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Comme d’hab, le Twitter qui raisonne par l’émotion en prenant fait et cause pour le petit poucet face au grand méchant ogre Apple va applaudir des 2 mains, c’est pratique, une indignation servie sur un plateau.
Car la réalité est un peu plus complexe que cela. #Thread
Car ce sujet qu’il est super pratique de résumer (car ça évite de réfléchir, c’est compliqué, faut faire des efforts) à un simple problème de commissionnement sur un magasin d’application d’un acteur en position de monopole (han, c’est le mal absolu pour les indignés) est + vaste
Pour bien comprendre les vrais enjeux, Twitter décideur public qui t’es mis en tête de soumettre ces méchants GAFAM qui font rien qu’à grignoter ta souveraineté, un petit rappel du vrai monde de l’industrie culturelle (oui, car c’est une industrie) d’aujourd’hui de 2020
Car le Twitter décideur public des réseaux et de la culture vit un peu dans une douce nostalgie du bon vieux temps des flims de cinéma, exception culturelle, toussa toussa.
Sauf qu’en 2020, la voilà la réalité : le jeu vidéo pèse bien plus que cinéma et musique réunis
Et près de la moitié des revenus de cette industrie provient désormais du mobile, en raison de la base installée et du formidable effet de club procuré par la redoutable efficacité en terme de ciblage / commercialisation / facturation pour compte de tiers des AppStore
Un AppStore, pour un fournisseur de contenus, c’est quand même un truc qui vous permet d’adresser une base installée, qualifiée, et solvable de plusieurs milliards d’utilisateur pour pratiquement pas un rond en terme d’investissement initial.
Les Tiroliens (dont votre serviteur est un fanboy patenté depuis bientôt 20 ans) vous expliqueront bien mieux que moi qu’on est dans l’archétype du marché biface, et qu’il est tout à fait légitime pour la puissance publique de réguler tout cela (mais réguler n’est pas soumettre)
Car oui, réguler ce n’est pas soumettre à des caprices testostéronés dans la perspective d’un boulot de dans 6 mois.
C’est avant tout prendre le temps de l’analyse, de la prise en compte de l’ensemble des paramètres, de l’impact de moyen & long terme d’une décision
Or l’AppStore qu’on fait mine de découvrir comme un scandaleux monopole sur l’accès à ses utilisateurs n’est nullement un truc inventé par Apple et Google.
Le Kiosque, ça ne vous dit rien ? Mince, pour une fois que la France innovait
Juridiquement et économiquement, le système Kiosque / AppStore est un mécanisme de commercialisation et facturation pour compte de tiers, dans lequel le risque commercial est porté par le fournisseur de la plateforme, à l’époque du Minitel la DGT, aujourd’hui Apple/Google
Mais c’est aussi le cas de votre FAI lorsque vous consommez de la VoD chez lui, y compris lorsqu’elle est fournie par un tiers (d’où les petits discounts accordés par Netflix ou Canal aux FAIs qui dès lors portent le risque commercial)
Bref, dans un tel système, la plateforme applique un taux de commissionnement (sur le montant HT) intégrant plusieurs paramètres : prise en charge des coûts commun, le cas échéant coûts incrémentaux spécifiques à une typologie de services / contenus, taux d’impayés…
Dans le système Kiosque du Minitel (contre lequel la presse toujours visionnaire avait bataillé avec l’appui des élus locaux qui voyaient d’un mauvais oeil la perte de rente de situation de précieux soutiens), l’Administration gardait… 40% (OK, c’était sous le temps des Soviets)
Dans le système Kiosque, rappelons que l’Administration (mais c’était les Soviets, donc forcément des gentils au nom de la défense de l’intérêt général contre le grand méchant capital mon ennemi c’est la finance) avait droit de vie ou de mort sur un service, en validant le code
Le tout bien entendu sur des critères opaques et pour le moins arbitraires. Mais c’était sans compter sur quelques flibustiers qui au jeu du plus con pouvaient faire preuve d’une créativité sans limite <3
Les (oui, car il y en a plusieurs, mais c’est tellement plus pratique pour susciter l’indignation de ne retenir que le taux maximal) taux appliqués par les AppStore d’Apple et Google sont dans les standards pratiqués depuis des lustres par les systèmes kiosques, de 10 à 33%
C’est ainsi que un fournisseur de contenus opte pour le très rentable système kiosque proposé par les opérateurs téléphoniques (que ce soit pour les appels vers des numéros surtaxés ou les SMS+), il peut se voir appliqué un taux de 25% (validé par l'@ARCEP)
D’ailleurs, la décision de l'@ARCEP en question comporte un passage béni pour Apple et Google, car il y est expliqué que le rôle joué par les opérateurs (qui peuvent monter à 25%) est moindre que celui joué par les AppStore (qui peuvent monter à plus)
arcep.fr/uploads/tx_gsa…
Par ailleurs, rappelons que pour les montants de type abonnement (censés refléter pour Apple un modèle plus vertueux, car privilégiant la fidélisation et la qualité), le taux est abaissé à 15%, vs 30% pour les transactions one-shot
Avec là-aussi des critères pour le moins opaques et discrétionnaires, pour ne pas dire arbitraires.
Et c’est sur ce point que devrait porter une politique de régulation efficace dans la durée (car non, le démantèlement n’en est pas une, c’est un caprice de gamin gâté)
Car l’expérience montre que le démantèlement par l’anti-trust de monopoles systémiques s’est toujours soldé par la reconstitution d’un oligopole autour de 2/3 acteurs (SO => Exxon & Chevron - AT&T => Verizon & AT&T & CenturyLink)
Et à cet égard il faut saluer et encourager la réflexion de l'@Adlc_ qui sur ce sujet a très bien compris que le démantèlement était plus une réponse du passé, et qu’il est plus efficace à moyen & long terme de considérer d’autres remèdes
Bref, sur cette question des #AppStore, le taux de commissionnement est un faux problème, mieux vaut concentrer les efforts sur des offres de référence qui apporteront au marché visibilité & non-discrimination, et des voies de recours effectives (c’est à dire rapides, merci #P2B)
Et sur ce sujet, le droit de la concurrence est parfaitement outillé pour appréhender les enjeux pour peu
(i) qu’on lui accorde les moyens permettant de faire jeu égal avec les acteurs systémiques (sous peine de voir ces acteurs proposer leurs propres solutions dérégaliennes)
et (ii) qu’on fasse évoluer la doctrine (mais ça commence à percuter, enfin) sur les mesures conservatoires (jusqu’il y a encore peu, si on n'arrivait pas avec une déclaration de cessation de paiement, fallait même pas y penser) qui peuvent être un instrument très efficace
Maintenant qu’on a évacué ce doigt qui cache la lune, le vrai sujet du psychodrame Epic / Apple : la guerre en cours pour le contrôle du terrain de jeu du 1er secteur de l’industrie culturelle, le jeu vidéo qui rappelons-le, génèrent plus de revenus que cinema&musique réunis
Epic est détenu à 40% par Tencent, un des instruments du softpower Chinois
Epic est en guerre avec Steam, plateforme US, sur son store PC et désormais avec les AppStore des Apple & Google.
Et dans cette guerre, Eric dispose d’une redoutable arme : Fortnite, succès planétaire
Apple, qui ne fait pas dans la demi-mesure quand il s’agit de démontrer que cela concerne tout le monde qui ne s’appelle pas Apple (oui, les vieux démons de la période SJ aka les autres sont nuls), vient également de jeter Stadia (Google) et XCloud (Microsoft) de son AppStore
En parallèle, Google vient aussi de jeter Epic de son AppStore.
Pendant ce temps, Sony et Samsung serrent les fesses en évitant de se prendre une balle perdue.
La guerre du jeu vidéo va être totale.
Après que le modèle AppStore ne soit pas parfait, qu’une intervention des autorités compétentes, à savoir en 1er lieu les autorités de concurrence (ça tombe bien elles sont justement sur le coup, bref, comme disait le commissaire Biales, Låt polisen göra sitt jobb) s’impose, oui
Après, est-ce que les travers d’Apple dans son interprétation somme toute très personnelle de règles de son AppStore peut se régler par l’émergence d’AppStore alternatifs ? Pas certain compte tenu de l’efficacité d’autres instruments (#P2B & interopérabilité)
Apple est depuis l’origine dans une logique, renforcée avec iOS : la maitrise *absolue* de l’expérience utilisateur. Car au départ, c’était open bar en matière d’App, et le bordel auquel ça a abouti en matière de fragmentation de l'expérience utilisateur a précipité AppStore
On est ici dans une approche similaire à celle de la distribution sélective, justifiée par les autorités de concurrence (dès lors que cela n’est pas constitutif d’un abus) en raison de l’objectif légitime de maitrise de l’expérience utilisateur / image de marque
En quoi un AppStore tiers délivrerait une expérience utilisateur meilleure qu’un AppStore maison (dès lors que ce dernier est régulé de façon efficace pour prévenir tout comportement arbitraire) ?
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