Il y a 123 ans, le journal l’Aurore s’arrache dans les rues de Paris
A sa Une un article dont le titre éclate
J’accuse !
1)Rappelons brièvement les faits : Dreyfus avait été condamné devant un tribunal militaire pour trahison (1894)
Condamné sur de fausses preuves confectionnées par l'armée, présumé coupable parce que juif, il avait été envoyé au bagne.
2)La presse avait joué un rôle central dans l’accusation
Il faut voir qu’alors tout était permis
Enfin pas tout, depuis les lois scélérates, on ne pouvait plus publier de textes anarchistes même socialistes
3)Mais sinon, la liberté était totale
La presse à la fin des années 1990 on ne peut pas écrire Vive la Sociale!, mais on peut écrire mort aux juifs…. Et on ne se privait pas
4) Le frère d'A. Dreyfus lance alors une contre-enquête qui démasque le coupable (1897) : le colonel Esterházy, ce que confirme un officier G. Picard
Esterházy est jugé mais acquitté le 11 janvier au terme d’un procès militaire bien controlé
5)Le 13 au matin, Picard est arrêté et incarcéré !
Le même jour Auguste Scheurer-Kestner, homme politique dreyfusard perdait la présidence du Sénat
6)Autant dire que les dreyfusards étaient le 13 janvier dans une position difficile…
7) Et donc
alors que la situation paraissait désespérée....
BOUM
« J’accuse… ! » paraît dans l'édition du 13 janvier 1898 du journal L'Aurore
8)L'article, distribué dès huit heures du matin, couvre toute la une du journal, dont 300 000 exemplaires s'arrachent en quelques heures à Paris
9)« Toute la journée, dans Paris, les camelots à la voix éraillée crièrent L'Aurore… Le choc fut si extraordinaire que Paris faillit se retourner » se souvient Péguy
10)Zola n’en était pas à son premier article dreyfusard, il en avait déjà publié x dans le Figaro
Mais pour son nouveau texte il choisit un jeune quotidien militant, le journal L'Aurore, qui n’existait que depuis 3 mois
11)Son fondateur et directeur, Ernest Vaughan, politiquement très marqué par Proudhon, avait adhéré à l'Internationale dès 1867
Georges Clemenceau participait également à l’aventure de ce nouveau journal, l’orientant plus vers un républicanisme progressiste plus modéré
12)L'équipe rédactionnelle comprend aussi Bernard Lazare, auteur des premières brochures éditées pour défendre Alfred Dreyfus
13) Quand Zola leur propose l’article… nombreux tiquent, notamment Clemenceau, plus modéré.
Mais l'éditorialiste s'incline devant les qualités indéniables du texte en s'exclamant : « C'est immense cette chose-là ! »
14)L'équipe rédactionnelle bute aussi sur le titre de l'article : « Lettre au Président de la République »
Sur les conseils de Clemenceau, le nouveau titre, plus choc, est choisi. J’accuse !
15)La forme employée par Zola est assez révolutionnaire au regard des habitudes journalistiques
L'article est très long, avec environ 4 570 mots. Il court sur l'intégralité de la première page de L'Aurore et se prolonge en page 2
16) La composition typographique en a été particulièrement soignée. Le titre en grosses lettres. Trois points de suspension. Un point d’exclamation
c'est sur
ça envoie du lourd!
17)« J’accuse… ! » est une surprise pour les contemporains, surpris de lire une telle violence dans le ton, un engagement aussi clair
Zola n’y est pas avocat de Dreyfus, mais accusateur public des acteurs militaires de l’affaire, de la justice, de la politique
18)Magistralement il résume les différents événements constituant les quatre premières années de l'affaire Dreyfus
19)Zola y livre une implacable attaque en règle
Il résume tous les mensonges de l'affaire
« La France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis. » écrit-il au président de la république
20)"Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis."
21)alors il parle, il analyse, démonte, détricote, défonce. Implacable il cite les responsables les uns après les autres
22)tout y passe : l’état major, le conseil de guerre, l’église.
"les papiers volés, les lettres anonymes, les rendez-vous dans les endroits déserts", "les pièges, les enquêtes folles, toute une démence torturante", "les machinations les plus saugrenues et les plus coupables"
23)La presse en prend pour son grade
"C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l’homme mourra, si elle n’en est pas guérie".
24)Et à la fin de l’envoi, il touche… avec la célèbre litanie accusatrice et son anaphore…
25)Zola sait à quoi il s'expose. Il contrevient en effet à la loi sur la presse du 29 juillet 1881, ce qui va l'amener à être inculpé de diffamation publique.
26)mais il est confiant : "Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle."
27)« Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !
J’attends. »
28) Car c'est ça justement qu'il cherche.
Il veut sortir l’affaire des tribunaux militaires pour la porter aux assises.
Or si Dreyfus a été jugé par l'armée, Zola ne pouvait l'être qu'aux assises!
29)C'est précisément le coup de génie de « J'accuse » : avoir brutalement renversé les objectifs, en accusant individuellement, en affolant des hommes jusque-là assurés de leur puissance et les forcer à mettre l'affaire sur la sc publique
30)Le lendemain de la parution, l’accueil est très négatif contre Zola… seule une minorité salue l’article
Pour les Dreyfusards, la nouvelle de l'engagement résolu d'Émile Zola est inespérée
31)Dans le camp anti-dreyfusard, c'est la stupeur, mêlée de furie vindicative
la charge contre Zola est féroce
32)Mais l’affaire est relancée, voire lancée même ! Bientôt deux camps s’affrontent clairement
33)D’autres intellectuels s’engagent alors du coté de Dreyfus comme Anatole France, Georges Courteline, Octave Mirbeau ou Claude Monet
mais aussi Charles Péguy, Lugné-Poe, Victor Bérard, Lucien Herr, ou Alfred Jarry, ou Marcel Proust.
34)Inculpé, Zola transforme évidemment son procès en tribune du dreyfusisme et fait en réalité le procès de l’affaire
35)Sa force : il n’est pas jugé par la justice militaire mais civile ! par la Cour d’assises
Les antidreyfusards manifestent devant la Cour de justice.
L’état major menace de démissionner en cas d’acquittement!
36) Zola est condamné à 1 an et un mois de prison et de lourdes amendes
Zola ira se réfugier à Londres pour fuir la prison et ne rentrera qu’en 1899 après la révision du procès de Dreyfus
37)Mais si Zola a perdu le procès dans le tribunal, il l'a gagné à l'extérieur : les preuves ont été publiées !
38) Et c’est à la suite du procès de Zola qu'a lieu la première réunion jetant les bases de la future Ligue des droits de l'homme le 25 février 1898 @LDH_Fr
39) tout cela conduira à la révision du procès l’année suivante
40)En 1899 le procès de Dreyfus était révisé en mi teinte, n’osant assumer l’erreur judiciaire, ce qui fit 10 jours après le président en graciant Dreyfus
41)Zola ne connaîtra jamais le dénouement de l’affaire Dreyfus : le 5 octobre 1902, il meurt asphyxié dans son appartement de la rue de Bruxelles. Mort accidentelle ou provoquée ? on ne sait....
42)C’est en 1906 qu’enfin la cour de Cassation cassera le jugement et que Dreyfus sera réhabilité.
43)En 1908, lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon Dreyfus est blessé par deux coups de revolver. Son agresseur, Grégori, un journaliste du Gaulois, sera acquitté par les assises de la Seine.
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Le 15 janvier 1919
il y a 102 ans
Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés
1)pour rappel, Berlin était en insurrection depuis le 5 janvier
2)En nov 1918 une révolution avait renversé le régime impérial. Les socialistes (SPD) parvenus au pouvoir entendent limiter cette révolution.
Une partie des ouvriers, des soldats, et la frange plus révolutionnaire du SPD souhaitent à l’inverse de plus amples mesures sociales.
alors je vais (une fois de plus je sais, mais elle le mérite) vous raconter sa vie
1)Clémence-Louise Michel naît le 29 mai 1830 dans la Haute-Marne
Elle devient institutrice (mais refuse de prêter serment de fidélité à Napoléon III) et s’installe à Paris, ouvrant plusieurs écoles et cours du soir pour les adultes, hommes et femmes
2)Longtemps elle correspond avec Victor Hugo, à qui elle envoie des poèmes qu’elle signe du pseudo « Enjolras ».
Après la commune Hugo lui rendra hommage dans le poème Viro Major
j'ai découvert grâce à qq'une ici, fort malheureusement je ne sais plus qui, la série documentaire sur Netflix sur l'égorgeur du Yorkshire. et franchement, c'est bien.
elle suit la longue et imparfaite traque de la police contre un tueur en série de femmes, à la fin des années 70-début 80. Mais le plus intéressant est l'analyse au prisme des questions sociales et de genre du docu
car la série montre combien le mépris social et la misogynie profonde de la police anglaise l'ont conduit à saborder l'enquête, montre aussi l'instrumentalisation de la peur utilisée pour contraindre les femmes (avec même un couvre feu pour les femmes!)
Le 29 décembre 1890, l’armée des USA massacrait plus de 300 Indiens Lakota à Wounded Knee
1)Les USA continuaient leur politique de grignotage systématique des terres indiennes, violant les traités passés avec les tribus, les obligeants à se parquer sur des petites réserves qui divisaient les peuples indiens
2)La situation des Lakota Miniconju, tribu du peuple Sioux, était dramatique.
Les bisons avaient été exterminés par les Etats-unis, les récoltes étaient mauvaises. La famine menaçait.
c'est intéressant par ailleurs, cette histoire, car elle s'inscrit dans une histoire longue de la représentation des femmes dans les mouvements sociaux
je vous explique très rapidement en dessous
3 choses à distinguer
- la place et le rôle effectif des femmes dans les journées insurrectionnelles
- la place que les hommes veulent bien leur donner (qu'elles peuvent accepter ou pas)
- la représentation de cette place dans les mises en récits/images des insurrections
avec la femme au parapluie on est très clairement dans le dernier cas de figure : les sujets de BFM et autres imposent une représentation du rôle des femmes dans le Bloc.
elle pousse à la violence, elle incite, mais elle n'agit pas directement
9 décembre 1905
Adoption de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat
(fil à dérouler)
1)Il faut savoir qu’une première séparation avait été votée sous le Directoire, en 1795 (décret Boissy d’Anglas)
2)Mais en 1801, le 1er Consul, Napoléon Bonaparte, soucieux de mettre fin aux querelles religieuses et d'assurer le culte dont avait besoin une population majoritairement pratiquante, avait signé avec le pape Pie VII (on rigole pas) le Concordat