Le prix Nobel de chimie récompense cette année la recherche dans le génie génétique : l’édition des génomes par CRISPR-Cas9
Comme cette technique peut être utilisée en agronomie, c’est l’occasion de vous faire ce thread récapitulant les techniques d’amélioration génétique
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Ce thread « technique » sera suivi par un thread plus « moral » visant à discuter de la validité et de la pertinence des arguments des « anti ».
(Ce thread est une vulgarisation grand public, et n’a comme seule ambition que d’expliquer le plus simplement possible des techniques complexes. N’étant pas moi-même spécialiste, je fais appel à votre bienveillance si par infortune une erreur venait à se glisser dans mon texte.)
Ce que je désigne par le terme d’ « amélioration génétique » englobe toutes les techniques visant à obtenir des plantes cultivées ou des animaux d’élevage plus « performants »,
càd permettant un meilleur rendement, une meilleure résistance vis-à-vis des ravageurs ou des conditions climatiques, une meilleure qualité nutritive des produits obtenus, etc.
1- Amélioration par sélection.

Depuis le début de l’agriculture, les paysans sélectionnent leurs variétés. Ils utilisent la diversité génétique initialement présente dans leur champ en replantant d’une année sur l’autre uniquement les graines des plants ayant le mieux fonctionné
en espérant ainsi optimiser leur production future. Pour l’élevage, seules les bêtes les plus performantes sont accouplées, permettant ainsi la naissance d’une progéniture de qualité.
Même si ces techniques sont utilisées depuis la nuit des temps, ce sont des techniques qui tendent à modifier artificiellement les génomes des espèces initialement présentes.
Ainsi, de par ces sélections, les espèces aujourd’hui cultivées ne ressemblent en rien à leur équivalent sauvage. Il faut bien être conscients que les espèces cultivées (ou élevées) actuellement n’auraient jamais existé sans la main de l’Homme.
(image – à gauche : téosinte, équivalent sauvage de notre maïs actuel, à droite : maïs actuel).
Depuis le XXe siècle et grâce aux nouvelles connaissances en génétique, nous savons optimiser la sélection des variétés en effectuant des croisements ciblés.
A l’aide de ces croisements, on peut notamment générer des « lignées pures » plus stables génétiquement, et à partir de ces lignées pures, on peut créer des hybrides qui cumulent les caractères avantageux des deux lignées parentes.
Ces nouvelles techniques de croisement et de sélection ont largement contribué à l’augmentation spectaculaire des rendements, qui ont été multipliés environ par 6 au cours du XXe siècle…
2- Amélioration par mutagénèse aléatoire.

Le principe est d’augmenter la diversité génétique de manière artificielle afin d’augmenter nos chances d’obtenir des caractères intéressants.
Concrètement, comment on fait ? On soumet la plante à améliorer à des rayonnements ou à des produits chimiques mutagènes afin d’augmenter drastiquement la fréquence des mutations. Parmi les mutations obtenues, on espère y trouver des caractéristiques avantageuses.
Ensuite, il faut réussir à « récupérer » ces caractères intéressants et à les intégrer par croisements / sélections dans des lignées déjà performantes initialement.
Les plantes obtenues par mutagénèse aléatoires ne sont pas considérées comme des OGM, car on considère qu’on ne fait qu’accélérer un processus (les mutations) qui est naturellement présent dans la nature.
Ce procédé est donc autorisé partout, y compris en agriculture biologique.
3- La transgénèse.

Il s’agit sûrement du procédé le plus spectaculaire. Le principe est de transférer un gène (intéressant, si possible) d’un individu à un autre.
La transgénèse permet d’accélérer grandement la mise au point de lignées intéressantes agronomiquement parlant, car au lieu de passer par une série de croisements et de sélections (qui prennent beaucoup de temps) on peut directement ajouter un caractère d’intérêt à une lignée.
Par exemple, imaginons qu’on a réussi (par mutagénèse par exemple) à créer un plant de betterave résistant à un virus causant la jaunisse (exemple innocent).
On est capable d’isoler le gène qui est responsable de cette résistance afin de le transférer dans une variété de betterave déjà optimisée. Et on obtiendra rapidos une betterave performante ET résistante à ce virus.
Et comme il existe 3 virus causant la jaunisse, on peut créer un plant de betterave résistant à tous les virus en réitérant cette opération pour les trois gènes de résistance.
Et on peut ainsi obtenir une variété poly-résistante en un laps de temps limité, alors qu’on aurait mis des décennies à obtenir le même résultat « à l’ancienne » en faisant des croisements.
Et le plus incroyable, c’est que la transgénèse permet aussi de transférer des gènes entres des espèces différentes. Car la molécule d’ADN et les processus d’expression du génome sont les mêmes pour n’importe quelle espèce vivante…
Ainsi, des scientifiques facétieux ont réussi par exemple à insérer un gène de méduse à des souris pour les rendre fluorescentes (les souris GFP).
En agronomie c’est possible aussi : on connait un gène chez une bactérie (Bacillus thuringiensis) capable de produire une protéine toxique pour la pyrale, un insecte parasite du maïs.
Les généticiens ont réussi à isoler ce gène et à le transférer chez des plants de maïs, obtenant ainsi du maïs Bt, résistant à la pyrale.
C’est la transgénèse qui est à l’origine du terme « OGM » (organisme génétiquement modifié)
Ces techniques de transgénèse sont tellement spectaculaires qu’elles ont effrayé pas mal de monde, ce qui a entrainé l’interdiction de la culture d’OGM (à des fins commerciales) en France.
4- La mutagénèse dirigée

On est maintenant capable d’éditer le génome de façon sélective. A l’aide d’outils moléculaires comme les CRISPR-Cas9, on peut modifier les gènes que l’on veut au sein du génome de la plante ou de l’animal que l’on souhaite améliorer.
Grâce à cette technique, on peut décider de carrément supprimer un gène, ou bien on peut éditer les séquences de régulation d’un gène donné afin de le sur-exprimer ou au contraire de le sous-exprimer.
Par exemple, en jouant sur les séquences régulatrices, on peut réduire la production d’hormones végétales comme la gibbérelline afin de varier la taille des végétaux obtenus (p. ex. on peut obtenir une herbe plus basse et donc plus facile à tondre…).
Les applications de ces techniques sont ultra-variées, aisées à mettre en place et bon marché. On comprend donc aisément l’émoi qu’elles suscitent.
Mais les plantes modifiées par mutagénèses dirigées sont-elles des OGM ? Et bien la question n’est pas simple. Techniquement, le terme d’OGM est associé à la transgénèse donc on sortirait de ce cadre.
Pour cette raison, la législation américaine par exemple ne considère pas les organismes ayant subit une mutagénèse dirigée comme OGM. L’Europe en revanche a pris la décision inverse, interdisant de fait les applications agronomiques de ces techniques sur notre sol.

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