait bien d'une fleur. Plus précisément, d'une orchidée : Ophrys apifera.

Pour des H. sapiens, vous vous en tirez plutôt bien. Pour des abeilles en revanche, vous ne valez pas un radis. J'mexplique ⤵️

https://twitter.com/Alexdre_R/status/1254474415489892353

Pour assurer leur pollinisation, leur fécondation, les Ophrys font appel au mimétisme sexuel : elles exploitent l’appétit sexuel de mâles hyménoptères ! 🐝

Schiestl évoque une "escroquerie sexuelle", d'autres n'hésitent pas à parler clairement de parasitisme.

poke @MoiParasite

Le pétale central des ophrys, le labelle, affecte une morphologie qui rappelle la forme, la pilosité et la couleur d'une abeille femelle. Ce piège a pour but d'attirer les mâles qui auraient à cœur de culbuter la belle.

(Je vous ai fait un schéma, que vous puissiez suivre 😉)

Si vous étiez une abeille mâle, vous devriez voir le dos d'une possible partenaire. La cavité stigmatique suggérerait le dos de la femelle, la macula ses ailes. (cf. 📷)

Tout ceci est à prendre avec pincettes, les mâles dupés étant peu enclins à s'épancher sur leurs déconvenues.

Mais ces fourbes d'orchidées n'en restent pas là !

L'Ophrys apifera émet des molécules similaires aux phéromones des abeilles solitaires femelles, ajoutant au leurre visuel, le leurre olfactif.

Le mâle, par l'odeur alléché, dupé par la ressemblance visuelle, est tenté de copuler avec le labelle de l'Ophrys.

Dans cette tentative vouée à l'échec, mais combien mouvementée, notre Ophrys réussira à répandre sa semence (le pollen) sur le dos de l'impudent diptère.

Honteux et confus d'avoir été piégé, insatisfait de n'avoir pu copuler (les cas d'éjaculation en cas de pseudocopulation sont rares), le mâle se dirigera ensuite vers une autre cible, espérant plus de réussite.

Cela tombe bien, d'autres Ophrys lui tendent les bas (gibbosités).

Essayant à nouveau de copuler avec un pétale d'Ophrys, il permettra la fécondation de l'individu nouvellement visité (par mise en contact du pollen transporté avec le pistil/gynostème de son hôte).

Gros-jean comme devant, il aura rempli, à ses dépens, son rôle de pollinisateur.

⚠️ Attention ⚠️

Toute tentative de transposition mentale de cette stratégie à l'Homme (et à un vecteur de votre choix) peut s'avérer traumatisante. Je ne le recommande pas.

Cette stratégie très particulière est d'une redoutable efficacité. Les ophrys n'ont pas besoin de populations denses pour assurer leur reproduction. Grâce à leurs pollinies, une seule visite peut entrainer la fécondation de milliers de graines.

Pour expliquer les nombreuses hybridations entre les différentes espèces d'Ophrys, les auteurs de l'ouvrage "Interactions Insectes-Plantes" évoquent la similitude des signaux chimiques émis par les femelles... mais aussi des mâles "bien peu regardants". 😏

Évidemment, aucune orchidée n'a jamais "décidé" d'adopter cette stratégie de mimétisme sexuel. Elle résulte d'un long phénomène de coévolution, sans qu'il n'y ait eu d'intentionnalité du coté des Ophrys.

#notallophrys

📚 Principal ouvrage utilisée pour ce thread :
- Interactions insectes-plantes, publié aux @editionsquae

Pour les orchidées, je vous laisse le choix, il y a pléthore de publications sur le sujet.

📷 Photographies personnelles.

Les Ophrys étant actuellement en pleine floraison il est possible d'en rencontrer en ce moment lors de vos sorties dérogatoires... pour peu que vous ayez quelque espace naturel de type pelouse/prairie dans un rayon d'1km autour de vous.

A proximité de chez moi, au nord de l'estuaire de la Gironde, les pelouses hébergent actuellement deux ophrys en fleur :
-l'Ophrys apifera (à gauche) siflore.fcbn.fr/?cd_ref=110335…
-l'Ophrys scolopax (à droite)
siflore.fcbn.fr/?cd_ref=110468…

#partagetonprintemps #botanique