Bienvenue à toutes et tous pour ce nouveau #NumokLive, en direct de la bibliothèque Melville (13e arrondissement).
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#Numok2020
Vous dites régulièrement, et nous sommes bien d'accord au Festival Numok, qu’entre les câbles et nos écrans, il y a de nbses couches, logicielles et technologique, mais des couches qui sont les moins exposées, les - visibles aussi parce qu'elles sont les - faciles à expliquer.
Pourtant, à l'heure où les activités productives sont si massivement déployées sur internet, où la distraction, les rencontres (et la drague !), mais aussi toutes les formes de production culturelles et scientifiques,
il nous a paru opportun de vous inviter pr descendre dans la salle des machines où se conçoivent les normes, procédures de connexion de partage, d’appairage, qui permettent qu'en surface nos navigations et nos usages soient possibles, mais aussi contraints, facilités ou empêchés.
Les choix techniques ne sont pas neutres, toutes nos activités en dépendent et pourtant c'est la visite la moins fréquemment proposée au grand public, celui ou celle que vous appelez souvent « Mme Michue ».
Derrière cette appellation, il y a souvent un prétexte pour justifier que le projet démocratique par excellence d'une mise en discussion de ces techniques soit repoussé à plus tard/ailleurs, nous ne savons pas vraiment comment marche l'informatique :
ce soir soyons toutes et tous ce M. ou cette Mme Michue
tentons de nous approprier les techniques pr mieux y cerner ce qu'elle comportent de politique, et permettre ainsi que les utilisateur.trices de se doter et de transmettre les éléments essentiels de la littératie numérique.
Stéphane Bortzmeyer, en réponse à Pascal Ferry 🎙️: Merci de m'avoir invité ! Je ne suis pas un grand fan de vidéoconférence, j'apprécie les rencontres en présentiel...
L'AFNIC (asso 1901 qui verse 80% de ses bénéfices à des fondations qui travaillent à aider les gens les plus défavorisés par rapport au numérique) où je travaille gère le domaine internet en .fr
Auj, on utilise Internet pour absolument tout, cela s'est accentué avec la pandémie et l'infrastructure de l'Internet détermine ce qu'on est capable de faire, ou pas. Chacun peut, auj, toucher le monde entier, pour le pire mais aussi bien souvent pour le meilleur !
Internet est un système socio technique qui a des avantages/inconvénients: quelles sont les particularités de l'internet qui font que telle chose souhaitable est difficile, que telle chose regrettable est très facile ?
Ce n'était pas très traité dans le débat public. Les choses qui influencent le plus notre vie passent par internet, or il n'y a pas de production dans le débat public à la hauteur de l'importance qu'a ce système socio-technique dans nos vies.
La production et le discours sur Internet est souvent d'une qualité contestable, se focalisant sur des choses polarisantes et éclatantes. Dans ce livre, je voulais parler de l'infrastructure d'Internet, de ce qui est DESSOUS ce qu'on utilise au quotidien.
Une particularité du numérique est que surveiller est facile, car tout passe par des 0 et des 1, observer des données est facile et ne laisse aucune trace ; dupliquer, redistribuer et traiter par des logiciels est aisé.
L'argument qu'on est protégé par la masse ne joue plus car le numérique, pour le meilleur et pour le pire, permet de traiter une grande quantité de données - et cela à toutes les échelles et tous les échelons de cheminement des données.
M. Michu il y a 50 ans sort de chez lui, va chez le boulanger, va au café, achète le journal, ne le lit pas en entier, discute avec un ami... toutes ces activités ne laissaient aucune trace sauf à avoir un détective à ses trousses - et encore. Auj, ce n'est plus le cas.
La presse fr qu'on peut lire en ligne se lance dans des discours véhéments contre les GAFA, mais ses pages sont pleines de cookies qui récoltent plein de données !
Lecture d'ebooks sur Kindle : Amazon sait exactement quelles pages on a lu, et peut donc influencer l'édition.
L'infrastructure du numérique a une importance quant à la fracture numérique : elle existe à des niveaux ruraux et populaires mais aussi à un niveau international :
des tas de pays sont moins bien connectés, et c'est svt lié à la manière dont les opérateurs internets sont connectés entre eux. Chaque opérateur agit au mieux de ses intérêts.
L'interconnexion entre ces opérateurs fait l'Internet, mais il existe des opérateurs d'opérateurs etc.
Un débat qui parait très technique a des conséquences sur ce qu'on pourra faire ou ne pas faire - sans même parler des questions d'espionnages internationaux.
Dans les discours politiques, on a souvent l'impression que cet état de fait est inévitable. Ce n'est pas le cas. Au lieu d'utiliser YouTube, on pourrait utiliser des logiciels comme PeerTube, qui permet à tout le monde de partager ses vidéos.
Quand on débat de la place de ces gros acteurs, il faut se rappeler que d'autres solutions sont possibles.
P. Ferry : Première question pour préciser pour tout le monde : qu'appelez-vous un système décentralisé dans le domaine de l'Internet ?
S. Bortzmeyer : des étudiants de Sc Po interrogés en micro-trottoir répondaient il y a quelques temps avec difficulté à la question de "Qui dirige Internet ?", parfois à la limite du complotisme (patron de Google etc.) -> de fait, il y a une multitude d'acteurs.
Auj il y a une certaine pluralité, mais ce n'est pas non plus une utopie : certes les acteurs sont pluriels, mais grosses inégalités. Google, par ex, a bcp plus de poids que des créateurs de logiciels lambda -> mais aucun n'a un pouvoir absolu et peut tout décider.
Pour que ça fonctionne il faut des règles communes, ce qu'on appelle en informatique des protocoles et il faut obtenir un consensus, personne n'a de pouvoir de l'imposer.
C'est parfois embêtant, la démocratie c'est compliqué. Mais ça protège des décisions arbitraires d'un chef unique.
P. Ferry : est-ce que la normalisation autour des protocoles ont changé l'internet dans les dernières années/décennies ?
S. Bortzmeyer : au sein d'un même opérateur, on cherche LE meilleur chemin. Mais entre opérateurs, ce n'est pas le cas, on cherche un chemin contrôlable -> le chemin peut donc se dégrader à cause de la concurrence entre les opérateurs.
Les décisions sont business et peuvent être influencées par la loi des pays. A l'intérieur d'un même pays, la communication peut passer par plusieurs opérateurs qui doivent se mettre d'accord pour échanger. Et il n'y a pas de gouvernance autour des échanges et interconnexions.
P. Ferry : 2 images apparaissent : celle des chambres de compensations entre les banques et celle d'un pot de yaourt et dont le contenu doit faire 2x le tour du monde avant d'arriver dans mon assiette.
S. Bortzmeyer : L'image de la chambre de compensation est bonne. Pot de yaourt : relation au consommateur, la relation va dans un seul sens, donc ce n'est pas une situation équivalente. Le pt commun est que la route réellement suivie n'est pas celle qui semblerait la plus logique
P. Ferry : sous l'apparence d'une bataille incessante, il y a bcp de coopération ?
S. Bortzmeyer : Oui, car tout le monde a intérêt à ce qu'Internet marche.
Il y a bcp de discussions, d'échanges, une partie est privée (négociations entre Free et Orange sur les interconnexions) mais il y a des forums où se réunissent les différents opérateurs etc. et une partie de la discussion est publique, l'autre se poursuit au bistrot.
L'internet connecte des humains. Par définition, on ne fait pas du réseau tout seul.
P. Ferry : Question qui demande si vous pouvez-vous revenir sur la neutralité du Net ?
S. Bortzmeyer : La neutralité de l'Internet est l'idée que l'intermédiaire ne doit pas abuser de son pouvoir. Pouvoir = 1) Possibilité technique et 2) pouvoir de le faire ou pas.
Cela se joue au niveau du fournisseur d'accès qui n'a pas à me dire quoi regarder, ça marche pour mon navigateur, pour les logiciels. Justement les navigateurs pour Google Chrome : avec les avertissements par rapport aux sites non fiables, on est sur un fil extrêmement fin.
Mais quand on parle de neutralité du net, on parle principalement des fournisseurs d'accès.
P. Ferry : ce qui veut dire que cela peut évoluer, non seulement demain, mais aussi pays par pays ?
S. Bortzmeyer : Oui, pays où il y a parfois des interférences : ex de Trump a demandé de supprimer une obligation de neutralité du net pour les opérateurs.
Un Etat a le pouvoir technique de contrôler cette infrastructure, au niveau juridique c'est beaucoup plus compliqué.
P. Ferry : on a l'impression que ce sont souvent des ONG que viennent la dénonciation et la contestation -> signe de vitalité démocratique ? Ou bien met simplement en valeur les défaillances des Etats ?
S. Bortzmeyer : les grosses entreprises et les politiques, c'est le même monde. Les partenariats publics privés jouent à plein.
Normalement il ne devrait pas y avoir besoin d'associations de défense des libertés sur Internet.
P. Ferry : les politiques devraient traiter le numérique au même titre que les autres sujets mais ce n'est pas le cas au prétexte que c'est compliqué et/ou différent.
Les câbles transatlantiques sont-ils propriété d'une seule société ? Orange ? Qui contrôle si on peut ou non mettre des câbles au delà des territoires maritimes de chaque Etat ?
S. B. : Il n'y a pas l'équivalent pour les câbles sous marins, ils sont quasi tous propriété privé, ce qui fait reposer l'infrastructure que tout le monde utilise sur le privé. Même les plus grosses entreprises ont du mal pour la maintenance, d'où la création de consortiums.
En pratique, la principale conséquence de cela pour les câbles sous marins est l'inégalité extrême de leur implantation. Les USA jouent un rôle de hub, avec tout ce que cela implique de surveillance et de collecte de données.
P. Ferry : est-ce que dans la configuration actuelle, certains Etats viennent concurrencer ou déranger le jeu des plus gros opérateurs ? Géopolitique des câbles ?
S. Bortzmeyer : il y a des débats géopolitiques pour les câbles sous marins, mais c'est justifié par la difficulté technique et géographique.
P. Ferry : L'Inde joue-t-il à jeu égal avec USA ?
S. B. : Je ne crois pas qu'ils aient tellement de câbles sous marins, donc soit sont membres d'un consortium qui passe un câble, soit louent des parts.
P. Ferry : le Blockchain est-il un des systèmes alternatifs qu'il faudrait introduire pour casser le fonctionnement routinier actuel ?
S. Bortzmeyer : la chaîne de blocs ne résout pas tous les pbs même si succès certains (bitcoins). Il y a eu une mode blockchain, auj c'est l'IA, demain je parierai sur le quantique.
P. Ferry : peut-on résumer de manière simple ce que la technologie blockchain permet de faire ?
S. Bortzmeyer : Cette technologie permet d'arriver à un accord sur un état par rapport à des acteurs qui ne se font pas confiance.
Mais le blockchain ne répond pas aux pbs où il y a interaction avec le monde physique, quand il faut interagir avec le monde extérieur.
P. Ferry : Pour M. et Mme. Michu, comment s'assurer de la confidentialité des données ?
S. Bortzmeyer évoque la cryptographie.
P. Ferry : concrètement la chaine de blocs, c'est quoi ?
S. Bortzmeyer : C'est l'idée que chaque transaction est chaînée à une autre transaction et que tout cela est consigné dans un livre des opérations, et ce livre est publique.
P. Ferry : en passant vous avez cité le chiffrement, vous dites que c'est un vieux thème mais qu'on n'a pas rendu possible de chiffrement généralisé.
S. B. : l'idée est que la sécurité doit être pour tout le monde, pas que pr les techniciens les plus pointus.
La généralisation du chiffrement est en cours, mais elle ne résoudra pas l'intégralité des problèmes. Sa globalisation permet cependant de limiter les dégâts.
S. Bortmeyer : le RGPD est une bonne chose, mais il y a trop d'exceptions. Des faiblesses externes existent aussi, c'est la difficulté de le faire respecter : par ex, l'exigence de supprimer les données, ce qui est extrêmement difficile à vérifier.
C'est bien si les jeunes informaticiens sont plus conscients du problème, mais ça ne doit pas être une excuse pour la société dans son ensemble. Le côté obscur est puissant.
Pour un informaticien payé pour des travaux visant à améliorer la vie privée, il y a en a 10 qui sont payés pour violer la vie privée.
P. Ferry : Merci beaucoup à vous pour cette intervention très claire et faite avec beaucoup de pédagogie ! A bientôt pour le prochain #NumokLive
#Numok2020

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