Je croise pas mal d'articles en ce moment qui parlent des futures hausses des tarifs de l'électricité. C’est une bonne occasion pour se replonger dans ce qui constitue ce tarif et ses évolutions futures car c’est une vraie porte ouverte sur le système électrique français! #Thread
Je parlerai tout d’abord du Tarif Bleu ou Tarif Réglementé de Vente (TRV), proposé uniquement par le fournisseur historique (EDF) puis j’aborderai à la fin les autres offres existantes (car elle partagent beaucoup de points communs avec le Tarif Bleu).
Depuis 2015 et la mise en place de la tarification dite « par empilement », l’évolution de ce Tarif Bleu est décidée tous les 6 mois par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). A l’heure actuelle, il se situe à 156€/MWh TTC (soit 16cts€/KWh).
Il est composé d’environ 1/3 de coût du réseau électrique, 1/3 du coût de production de l’électricité et 1/3 de taxes. Dans la suite, nous allons passer en revue chacune de ses composantes, visibles dans le graphique ci-dessous :
1) Le coût réseau est le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité), qui couvre l’entretien, le dépannage et la modernisation des réseaux de transport (haute tension >50kV, gérés par RTE) et de distribution (<50kV, gérés à 95% par Enedis).
Avec les nouveaux usages (ex : véhicule électrique) et l’intégration des EnR, des coûts d’adaptation sont à prévoir pour les réseaux dans les prochaines années en plus du renouvèlement du réseau, âgé d’en moyenne 50 ans.
RTE, dans son Schéma Décennal de Développement du Réseau (SDDR), indique 33Mds€ sur 15 ans (vs 20Mds€ au rythme actuel) avec la répartition ci-dessous. A noter : RTE calcule qu’il pourrait économiser 7Mds€ en écrêtant 0,3% de la production éolien+PV.
Ce surcoût lié à l’intégration des EnR reste relativement marginal pour le PV et l’éolien au sol rapporté à l’énergie produite, de l’ordre 3-4€/MWh. Il est en revanche plus important pour l’éolien en mer, environ 15-20€/MWh (à ajouter aux 44€/MWh obtenus pour Dunkerque).
Pour les même raisons, Enedis envisage de son côté 69 milliards € d’investissement sur les 16 prochaines années (contre 30Mds€ sur 2008-2018). En revanche, pas de détails sur la ventilation entre EnR, véhicules électriques, renouvellement etc. lesechos.fr/industrie-serv…
Ces investissements en hausse devront être financés. Ainsi, les opérateurs RTE et Enedis ont ainsi demandé une hausse annuelle de 1,4% des tarifs réseaux de l’électricité (TURPE) sur la période 2021-2024. Soit environ +0,4%/an sur la facture globale. transitionsenergies.com/tarifs-electri…
2) L’ARENH pour Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique. C’est un droit qui permet aux différents fournisseurs d’acheter à EDF une partie de l’électricité venant du nucléaire (100TWh/an) au prix de 42€/MWh.
Le tarif de vente régulé devant être réplicable par tous les fournisseurs, il intègre donc ce tarif ARENH pour refléter le coût du nucléaire.
Pour tout savoir sur l’ARENH 😉 :
Une réforme de l’ARENH étant actuellement en cours de négociation avec la Commission Européenne, une réévaluation de son prix est possible. Ainsi, il semblerait que la CRE établisse désormais le coût du nucléaire à 48€/MWh. contexte.com/article/energi…
3) Le complément marché. Le nucléaire ne pouvant couvrir toute la demande, il reste une partie qui sera couverte par les autres moyens de production. Concrètement, un fournisseur qui n’a pas de moyen de production achètera cette électricité sur les marchés.
Ce complément marché reflète cet achat et intègre donc au tarif le prix des marchés de l’électricité. Pour voir en direct les prix de l’électricité pour le lendemain (et plein d’autres infos intéressantes sur l’électricité) : rte-france.com/eco2mix/les-do…
4) Le prix de la capacité. En plus du marché de l’énergie, existe un marché de la capacité. Quand le marché de l’énergie rémunère les producteurs pour leur production, celui de la capacité les rémunère pour le fait d’être disponible quand l’équilibre offre-demande est tendu.
Des « garanties de capacité » doivent être achetées par les fournisseurs en fonction de leurs volumes de clients auprès des producteurs et des opérateurs d'effacement. Pour voir les capacités certifiées par filière, c’est ici : services-rte.com/fr/visualisez-…
4) Coût commerciaux et CEE. Les coûts commerciaux reflètent le coûts « normaux » que doit supporter un fournisseur (masse salariale, etc.). Les Certificats d’Economie d’Energie (CEE) de leur côté sont un dispositif crée pour favoriser les économies d’énergie. #CaptainObvious
Dans la pratique, les fournisseurs l’électricité (mais aussi de gaz et de carburant) doivent acquérir des CEE à hauteur de leur volume de client, pour cela, trois manières :
*Inciter les consommateurs à investir dans des équipements économes en énergie et obtenir en échange des CEE (d’où certaines primes lors de l’achat d’une pompe à chaleur par exemple)
*Acheter des CEE sur les marchés auprès d’autres opérateurs
*Financer des programmes éligibles
5) La marge qui assure une rentabilité au métier de fournisseur d’électricité. Elle est à l’heure actuelle de 3,68€/MWh.
6) Les taxes :
*la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA), participe au financement des retraites du personnel des secteurs industries électriques et gazières
*la TVA, qui s’applique à hauteur de 5,5 % sur l’abonnement et 20 % sur la part proportionnelle à la consommation
*les Taxes sur la Consommation Finale d’Electricité (TCFE), regroupe un ensemble de taxes locales reversées aux communes et aux départements. En 2021, une harmonisation de ces taxes pourrait avoir un impact sur la facture : www-capital-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.capita…
*La fameuse CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) ! Beaucoup de choses sont dites sur cette taxe donc on va s’y attarder un petit peu ;-).
Jusqu’en 2016, la CSPE servait principalement à deux choses :
-Un aspect social (solidarité avec les zones non interconnectées comme la Corse pour qu’ils puissent au final bénéficier du même tarif que la France métropolitaine, tarif social, etc.).
-Un aspect de politique énergétique avec les subventions pour les énergies renouvelables
En raison du soutien aux EnR, la CSPE a beaucoup évoluée passant de 3€/MWh en 2002 à 22,5€/MWh en 2016.
Ceci dit, il est fort probable que le nouveau nucléaire se finance via un dispositif similaire : connaissancedesenergies.org/tribune-actual…
Depuis 2017, le soutien aux EnR vient du CASTE (Compte d’Affectation Spéciale à la Transition Energétique, 7Mds€/an), financé par les recettes des taxes sur les produits pétroliers (TICPE) et le charbon (TICC). Ce sont donc les énergies fossiles qui financent les EnR.
De son côté, la CSPE reste figée à 22,5€/MWh (8Mds€/an) et vient alimenter le reste des charges de service public de l’énergie (zones interconnectées, tarifs sociaux, chèques énergie... soit 3Mds€/an), avec un surplus qui est déversé au budget général de l’Etat.
7) Les rattrapages ! Et oui, quand on entend que les tarifs de l’électricité sont gelés, il y a souvent un rattrapage par la suite.
Ouf, c’est tout pour le Tarif Bleu ! Voyons maintenant les autres offres :
*Les variantes du tarif régulé pour flexibiliser la consommation (heures creuses/pleines, tempo et même EJP avant 1998)
*Les Tarifs de Première Nécessité pour les plus démunis
*Les offres de marchés, où le fournisseur fixe lui-même son prix. Ceci dit, la plupart des éléments (réseau, taxes…) sont communs et le principal levier consiste à acheter de l’énergie sur les marchés plutôt que de prendre de l’ARENH.
*Les offres « vertes » qui contiennent en plus des garanties d’origines pour certifier que le même volume annuel (mensuel à partir de 2021) d’EnR que votre consommation sera injecté sur le réseau européen. Plus d’infos sur ce mécanisme ici : sia-partners.com/system/files/d…
Quelles sont les raisons des évolutions passées de tarifs ?
On entend parfois que le tarif augmente en raison des coûts du nucléaire ou des mauvais investissements d’EDF. Si vous avez bien suivi, vous remarquerez déjà que certains éléments n'entrent simplement pas dans le calcul
Le coût du nucléaire de son côté apparait uniquement sous la forme de l’ARENH (en tout cas depuis l’entrée en vigueur de la tarification par empilement en 2015) qui est fixé depuis 2012 à 42€/MWh et n’a pas bougé depuis (même si ça pourrait être le cas à l'avenir).
Pour comprendre les raisons des évolutions des dernières années, voici un très bon graphique fait par @GoldbergNic :
Conclusion
Vous l’aurez compris, derrière cette facture se dessine finalement tout le système électrique français : son réseau, ses moyens de production, l’ouverture du marché, la politique énergétique sur l’électricité et sa situation dans le cycle d’investissement.
Le système électrique actuel dans son ensemble est un système amorti qui entame le début d’un nouveau cycle avec un besoin de modernisation du réseau et d’investissements dans des nouveaux moyens de production bas-carbone, qu’ils soient nucléaires et/ou renouvelables.
Ces investissements sont une nécessité, le vrai choix politique consiste dès lors à décider comment ils seront financés (facture d’électricité, taxes sur les fossiles, via budget global de l’Etat…) tout en prenant en compte les conséquences sociales de ces décisions.
La prolongation des centrales nucléaires est un sujet clef de notre mix électrique.
Mais concrètement, qu’est-ce que fait EDF pour pouvoir garantir qu’elles peuvent fonctionner plus longtemps ?
Pour quel coût ? Et qu’en pense l’autorité de sûreté ?
Tout d’abord, en France comme dans la plupart des pays européens, la durée de fonctionnement des centrales nucléaires n’est pas limitée a priori. En contrepartie, le code de l’environnement impose à EDF un examen en profondeur d’une centrale tous les 10 ans.
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) va ainsi analyser le vieillissement du matériel et demander des améliorations du niveau de sûreté. A l’issue de cet examen (Visite Décennale ou VD), elle donnera son autorisation (ou pas) pour une prolongation de 10 ans.
Pénible, contraignant voire liberticide... Ce sont les mots qui émergent parfois lorsqu’on nous demande de modifier notre mode de vie pour limiter le changement climatique. Mais ce qu’on fait actuellement est-il suffisant ?
Et sinon, quelles seraient les conséquences ? #Thread
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Quelle est la situation actuelle ?
Nous sommes déjà dans un monde à +1°C par rapport à l’époque préindustrielle (1850, voir échelle de droite du graphique ci-dessous).
+1°C… Ça semble tellement peu. Et pourtant c’est gigantesque : l’énergie reçue liée au surplus d’effet de serre en raison des activités humaines correspond à celle de 400 000 centrales nucléaires qui seraient dédiées uniquement à réchauffer la planète !
Question pertinente de @ericvidalenc sur une proposition classique : En France, on aurait dû investir les subventions mises dans le PV et l’éolien dans l’installations de pompes à chaleur. Qu’en est-il ?
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Quel intérêt pour le climat d’installer du PV+Eolien en France ?
Même si nous avons un mix électrique peu carboné (19MtCO2 en 2019), l’introduction de PV+Eolien permet tout de même d’effacer du fossile chez nous et surtout chez nos voisins (mais le CO2 n’a pas de frontière).
Ainsi, RTE estime qu’en 2019, la production de 45 TWh de PV+éolien a permis d’éviter l’émission de 22MtCO2 (5 en France, 17 chez nos voisins).
Le Biogaz : un outil de plus en plus mis en avant pour nous permettre d’atteindre la neutralité carbone…
De quoi parle-t-on ? Est-ce utile ? Quel potentiel et quelles limites ?
Petit rappel sur le « gaz naturel » : c’est une énergie fossile, responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre en France et dont 50% de l’utilisation sert à chauffer des logements ou des bureaux.
De plus, il est en quasi-totalité importé :
Il est donc urgent de trouver des alternatives à cette énergie, et c’est ce que propose le biogaz.
Il existe trois manières de produire du biogaz : la méthanisation, la pyrogazéification (ouch!) et l’électrolyse/méthanation (re-ouch !)
@BenjiLAREDO@GoldbergNic@nmounier16@ssoumier@SFENorg Oui tout à fait. Je me suis mal exprimé : je voulais insister sur la différence entre intérêt durant la construction, qui représente disons 4€/MWh, les coûts de construction (12€/MWh), le coûts de production "technique" total (disons 40€/MWh) et le coût complet
@BenjiLAREDO@GoldbergNic@nmounier16@ssoumier@SFENorg y.c. rémunération du capital (disons 90€/MWh). On a donc bien les intérêts intercalaires qui valent 1/3 du coût de construction, mais ces intérêts ne représentent pas tout le coût du capital.
@BenjiLAREDO@GoldbergNic@nmounier16@ssoumier@SFENorg Une fois qu’on prend en compte le coût du capital pendant toute la vie de la tranche, on retrouve les 2/3 (en proportion du coût complet, et non juste du coût de construction). Pas certain d’être vraiment limpide là ^^.
Suite au très bon thread de @BenjiLAREDO sur le LCOE, je propose d’éclairer quelques éléments clefs sur les coûts du nucléaire : le coût du parc actuel, le tarif de rachat d'Hinkley Point C et les futurs mécanismes de financement du nucléaire. #Thread
Ça tombe bien, il y a justement un rapport rédigé en 2014 sur le sujet par une autorité indépendante de référence : la Cour des Comptes. Regardons ce qu’il contient.
Ce rapport, très complet, donne comme coût du parc actuel 62€/MWh pour une durée de vie estimée à 50 ans avec la décomposition suivante (on verra dans la suite à quoi correspond chacun des intitulés).