Thread by @LarrereMathilde

4 février 1794
il y a 226 ans
La Convention nationale abolit l'esclavage dans les colonies (sans indemnisation des planteurs)

1)La France d’ancien régime avait un empire colonial dont l’économie reposait sur l’esclavage (Antilles, Mascareignes (Maurice et la Réunion), Guyane).
A Saint Domingue 90% population était esclavagisée

2)On aurait pu s’attendre à ce que la révolution abolisse l’esclavage en 1789.
La Déclaration des Droit de l’homme et du citoyen ne formulait-elle pas que "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"?

3)Et de fait, il y avait dans les colonies comme à Paris des gens favorables à cette abolition, notamment dans la Société des Amis des noirs créée en 1788

4)Mais c’était sans compter la pression des lobbies de planteurs qui sont parvenus à empêcher cette abolition...

5)La déception est grande dans les colonies, les révoltes d'esclaves sont de plus en plus nombreuses

6)A l’été 1791, à Saint Domingue, des marrons (esclaves en fuite) lancent une insurrection, rejoints par des esclaves, brulent les champs, massacrent les propriétaires d’esclaves

7)La situation se complique du fait que l’Espagne et l’Angleterre en profitent pour intervenir, histoire de récupérer les colonies françaises, et s’appuient à Saint Domingue sur les esclaves révoltés à qui ils promettent la liberté

8)Mais ce n’est qu’opportunisme, car dans d’autres îles, c’est aux colons blancs que les Anglais promettent de maintenir l’esclavage s’ils se livrent à eux, ce que les colons font en Martinique et à Tobago

9)La Déclaration des droits de l’homme de 1793 formulait dans son article 18 l’impossibilité de vendre ou acheter un être humain, ce qui ouvrait la voie à une abolition sans la formuler.

10)A Saint Domingue, en aout 1793, inquiets de la situation (et notamment de l’alliance des Anglais avec les esclaves menés notamment par Toussaint L’ouverture) Sonthonax et Polverel commissaires de la république décident de leur propre chef d’abolir l’esclavage

11) la question en ensuite posée donc en février 1794 à la Convention
Le député Lacroix (d’Eure-et-Loir) a demandé que l’Assemblée ne se déshonore pas par une discussion. Le texte rédigé par lui est voté, à l’unanimité, par acclamation.

12) C’est une abolition immédiate (quand beaucoup défendaient une abolition graduelle) et sans indemnisation des planteurs (à la différence de 1848 où les planteurs seront grassement indemnisés). Dans le décret, l’esclavage est désigné comme « crime de lèse-humanité ».

13) Le décret du 16 pluviôse an II apparaît pourtant aux historien-nes comme un « rideau de fumée » qui n’a abusé que quelques sans-culottes philanthropes. En effet, aux colonies, le bilan de l’abolition est mince.

14) Ce décret de 1794 sera appliqué à Saint-Domingue, en Guyane et en Guadeloupe, mais ni en Martinique ni à Tobago, alors occupées par les Britanniques, ni aux Mascareignes (La Réunion et l'Île-de-France (Maurice)) non plus, face à l'opposition de l'administration locale.

15) Dans les espaces où le décret est sensé être appliqué, sur le terrain c’est plus compliqué. Déjà, pour échapper à l’abolition, de nombreux planteurs fuient avec leurs esclaves en Louisiane ou dans les îles anglaises où l’esclavage est maintenu.

16) En Guadeloupe comme à Saint Domingue l’esclavage est remplacé par des formes de travail forcé qui ne change guère les conditions de vie et de travail des anciens esclaves

17) Mais même mal et insuffisamment appliqué, le décret était d’importance… il est abrogé par Napoléon en 1802 …

(statue de Solitude, qui s'était opposée au rétablissement de l'esclavage et fut exécutée le lendemain de son accouchement... son enfant étant mis en esclavage)

18) Il faudra attendre 1848 pour une nouvelle abolition, à nouveau dans un contexte de révoltes d'esclaves, non sans difficultés du fait de la résistance et colons et accompagnée d’une indemnisation des planteurs et d'aucune aide d'aucune sorte pour les esclaves libéré-es...

pour en savoir plus, je vous invite à lire les ouvrages de Frederic Régent