Ça fait presque un an que je n'ai pas vu de fausse nouvelle à propos des immigrants, des réfugiés ou des musulmans, une première en six ans [frissons] de beat désinfo.
Ça en dit long sur les mécaniques de la désinformation. 1/
Concrètement, ça veut dire que les propagateurs de la désinfo ont abandonné le discours sur l'immigration pour bifurquer vers la pandémie, l'élection américaine et QAnon. On ne fait plus ben ben de clics en parlant d'immigration en ce moment. 2/
Un conspirationniste qui continue à parler des réfugiés n'arriverait pas à rejoindre beaucoup de gens aujourd'hui. Il n'aurait pas vraiment le choix de changer de sujet pour trouver son auditoire. 3/
Les métriques des réseaux sociaux leur permettent de mesurer assez fidèlement l'intérêt de leur public. Ils voient que s'ils parlent d'un sujet, ils ont plus de vues que s'ils parlent d'un autre sujet. Ils s'observent aussi entre eux. La rétroaction est instantanée. 4/
En d'autres mots, les incitatifs des réseaux sociaux et les préoccupations de l'auditoire dictent le discours conspirationniste. Il n'y a aucun lien entre les réfugiés et la covid, mais les prédicateurs des conspirations ont tout bonnement migré d'un vers l'autre sans broncher 5/
Le phénomène des influenceuses yoga qui se mettent subitement à parler de QAnon, voient leurs vues exploser et qui donc se mettent à parler de rien d'autre que QAnon? Même phénomène. Elles ne font que continuer à faire ce qui fonctionne. 6/
En gros, la mécanique n'est pas "j'ai vu une conspiration sur X, donc je m'inquiète de X".
C'est "je m'inquiète de X, donc je suis prêt à croire et à propager des conspirations qui parlent de X."
C'est un processus participatif. L'auditoire détermine ce qui va percoler. 7/
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas l'information trompeuse qui propulse la conversation, mais bien l'inverse. Les désinformateurs ne font qu'offrir à leur auditoire des sujets qui leur plaisent. Ils ne sont pas des "agenda setters", ils sont réactifs. 8/
De plus, ça cause un tour de magie de la complosphère: "je m'intéresse à des conspirations à propos de X et... wow! Tous les influenceurs complotistes parlent aussi de X! Je dois avoir raison de croire ça!"
(En vérité, les influenceurs suivent juste la tendance.) 9/
Bref, la désinfo suit la demande. Tant qu'il y a un auditoire prêt à gober n'importe quelle histoire à propos de X, il y aura des prédicateurs complotistes qui vont parler de X.
La désinfo n'est pas la maladie elle-même, mais un symptôme. C'est un baromètre. 10/10
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Ça fait des années que je vois des hot takes du genre "le fact-checking ne sert à rien parce que ça convainc personne".
Bien humblement, les gens qui ont cette opinion n'ont probablement jamais interagi avec un public en quête de repères. 1/
Une bonne proportion des messages que nous recevons sont du genre "Bonjour, que penser de ceci? C'est inquiétant!"
On oublie souvent que bien des gens ne sont pas polarisés ou radicalisés, ils cherchent simplement à comprendre leur monde chaotique. 2/
Les gens les plus polarisés sont les plus mobilisés et sont ceux qui inondent les sections de commentaires. Ils s'arrangent pour que leurs trucs voyagent. C'est trop facile de les voir aller et se dire que tout le monde est soi dans leur camp ou dans le "nôtre". C'est faux. 3/
Je viens de recevoir une question fort pertinente, que je reçois souvent: "pourquoi parlez-vous des conspirations? vous leur donnez de la visibilité".
Ça mérite très franchement une réflexion et des explications. 1/
En effet, pour ce qui est de nous aux Décrypteurs, nous nous posons cette question à chaque fois que nous abordons un sujet qui touche les conspirationnistes. Ce sont des questions fondamentales. 2/
Il reste que, à l'époque dans laquelle nous vivons, certaines de ces conspirations atteignent un niveau de notoriété qui fait en sorte qu'on ferait plus de mal à ne pas en parler. 3/
A reminder that it's possible to push for giant social media companies to be more responsible with what they allow on their platforms while at the same time believing that these companies should not have the overarching powers they possess.
It's kind of like if we only had private fire departments run by megacorporations.
On one hand, you could think that it's messed up and want that to change, but also, you'd want those private fire deparments to come put out a fire that was burning your house down right now.
Anyways, if Twitter had stayed a microblogging platform for podacsters, if Facebook had stayed a dating site for Ivy League students, if Instagram had stayed a party organizing site for bourbon enthusiasts, we would not be having these conversations.
Du drama dans la communauté de gens qui observent QAnon ce matin.
Il a été révélé que le propriétaire de 8kun (8chan) est aussi le propriétaire de QMAP, le plus populaire site d'archivage des Q drops. Pourquoi est-ce important?
Comme je le faisais remarquer dans mon article samedi, l'identité de Q est une sorte d'entente commune dans la communauté QAnon. Plein de gens affirment être Q. Celui dont les drops sont vénérés est simplement le Q que le mouvement a accepté. 2/
La vaste majorité des adeptes de QAnon ne vont jamais lire les publications de Q directement sur 8kun, ils utilisent des sites comme QMAP pour les consulter.
Donc QMAP a un pouvoir énorme. Ce site détermine ce qui est un vrai post de Q et ce qui n'est pas un post de Q. 3/
THREAD: Nous avons reçu au bas mot 5000 courriels et produit une centaine d'articles aux Décrypteurs pendant la pandémie.
Ce n'est pas scientifique, mais c'est un bon échantilllon et j'ai quelques observations sur les fact-checks qui génèrent le plus de messages haineux. 1/
Quand la fausse nouvelle comporte de l'espoir - par exemple, si ça parle d'un remède miracle, ou du fait que tout ça a été exagéré - on reçoit beaucoup de messages haineux.
C'est "normal", dans le sens qu'on piétine une croyance qui permettait de minimiser la crise. 2/
La désinfo, ça peut aussi servir de refuge. Plutôt que de regarder la vérité en pleine face et réaliser qu'on vit une immense crise qui a bouleversé le monde pour aucune raison, on peut croire que tout ça est inventé. C'est rassurant, pour certains. 3/